Ostéosarcome appendiculaire canin : pronostic et facteurs prédictifs - Le Point Vétérinaire expert canin n° 320 du 01/11/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 320 du 01/11/2011

CANCÉROLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : VRCC Ltd. 1 Bramston Way,
Southfields, Laindon,
Essex SS15 6TP,
Royaume-Uni

Les ostéosarcomes canins sont les tumeurs osseuses les plus fréquentes (85 %) chez le chien. Ils touchent les os appendiculaires (métaphyse) dans 75 % des cas. Les chondrosarcomes (5 à 10 % des cas), les fibrosarcomes (moins de 5 % des cas) et les hémangiosarcomes (moins de 5 % des cas) sont les autres tumeurs osseuses primaires souvent diagnostiquées. Lors de localisation diaphysaire, une origine métastatique doit être évoquée [11].

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les chiens de races de grande taille (rottweiller, dogue allemand, greyhound, etc.) sont prédisposés. L’âge médian lors du diagnostic est de 7 à 8 ans, mais la répartition est bimodale avec certains jeunes animaux touchés (1 à 2 ans). Les ostéosarcomes sont localisés au membre thoracique environ deux fois plus souvent qu’au membre pelvien. Ils sont bien souvent « loin du coude ou près du genou », illustrant le fait que l’humérus proximal (28 %), le radius distal (28 %), le fémur distal (14 %), ainsi que le tibia proximal (10 %) sont les sites communs d’ostéosarcome, même si le tibia distal est également régulièrement concerné (7 %) [1, 6, 10, 11, 16].

CYTOLOGIE VERSUS HISTOPATHOLOGIE

L’examen radiographique d’une lésion d’ostéosarcome permet d’observer une lésion osseuse, généralement monostotique et agressive : association d’une lyse et d’une ostéoprolifération, longue zone de transition entre le tissu tumoral et le tissu sain, et limites lésionnelles peu nettes. Un ostéosarcome peut être très fortement suspecté à partir de simples radiographies à condition que les critères épidémiologiques correspondent à un tableau classique [11]. Dans le cas contraire, un diagnostic cytologique ou histologique doit être envisagé.

Le diagnostic histologique est considéré comme le gold standard. Il nécessite une biopsie, ce qui fragilise l’os et peut mener à une fracture pathologique, d’autant plus qu’il est recommandé de pratiquer plusieurs ponctions afin d’augmenter la sensibilité. De plus, cela requiert une sédation, voire une anesthésie générale. Une aspiration à l’aiguille fine n’implique qu’une sédation légère, est plus rapide et moins invasive, et limite la contamination des tissus péritumoraux, paramètre important lorsqu’une procédure de limb-sparing est envisagée. Une sensibilité et une spécificité respectives de 97 % et de 100 % ont été rapportées avec un guidage par échographie. Néanmoins, 11 % des examens sont non diagnostiques (valeur prédictive négative de 67 %) [5]. D’autres études, avec des prélèvements non échoguidés, relèvent des taux de précision de 69 à 92 % [13, 14]. Lorsqu’un sarcome est détecté par cytologie, une coloration spécifique (ALP) permet d’établir le diagnostic d’ostéosarcome avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 67 à 89 % [3, 5, 14]. L’article résumé concorde quant à la faible sensibilité de la cytologie en aveugle et démontre que l’analyse histologique sur prélèvement par biopsie présente un défaut de sensibilité de 15 %.

FACTEURS PRONOSTIQUES

Seuls 15 % des animaux présentent des métastases pulmonaires lors du diagnostic, mais la majorité a déjà des micrométastases [11]. Le taux d’invasion des nœuds lymphatiques régionaux varie de 0 à 24 % [10, 16].

