Le Transcatheter Aortic Valve Implant - Le Point Vétérinaire n° 323 du 01/03/2012
Le Point Vétérinaire n° 323 du 01/03/2012

CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

Recherche

Auteur(s) : Luc Behr

Fonctions : IMM Recherche
Institut Mutualiste
Montsouris
42, boulevard Jourdan
75014 Paris
luc.behr@imm.fr

Les techniques développées pour traiter le rétrécissement aortique calcifié chez l’homme pourraient faciliter la prise en charge de chiens et de chats atteints d’affections valvulaires cardiaques.

En médecine humaine, le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est une affection de la valve aortique qui touche surtout les patients âgés de plus de 60 ans. Avec l’effet du “papy boom” et l’augmentation de l’espérance de vie, elle est devenue l’affection valvulaire cardiaque la plus fréquente dans les pays développés.

Il s’agit d’une dégénérescence de la valve aortique sous la forme d’une accumulation de dépôts calciques, entraînant une mauvaise ouverture de la valve aortique (rigidité des feuillets) et constituant ainsi un véritable obstacle au passage du sang. Il en résulte une sténose valvulaire avec un impact sur la fonction myocardique. Dans un premier temps, une hypertrophie du ventricule gauche pour lutter contre l’obstacle est observée, puis, lorsque les mécanismes compensatoires flanchent, l’insuffisance cardiaque s’installe. Le pronostic est mauvais à court ou moyen terme. Le traitement chirurgical doit donc être proposé à tous les patients présentant des symptômes associés à une sténose sévère. Seul le remplacement valvulaire aortique est efficace. À l’heure actuelle, le traitement chirurgical est la technique de référence. Elle consiste en l’excision de la valve malade, remplacée par une prothèse mécanique ou une bioprothèse.

Prothèses mécaniques

Il existe trois types de prothèses mécaniques. Les premières inventées sont celles à bille comme la prothèse Starr, apparue en 1960. Les deuxièmes sont des prothèses à disque, l’élément mobile étant un monodisque pivotant, maintenu par des arceaux comme la prothèse Björk-Shiley introduite en 1969. Enfin, le type le plus récent est à ailettes, mis au point en 1977. Elles sont constituées par deux disques semi-circulaires pivotants comme la prothèse de Saint-Jude. Ce dernier type a un excellent profil hémodynamique. Les prothèses mécaniques sont très résistantes et implantées à vie. Elles nécessitent en revanche un traitement anticoagulant permanent.

Les bioprothèses

Les bioprothèses se divisent en hétérogreffes lorsque le matériel est d’origine animale, en homogreffes et autogreffes lorsqu’il s’agit de matériel humain. Les hétérogreffes sont de deux types : les bioprothèses porcine et péricardique. Ces valves sont montées sur un cadre recouvert de Téflon(r) afin de faciliter leur suture. Les bioprothèses porcines sont fabriquées à partir des sigmoïdes aortiques de porc, comme celle de Hancock. Les bioprothèses péricardiques le sont à partir de péricarde bovin, par exemple la valve de Ionescu Shiley. Leur inconvénient majeur est leur dégénérescence en 10 à 15 ans. Leur avantage est qu’elles ne nécessitent pas de traitement anticoagulant. Les homogreffes valvulaires sont des valves aortiques, pulmonaires ou mitrales, prélevées sur un cadavre humain. Les autogreffes valvulaires sont des valves prélevées chez le patient lui-même : ainsi, l’autogreffe pulmonaire, appelée intervention de Ross, consiste à remplacer la valve aortique malade par la valve pulmonaire du patient. Ce procédé est particulièrement intéressant chez l’enfant dont la croissance n’est pas achevée.

Réalisation de l’intervention

Quelle que soit la valve implantée, l’intervention est lourde et s’effectue sous anesthésie générale, à coeur ouvert, arrêté, exsangue à la faveur d’une circulation extracorporelle (CEC ou “machine coeurpoumon”). Le chirurgien commence par réaliser les abords vasculaires pour mettre en place la CEC, par une canulation des veines caves ou de l’oreillette droite pour dévier vers la CEC tout le sang veineux arrivant au coeur et ainsi le vider. Puis il effectue une canulation de l’aorte et du tronc bicarotidien pour alimenter le corps en sang oxygéné délivré par la “machine coeur-poumon”. Le coeur est arrêté grâce à l’injection d’une solution cardioplégique. Le chirurgien peut ensuite se consacrer au geste chirurgical à proprement parler. Il aborde le coeur en ouvrant l’aorte audessus de la valve pour, dans un premier temps, exciser la valve native calcifiée et préparer le lit de la prothèse. Ensuite, il coud la prothèse sur l’anneau natif en assurant le bon ancrage du dispositif pour éviter toute migration et fuite paravalvulaire. L’acte opératoire dure environ 2 à 3 heures. L’espérance de survie des patients est de plus de 70 % à 3 ans. Ils redeviennent complètement asymptomatiques et mènent une vie normale. Mais le risque opératoire n’est jamais nul. Selon les registres des sociétés savantes, le risque de décès lors d’un remplacement chirurgical isolé de la valve aortique est de 3 à 5 %. Les complications sont à lier à la lourdeur de l’intervention qui nécessite l’arrêt du coeur, la circulation extracorporelle et l’acte chirurgical intracardiaque. Ces procédés, qui ne sont pas sans effets secondaires, sont plus ou moins bien tolérés par des patients souvent âgés. Des patients trop faibles, qui présentent des maladies associées, ou ayant déjà été opérés et ne pouvant subir une autre intervention (car les voies d’abord sont devenues impossibles), sont réfutés par le chirurgien car le risque opératoire est élevé. Ces patients n’avaient par le passé aucune solution alternative thérapeutique. Ils étaient considérés comme “inopérables” et condamnés.

