Approche thérapeutique face à l’absence d’œstrus chez la chienne - Le Point Vétérinaire n° 321 du 01/12/2011
Le Point Vétérinaire n° 321 du 01/12/2011

REPRODUCTION CANINE

Dossier

Auteur(s) : Anne Gogny

Fonctions : Service de reproduction
des animaux de compagnie
Centre hospitalier universitaire vétérinaire, Oniris
École nationale vétérinaire, agroalimentaire
et de l’alimentation Nantes-Atlantique
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
anne.gogny@oniris-nantes.fr

Lors d’anœstrus chez une chienne, le praticien doit déterminer au plus vite si un traitement peut permettre de restaurer sa fonction reproductrice dans les meilleures conditions de coût pour le client.

Chez les chiennes reproductrices, la principale conséquence de l’absence de cycle œstral est l’infertilité. Les situations qui aboutissent à un anœstrus ne peuvent pas toutes être corrigées et certaines sont irréversibles. Néanmoins, selon l’origine du trouble, certaines solutions thérapeutiques sont parfois possibles(1).

L’anœstrus, défini comme l’absence des manifestations cycliques de l’œstrus chez la chienne pubère, est qualifié de primaire si aucun œstrus n’a jamais été observé auparavant, et de secondaire si la chienne a exprimé un ou plusieurs cycles œstraux auparavant.

1 Traiter les affections générales et les interférences extérieures

Lorsque l’âge ou la race de la chienne sont en cause, il est préférable de s’adapter au rythme physiologique de l’animal et d’attendre que l’œstrus s’exprime naturellement. Contrairement à d’autres espèces telles que le cheval ou les ruminants, les outils pour avancer la puberté ou induire des cycles artificiellement ne sont pas encore maîtrisés chez le chien.

Lorsqu’il est établi qu’il ne s’agit pas d’une absence de cycle œstral mais de chaleurs à expression discrètes (chaleurs dites “silencieuses”), l’approche thérapeutique consiste à dépister les modifications induites par l’œstrus en effectuant des frottis vaginaux hebdomadaires et/ou en mettant la chienne en contact avec un mâle (photo 1). Le praticien procède ensuite au suivi des chaleurs de façon classique : un frottis vaginal est effectué tous les 3 à 5 jours jusqu’à révéler la fin du pro-œstrus, puis des dosages de progestérone sont réalisés jusqu’à mettre en évidence une concentration plasmatique supérieure à 5 à 10 ng/ml, résultat qui signe une ovulation imminente. Un contrôle est effectué 1 à 2 jours plus tard pour vérifier que la concentration plasmatique en progestérone continue à augmenter. Ces examens peuvent éventuellement être associés à un suivi échographique ovarien, qui permet de situer plus précisément le moment de l’ovulation (photo 2) [1].

Les causes liées aux conditions de détection de l’œstrus, à l’environnement, ou à l’administration de médicaments qui interfèrent avec l’expression du cycle, sont à corriger de façon ciblée.

Lorsqu’un lien est avéré entre l’anœstrus et une maladie générale ou une dysendocrinie, le traitement de l’affection peut permettre de restaurer la cyclicité sexuelle.

2 Traiter les affections de l’ovaire

→ L’ovariectomie est le traitement de choix de la plupart des tumeurs et des kystes ovariens. Dans les cas où cela est nécessaire, une ovariectomie unilatérale permet de conserver le potentiel reproducteur de la chienne. Face à une tumeur de la granulosa, il convient de procéder à une ovario-hystérectomie : ces tumeurs sont malignes et une dissémination métastatique est observée dans 20 % des cas [5].

→ En revanche, les lutéomes sont très rares, et leur potentiel de dissémination métastatique est nul [5, 8]. Néanmoins, la sécrétion continue de progestérone peut contribuer au développement ou à l’aggravation d’une hyperplasie glandulo-kystique ou d’un pyomètre. Le développement d’une dysendocrinie est également possible : des cas d’hypercorticisme associés ont été décrits.

→ Chez la chienne, la lutéinisation des follicules débute avant l’ovulation. Aussi, le plus souvent, les kystes lutéaux correspondent à des kystes folliculaires lutéinisés [4, 7]. Leur approche thérapeutique passe par l’injection de lutéolytiques. Un protocole consiste à injecter des prostaglandines F2 à 3 jours d’intervalle pendant une semaine [2]. Si ce traitement n’est pas suivi d’un retour de la concentration plasmatique en progestérone à une valeur basale, une ovariectomie ou une hémi-ovariectomie est à envisager.

→ Les inflammations ovariennes auto-immunes sont très rares et aucun traitement conservateur de l’ovaire n’est décrit à ce jour [4].

→ De même, aucun traitement ne permet de restaurer le potentiel reproducteur d’un animal atteint d’un défaut de la différenciation sexuelle. En revanche, certaines des anomalies associées sont à corriger chirurgicalement (une muqueuse vaginale continuellement exposée du fait d’un clitoris péniforme, un uretère ectopique, un uterus masculinus, des testicules intra-abdominaux, etc.) en raison de leurs conséquences potentielles qui vont de l’inflammation chronique au risque de tumorisation (photo 3).