La médiane de survie (MS) fluctue de 235 à 540 jours pour les animaux traités par amputation et chimiothérapie (carboplatine, cisplatine et/ou doxorubicine) [2, 18]. Les taux de survie à 1, 2 et 3 ans sont respectivement de 6,6 à 35,4 %, de 4,7 à 18,7 % et de 3,5 à 11 % [4, 15]. L’article présenté rapporte des résultats légèrement supérieurs à ceux précédemment décrits.

La réponse au traitement est limitée pour les animaux présentant des métastases (pulmonaires, lymphatique ou osseuses) lors du diagnostic (MS de 76 jours, délai de récurrence de 48 jours versus 238 jours) [9]. Une étude a cependant démontré l’efficacité des associations radiothérapie-chimiothérapie et chirurgie-chimiothérapie sur la MS des animaux atteints de métastases [4].

Une élévation des phosphatases alcalines sériques et un grade III dans la classification histologique de Kirpensteijn et coll. ont été démontrés comme associés à un plus mauvais pronostic [7, 9, 10, 15]. Les ostéosarcomes de l’humérus proximal ont parfois été corrélés à un plus mauvais pronostic alors qu’un essai a relevé un meilleur pronostic pour les ostéosarcomes du radius distal (MS de 596 jours versus 232 jours) [1, 9, 15].

TRAITEMENT PALLIATIF

La radiothérapie est intéressante dans la gestion de la douleur liée aux ostéosarcomes. Un protocole de quatre fractions a démontré un taux de réponse de 92 % pour un délai et une médiane de réponse respectivement de 14 jours et de 94,5 jours [8]. Les tumeurs qui concernent plus de 42 % de la longueur de l’os répondent moins bien à ce protocole de radiothérapie. Bien que la MS soit de 313 jours, les auteurs concluent que l’ajout d’un traitement par chimiothérapie pourrait augmenter le délai d’apparition de métastases et potentiellement accroître la MS. Sept mois de survie ont précédemment été relevés avec une association de radiothérapie et de chimiothérapie [12]. Les animaux traités par amputation seule ont une MS rapportée de 101,5 à 175 jours, avec des taux de survie de 47 à 52 % à 6 mois et de 11,5 à 21 % à 1 an [11, 15].

Conclusion

Il existerait une différence minime entre les différents traitements palliatifs alors que la chimiothérapie seule apparaît peu utile. L’association de la chirurgie et de la chimiothérapie apporte les meilleurs résultats. Le limb sparing est une solution alternative chirurgicale à l’amputation qui mérite d’être discutée ultérieurement.

