Fissure humérale intracondylaire canine versus ossification incomplète - Le Point Vétérinaire expert canin n° 323 du 01/03/2012
Le Point Vétérinaire expert canin n° 323 du 01/03/2012

ORTHOPÉDIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : Fitzpatrick Referrals Ltd.,
Halfway lane – Eashing, Godalming,
GU72QQ, Surrey
Royaume-Uni

Deux centres d’ossificationsont localisés dans la partie distale de l’humérus du chien. L’un se situe dans le capitulum et la partie latérale du condyle huméral, l’autre dans la trochlée et la partie médiale du condyle. Leur unification commence aux alentours de 70 +/– 14 jours après la naissance. L’ossification est supposée être complète à l’âge de 32 semaines.

La définition de l’ossification incomplète est la visualisation radiographique d’une ligne radiotransparente dans le condyle huméral, à l’emplacement de la zone cartilagineuse séparant les centres d’ossification.

Les chiens atteints de cette affection sont prédisposés aux fractures humérales distales puisqu’elles peuvent survenir à la suite d’un traumatisme de faible intensité.

SIGNES CLINIQUES ET DIAGNOSTIC

Cette affection a été rapportée dans plusieurs races, en grande majorité des spaniels [5, 6, 8]. Un mode de transmission polygénique et récessif est même suspecté dans la race cocker spaniel [6].

La présentation clinique s’étend de la simple découverte fortuite à une fracture du condyle huméral sans historique de traumatisme sévère. Une fissure humérale intracondylaire (HIF) peut aussi s’exprimer par une boiterie chronique du membre thoracique, de faible à moyenne intensité.

Dans une étude, parmi les chiens atteints de fracture du condyle huméral sans traumatisme majeur, 43 % présentaient une HIF sur le membre controlatéral [7].

Le diagnostic définitif nécessite des moyens d’imagerie. La radiographie est un bon outil diagnostique dans le cadre des fissures humérales intracondylaires. Le rayon doit être orienté afin qu’il soit parallèle à la fissure. Ainsi, des vues cranio-caudales obliques (15°) ont été rapportées comme utiles. La tomodensitométrie est désormais considérée comme l’examen de choix [1]. Le scanner étant utilisé comme méthode de référence, la radiographie démontre une sensibilité de 83 % et une spécificité de 100 % [7].

QUAND ET COMMENT TRAITER ?

Lors de découverte fortuite, la question de l’utilité du traitement chirurgical se pose. Le risque de fracture du condyle huméral sans traumatisme s’élevant à 20 % dans les 18 mois suivant le diagnostic, il convient de traiter ces cas chirurgicalement, de la même façon que les chiens présentant une boiterie. Aucune étude ne démontre objectivement l’intérêt du traitement préventif.

Le traitement le plus souvent rapporté décrit le placement d’une vis de compression transcondylaire de large diamètre [2, 3, 5]. Le taux de complications associé à cette technique est très élevé (59,5 %), incluant majoritairement la formation d’un sérome ou l’apparition d’une infection [2]. Seuls 2 cas de rupture d’implant sont rapportés dans cette étude. La durée de suivi postopératoire était courte, ce qui pourrait justifier le faible taux de ruptures d’implant, contrairement à l’expérience de nombreux auteurs. D’autres types de complications, telles qu’une non-union, une boiterie persistante, une perte de la compression et un élargissement de la fissure, sont rapportés.

Une technique alternative appliquant les principes de gestion d’une non-union (fixation rigide et greffe osseuse) a été décrite [4]. Ces auteurs emploient une vis transcondylaire conique sans tête et canulée en association avec une greffe osseuse autologue implantée au centre du condyle huméral. Les résultats cliniques semblent satisfaisants bien que la durée moyenne de suivi clinique soit limitée à 20 mois.

HYPOTHÈSES PHYSIOPATHOLOGIQUES

Plusieurs hypothèses ont été émises sur l’origine de cette affection. La plus connue a débouché sur la dénomination d’ossification incomplète du condyle huméral. Elle repose uniquement sur une corrélation entre la localisation identique de ces fissures et des centres d’ossification alors que l’analyse histologique du tissu présent au sein de la fissure ne démontre aucunement la présence de chondrocytes ou de matrice cartilagineuse [5, 6].

Une autre hypothèse rapproche cette affection de la non-union du processus anconé (NUPA) en suspectant l’intervention d’une incongruence articulaire qui induit des micromouvements permanents au sein du condyle huméral, puis une fissure. L’analyse histologique différencie de nouveau ces deux affections puisqu’une matrice cartilagineuse est observée sur les sites de NUPA.

