Les lymphomes de type T : comparaison entre les formes humaines et canines - Le Point Vétérinaire expert canin n° 323 du 01/03/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 323 du 01/03/2012

ONCOLOGIE COMPARÉE

Fiche

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : Oncovet
Clinique vétérinaire des Référés
Avenue Paul-Langevin
59650 Villeneuve-d’Ascq

À la différence des lymphomes non hodgkiniens de type B, les lymphomes de type T sont de présentation et de pronostic très variables chez le chien comme chez l’homme.

Les formes les plus fréquentes de lymphomes non hodgkiniens (LNH) canins et humains sont très proches (avec une prédominance de lymphomes de haut grade de type B). Cette affection homogène et relativement prévisible dans sa présentation et sa réponse au traitement représente 80 % des cas de lymphome canin. Des formes très variables de lymphome de type T sont décrites chez le chien, avec notamment des présentations multicentriques de lymphome non hodgkinien pouvant être très agressif ou bien bénin, et des formes cutanées (lymphomes T épithéliotropes). La plupart d’entre elles présentent un “équivalent” chez l’homme. La classification WHO décrit 22 formes de lymphome de type T. Certaines sont particulièrement rares et les modèles animaux sont d’un grand intérêt pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Épidémiologie

Environ 20 à 30 % des lymphomes non hodgkiniens observés chez le chien sont d’immunotype T. Rapportés à l’incidence annuelle standardisée, près de 1 600 cas sont diagnostiqués chaque année en France [2]. Les formes cutanées de lymphome T sont nettement moins fréquentes : elles ne représentent que 3 à 8 % des lymphomes et entre 2/1 000 et 7/1 000 consultations de dermatologie. Des prédispositions raciales majeures ont été mises en évidence, indiquant un support génétique pour le développement de la maladie. Les races prédisposées au LNH multicentrique de type T incluent les boxers, les golden retrievers (avec une légère prédominance des lymphomes de type T), les races irish wolfhound, shih-tzu, yorkshire terrier (avec une forte prédominance des lymphomes de type T) [4]. Tout comme les lymphomes d’immunotype B, les LNH de type T se caractérisent par un comportement agressif, se traduisant par une polyadénomégalie d’apparition suraiguë, fréquemment associée à un envahissement extranodal.

Les formes cutanées décrites chez le chien regroupent le mycosis fongoïde (le plus fréquent, caractérisé par un tropisme épidermique des cellules tumorales distinguant ces types de lymphome de forme dermique ou d’extension cutanée de lymphome multicentrique), la réticulose pagétoïde (dans laquelle l’infiltration reste confinée à l’épiderme) et le syndrome de Sézary (dans lequel la forme cutanée s’accompagne d’un envahissement médullaire). Ces deux derniers sont beaucoup plus rares. L’origine de cette affection reste le plus souvent indéterminée. Une prédisposition de certaines races (boxer et cocker spaniel) est rapportée. Un lien entre ces proliférations de lymphocytes T mémoire et des antécédents de dermatite atopique est supposé.

Chez l’homme, les lymphomes non hodgkiniens de type T représentent environ 12 % des tumeurs lymphoïdes, avec cependant une incidence très variable selon les régions du monde (cette forme est beaucoup plus fréquente en Asie qu’en Europe) [5]. Les lymphomes T épithéliotropes présentent un aspect similaire, et un lien entre ces lésions et les allergies cutanées est également suspecté.

Diagnostic

Pour les formes multicentriques, la démarche diagnostique est similaire à celle proposée lors de lymphome de type B (examen histologique d’une biopsie ganglionnaire chez l’homme, examen cytologique chez le chien, associé à un examen immunohistochimique et suivi d’un bilan d’extension). La recherche d’une hypercalcémie paranéoplasique, présente dans près de 50 % des cas, doit tout particulièrement être mise en œuvre.

Chez le chien, l’examen morphologique est essentiel. Il permet de distinguer des formes “blastiques” (pléomorphique, lymphoblastique ou plasmacytoïde) d’évolution rapide et agressive de celles à “petites cellules claires”, dont le pronostic est nettement plus favorable (photos 1 et 2). Trois types de lymphome T épithéliotrope sont décrits, souvent de façon concomitante chez le même animal : une forme érythémateuse (rencontrée dans 80 % des cas), parfois prurigineuse et associée à la présence d’excoriations, atteignant typiquement la tête et le tronc. Elle évolue dans 50 % des cas vers l’apparition de plaques et de nodules. Enfin, une forme localisée sur les jonctions cutanéo-muqueuses orales (érythème, alopécie, ulcération) est couramment rapportée (photo 3). Dans de rares cas, des lésions sont trouvées sur la langue (photo 4). L’aspect histologique est souvent diagnostique, mais la réalisation d’un immunomarquage, éventuellement complété d’une étude de clonalité, peut être requise dans certaines formes encore peu évoluées. La réalisation d’un bilan d’extension n’est le plus souvent pas nécessaire. La réalisation a minima d’un examen hématologique, éventuellement complété d’une ponction médullaire si un envahissement médullaire est suspecté, est recommandée (photo 5).

Chez l’homme, la majorité des LNH de type T est représentée par des formes pléomorphiques. Les présentations cutanées sont très similaires à ce qui est trouvé chez le chien.

Évolution

Le pronostic est souvent reconnu comme peu favorable dans les formes agressives, avec des médianes de survie le plus souvent inférieures à 1 an chez le chien, avec l’exception notable des LNH à petites cellules, pour lesquels des survies de plusieurs années sans traitement sont souvent observées [1, 3, 5].

Le taux de survie à 5 ans est le plus souvent inférieur à 50 % chez l’homme.

Traitement de référence

Les protocoles de chimiothérapie de type CHOP donnent des résultats décevants dans les deux espèces. L’emploi de la lomustine ou de protocoles de polychimiothérapie plus lourds (de type MOPP) a été décrit chez le chien dans les formes généralisées ou cutanées, mais les rémissions sont de durée limitée dans la plupart des cas. Dans les formes cutanées, la lomustine permet d’obtenir une réponse complète dans 20 % des cas et une réponse partielle dans 60 % des cas. Cependant, une progression des lésions est le plus souvent observée dans les 6 mois qui suivent la chimiothérapie [7].

Traitements d’avenir

De nouvelles molécules cytotoxiques (antifolate, inhibiteur des histone déacétylases, inhibiteurs des tyrosine kinases, etc.) sont en cours de développement afin de tenter d’améliorer le pronostic de ces affections. Le développement de traitements d’immunothérapie (notamment d’anticorps monoclonaux) afin de consolider l’effet de la chimiothérapie devrait améliorer le pronostic des LNH de type T, comme cela a été observé dans les formes de type B. L’intérêt du modèle canin de lymphome de type T en pathologie comparée est suggéré par les grandes similarités des affections canines et humaines, et surtout par la plus courte durée d’évolution des maladies canines, permettant d’apporter rapidement une preuve d’efficacité de ces thérapies innovantes.

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