Depuis quelques années, nous travaillons dans notre centre de recherche chirurgical sur l’évaluation de nouveaux dispositifs qui permettent d’opérer ces patients fragiles. Ces techniques sont appelées TAVI, pour “Transcatheter Aortic Valve Implant”. Ainsi, il est possible de réaliser le remplacement aortique sans chirurgie lourde, mais en utilisant des méthodes de cardiologie interventionnelle mini-invasives en passant par les voies naturelles. En effet, l’implantation de la valve s’effectue par une méthode dite “transapicale”, à travers l’apex du ventricule gauche, ou “transvasculaire” soit transartérielle fémorale, soit transartérielle axillaire. Le dispositif utilisé est composé de deux éléments : la prothèse implantée appelée ’stent valvé“ et le dispositif de largage. La prothèse implantée présente la particularité de pouvoir être “crimpée” c’est-à-dire repliée sur elle-même pour diminuer son encombrement jusqu’une taille de 18 French (6 mm, c’est le diamètre d’un crayon). Le stent valvé est composé d’une partie métallique, le stent, et d’une bioprothèse valvulaire cousue à l’intérieur. Une fois “crimpée”, la prothèse est introduite dans le système de largage, une sorte de long cathéter. Le cathéter est avancé jusque sur la valve native, et le stent valvé est déployé pour écraser la valve malade, prendre sa place et entrer en fonction immédiatement. La forme et la force radiale du stent métallique assurent son positionnement et son ancrage. La bioprothèse valvulaire assure la fonction de valve cardiaque. Ces méthodes ont été développées par le Pr Cribier dans notre centre de recherche à partir de 1999. Nous avons alors travaillé en même temps avec l’équipe du Pr Seguin sur une thématique voisine. Ces recherches ont donné le jour historiquement aux deux premiers dispositifs sur le marché, le système TAVI Edwards Sapiens (de la société Edwards Life Science, Irvine, CA, États-Unis) et le système TAVI CoreValve ReValving System (de la société Medtronic Inc, Minneaopolis, MN, États-Unis). Ceux-ci ont été testés, lors d’essais cliniques, chez des patients à haut risque, réfutés pour la chirurgie classique. Plusieurs dizaines de milliers de patients ont été implantés avec succès à l’aide de ces dispositifs sans lesquels aucun traitement n’était possible. Les différents essais cliniques ont démontré leur efficacité et leur innocuité avec un taux de réussite d’environ 95 % pour les études les plus récentes. Le taux de survie à 3 ans n’est pas encore connu (technique récente). Ces dispositifs sont réservés aux patients non opérables. Avec l’avènement des systèmes de seconde génération, qui sont plus performants comme le système Accurate® de Symetis(1), et dans la mesure où cette technique est peu invasive, il est fort probable qu’elle soit appliquée à une plus large population de patients et devienne une procédure de référence (photos 1 à 3).

Cette technique serait intéressante chez les chiens et les chats atteints de maladies valvulaires cardiaques. Jusqu’à maintenant, seule la chirurgie intracardiaque sous CEC permet de traiter les animaux de compagnie, mais elle est hautement spécialisée et présente des risques liés à la lourdeur de l’intervention. Ces risques sont plus élevés que chez l’homme car les équipes vétérinaires pratiquent peu ces interventions dont la réussite est directement liée à l’expérience des chirurgiens. Il n’existe pas de registre donnant le taux de réussite de ces interventions chez les animaux domestiques, car les centres qui pratiquent cette chirurgie sont trop rares et les données non compulsées et très inféodées aux centres. Les techniques mini-invasives de remplacement valvulaire cardiaque se substituent à un acte de chirurgie intracardiaque lourd. Elles offriront une solution alternative thérapeutique vétérinaire dans le futur.

(1) Symetis SA, Ecublens, Suisse. Vidéo complète : http://www.symetis.com/pages.php?rubID=28&lan=en.

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