L’analyse des fragments de vis transcondylaires utilisées dans le traitement d’une HIF et ayant rompu démontre l’existence d’une instabilité complexe en termes de direction [2]. L’identification d’une incongruence articulaire particulière responsable des HIF est donc très délicate.

Enfin, dans la race cocker spaniel, il est suspecté qu’un déficit de vascularisation de l’humérus distal participe au développement des HIF.

Conclusion

L’article résumé met en lumière la possibilité que l’affection nommée précédemment ossification incomplète du condyle huméral (IOHC) appartienne finalement à un groupe plus général qui pourrait être appelé “fissure humérale intracondylaire”. L’hypothèse d’une ossification incomplète est plausible, mais le cas présenté démontre qu’un défaut d’ossification n’existe pas chez tous les chiens atteints de fissure humérale intracondylaire et implique l’inefficacité du dépistage.

L’hypothèse d’une incongruence articulaire du coude induisant une fracture de fatigue du condyle huméral suggère que cette affection pourrait faire partie du complexe “dysplasie du coude”.

Références

  • 1. Carrera I, Hammond GJ, Sullivan M. Computed tomographic features of incomplete ossification of the canine humeral condyle. Vet. Surg. 2008;37(3):226-231.
  • 2. Charles EA, Ness MG, Yeadon R. Failure mode of transcondylar screws used for treatment of incomplete ossification of the humeral condyle in 5 dogs. Vet. Surg. 2009;38(2):185-191.
  • 3. Farrell M, Trevail T, Marshall W et coll. Computed tomographic documentation of the natural progression of humeral intracondylar fissure in a cocker spaniel. Vet. Surg. 2011;40(8):966-971.
  • 4. Fitzpatrick N, Smith TJ, O’Riordan J, Yeadon R. Treatment of incomplete ossification of the humeral condyle with autogenous bone grafting techniques. Vet. Surg. 2009;38(2):173-184.
  • 5. Gnudi G, Martini FM, Zanichelli S et coll. Incomplete humeral condylar fracture in two English Pointer dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2005;18(4):243-245.
  • 6. Marcellin-Little DJ, DeYoung DJ, Ferris KK, Berry CM. Incomplete ossification of the humeral condyle in spaniels. Vet. Surg. 1994;23(6):475-487.
  • 7. Martin RB, Crews L, Saveraid T, Conzemius MG. Prevalence of incomplete ossification of the humeral condyle in the limb opposite humeral condylar fracture: 14 dogs. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2010;23(3):168-172.
  • 8. Robin D, Marcellin-Little DJ. Incomplete ossification of the humeral condyle in two Labrador retrievers. J. Small Anim. Pract. 2001;42(5):231-234.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Rapporter le développement d’une fissure humérale intracondylaire après documentation par tomodensitométrie d’une ossification complète du condyle huméral.

MÉTHODE

Rapport d’un cas clinique de fracture de la partie médiale du condyle huméral droit chez un chien de 3 ans.

RÉSULTATS

Un cocker spaniel de 3 ans est traité pour une fracture de la partie médiale du condyle huméral droit. Une réduction à foyer ouvert est réalisée, et la fracture est stabilisée par une vis transcondylaire (4,5 mm) et deux vis de compression supracondylaire (2,7 mm). Six semaines après l’intervention chirurgicale, l’examen clinique révèle une boiterie minime du membre thoracique droit. La cicatrisation osseuse radiographique est satisfaisante. Un scanner du coude gauche est réalisé afin de dépister une éventuelle « ossification incomplète du condyle huméral » qui pourrait prédisposer ce chien à une fracture du membre controlatéral. Aucune anomalie n’est notée. Après 659 jours, l’animal est réexaminé pour une boiterie modérée du membre thoracique gauche qui ne s’améliore pas à la suite d’un traitement anti-inflammatoire. Un scanner du coude gauche est alors répété : une fissure intracondylaire est observée, à l’endroit exact où une bande cartilagineuse pourrait être observée chez un chien immature. Dans l’attente d’une intervention chirurgicale, l’activité du chien est restreinte. Il développe une fracture de la partie latérale du condyle huméral gauche 12 heures après l’examen. Elle est finalement traitée au moyen de vis intracondylaire (3,5 mm) et supracondylaire (2,7 mm) en compression. De nombreuses complications postopératoires se sont développées, décidant les propriétaires à faire euthanasier leur chien.

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