3 Induire un œstrus fertile

→ Aucun traitement ne dispose d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l’espèce canine. Celui actuellement recommandé pour induire un œstrus fertile chez la chienne est la cabergoline, un agoniste de la dopamine aux propriétés antiprolactiniques (photo 4). Son mécanisme s’appuie sur les propriétés de la prolactine, qui est le principal facteur lutéotrope dans l’espèce canine. Le protocole évalué consiste à administrer 5 µg/kg de cabergoline per os, une fois par jour, jusqu’à 3 à 8 jours après le début du pro-œstrus. L’œstrus apparaît généralement en 6 à 20 jours, à condition d’être donné en fin de cycle, pendant la seconde moitié de l’anœstrus. En l’absence de résultat, il est inutile de poursuivre le traitement au-delà de 40 jours. Un œstrus est obtenu chez 80 % des chiennes traitées, et 80 % d’entre eux sont suivis d’une gestation [3].

→ Les agonistes de la GnRH peuvent être utilisés si l’hypothalamus, l’hypophyse et la tige pituitaire sont fonctionnels. Les protocoles reposent sur une administration pulsatile par voie intraveineuse ou sous-cutanée, à raison de 0,2 à 0,4 µg/kg toutes les 90 minutes, pendant 3 à 9 jours. Les traitements sont donc contraignants.

→ La desloréline, administrée sous forme d’implant sous-cutané à distribution longue, est en cours d’évaluation. Si un œstrus est bien induit, une désensibilisation des récepteurs à la GnRH est également observée, ce qui engendre secondairement un anœstrus. Il est donc recommandé de retirer l’implant dès l’apparition des pertes sanguines du pro-œstrus. La desloréline est à implanter pendant l’anœstrus : lorsque la chienne est en diœstrus au moment de la pose de l’implant, l’œstrus n’est pas toujours suivi d’une ovulation [9, 6].

→ Les autres substances susceptibles d’induire un œstrus chez la chienne sont la LH (hormone hormone lutéinisante), la FSH (hormone folliculostimulante), l’eCG (gonadotrophine chorionique équine) et les œstrogènes, associées ou non avec de l’hCG (gonadotrophine chorionique humaine, Chorulon®) ou de la LH(1) pour déclencher l’ovulation [6]. Néanmoins, les résultats obtenus sont variables et inconstants. En outre, certains de ces produits, notamment les œstrogènes, ont des effets indésirables majeurs qui limitent leur utilisation.

Conclusion

Chez la chienne, les situations qui sont à l’origine d’un anœstrus sont variées et les identifier est difficile. Or, le traitement dépend fortement du degré d’exactitude du diagnostic. De plus, les solutions thérapeutiques ne permettent pas de restaurer la fonction reproductrice dans tous les cas. Induire chimiquement un œstrus est possible chez les chiennes pour lesquelles toutes les autres causes possibles d’anœstrus ont été écartées, mais la manipulation du cycle est à effectuer avec précaution, car les résultats obtenus sont variables et aucun protocole ne dispose d’AMM dans l’espèce canine.

  • (1) Les causes d’anœstrus sont décrites dans l’article « Approche diagnostique face à l’absence d’œstrus chez la chienne » du même auteur, dans ce numéro.

  • (1) Il n’existe pas de spécialité commercialisée (recherche).

Références

  • 1. Fontbonne A. Ovulation, maturation ovocytaire et fécondation in vitro chez la chienne. Thèse d’université Agro Paris Tech 2008: 94 p.
  • 2. Fontbonne A, Lévy X, Fontaine E, Gilson C. Guide Pratique de reproduction clinique canine et féline. Med’com Editions, 2007: 272p.
  • 3. Gobello C, Castex G, Corrada Y. Use of cabergoline to treat primary and secondary anestrus in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002; 220(11): 1653-1654.
  • 4. Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS. Canine and feline theriogenology. Saunders ed., Philadelphia, 2001; 592p.
  • 5. Klein MK. Tumors of the female reproductive system. In: Withrow SJ, MacEwen DM. Small animal clinical oncology. 4th ed. Saunders WC, 2007: 610-613.
  • 6. Kutzler MA. Estrus induction and synchronization in canids and felids. Theriogenology 2007; 68(3): 354-374.
  • 7. Marino G, Mannarino C, Di Prima ML, Rizzo S, Zanghi A. Stromal cysts in the canine ovary. Proceedings ESVP/ECVP, 2009: 141.
  • 8. Patnaik AK, Greenlee PG. Canine ovarian neoplasms : a clinicopathologic study of 71 cases, including histology of 12 granulosa cell tumors. Vet. Pathol. 1987; 24(6): 509-514.
  • 9. Volkmann DH, Kutzler MA, R. Wheeler R, Krekeler N. The use of deslorelin implants for the synchronization of estrous in diestrous bitches. Theriogenology 2006; 66: 1497-1501.
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