Références

  • 1. Bacon NJ, Ehrhart NP, Dernell WS, Lafferty M, Withrow SJ. Use of alternating administration of carboplatin and doxorubicin in dogs with microscopic metastases after amputation for appendicular osteosarcoma: 50 cases (1999-2006). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232(10):1504-1510.
  • 2. Bailey D, Erb H, Williams L, Ruslander D, Hauck M. Carboplatin and doxorubicin combination chemotherapy for the treatment of appendicular osteosarcoma in the dog. J. Vet. Intern. Med. 2003;17(2):199-205.
  • 3. Barger A, Graca R, Bailey K et coll. Use of alkaline phosphatase staining to differentiate canine osteosarcoma from other vimentin-positive tumors. Vet. Pathol. 2005;42(2):161-165.
  • 4. Boston SE, Ehrhart NP, Dernell WS, Lafferty M, Withrow SJ. Evaluation of survival time in dogs with stage III osteosarcoma that undergo treatment: 90 cases (1985-2004). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2006;228(12):1905-1908.
  • 5. Britt T, Clifford C, Barger A et coll. Diagnosing appendicular osteosarcoma with ultrasound-guided fine-needle aspiration: 36 cases. J. Small Anim. Pract. 2007;48(3):145-150.
  • 6. Chun R, Kurzman ID, Couto CG, Klausner J, Henry C, McEwen EG. Cisplatin and doxorubicin combination chemotherapy for the treatment of canine osteosarcoma: a pilot study. J. Vet. Intern. Med. 2000;14(5):495-498.
  • 7. Garzotto CK, Berg J, Hoffmann WE, Rand WM. Prognostic significance of serum alkaline phosphatase activity in canine appendicular osteosarcoma. J. Vet. Intern. Med. 2000;14(6):587-592.
  • 8. Green EM, Adams WM, Forrest LJ. Four fraction palliative radiotherapy for osteosarcoma in 24 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2002;38(5):445-451.
  • 9. Hillers KR, Dernell WS, Lafferty MH, Withrow SJ, Lana SE. Incidence and prognostic importance of lymph node metastases in dogs with appendicular osteosarcoma: 228 cases (1986-2003). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226(8):1364-1367.
  • 10. Kirpensteijn J, Kik M, Rutteman GR, Teske E. Prognostic significance of a new histologic grading system for canine osteosarcoma. Vet. Pathol. 2002;39(2):240-246.
  • 11. Liptak J, Dernell WS, Ehrhart N, Withrow S. Canine Appendicular osteosarcoma: Diagnosis and palliative treatment. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2004;26(3):172-183.
  • 12. Liptak J, Dernell WS, Ehrhart N et coll. Canine appendicular osteosarcoma: curative-intent treatment. Compend. Contin. Educ. Pract. Vet. 2004;26(3):186-197.
  • 13. Loukopoulos P, Rozmanec M, Sutton RH. Cytological versus histopathological diagnosis in canine osteosarcoma. Vet. Rec. 2005;157(24):784.
  • 14. Neihaus SA, Locke JE, Barger AM, Borst LB, Goring RL. A novel method of core aspirate cytology compared to fine-needle aspiration for diagnosing canine osteosarcoma. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2011;47(5):317-323.
  • 15. Phillips B, Powers BE, Dernell WS et coll. Use of single-agent carboplatin as adjuvant or neoadjuvant therapy in conjunction with amputation for appendicular osteosarcoma in dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2009;45(1):33-38.
  • 16. Rosenberger JA, Pablo NV, Crawford PC. Prevalence of and intrinsic risk factors for appendicular osteosarcoma in dogs: 179 cases (1996-2005). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;231(7):1076-1080.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Déterminer l’issue du traitement à la carboplatine après exérèse d’un ostéosarcome appendiculaire canin.

• Décrire l’intérêt de la cytologie dans le diagnostic d’ostéosarcome.

• Évaluer l’effet des paramètres cliniques et du traitement sur le résultat et l’intérêt d’une classification histologique modifiée dans la prédiction de la durée de survie.

MÉTHODE

Il s’agit d’une étude rétrospective. Les chiens ayant subi une chirurgie “à visée curative” suivie d’une chimiothérapie à la carboplatine (4 à 6 cycles, 250 à 300 mg/m2), sans évidence de métastases en début de traitement, sont inclus. Le système de classification décrit par Kirpensteijn et coll. est utilisé [10].

RÉSULTATS

• 65 chiens ont été inclus. L’âge et le poids moyens sont de 7,7 ans et de 40,5 kg. 95 % ont été traités par amputation, 5 % par ostectomie ulnaire.

• Le taux de métastases (poumons, nœuds lymphatiques) est de 55 % dans un délai de 137 jours. La durée médiane de survie est de 277 jours, avec des taux de survie à 1, 2 et 3 ans respectivement de 36 %, de 22 % et de 19 %. L’instauration d’une chimiothérapie palliative à la suite du diagnostic de métastase n’améliore pas le pronostic de survie.

• La sensibilité de la cytologie par aspiration à l’aiguille fine, en aveugle, est de 65 % (13/20). Celle de l’analyse histologique sur biopsie est de 85 % (29/34).

• La détection d’une protéinurie préopératoire (6/16) est associée à un moins bon pronostic (149 jours versus 372 jours). Les ostéosarcomes de grade III sont corrélés à un moins bon pronostic : 162 jours versus 415 jours (grade I) et 298 jours (grade II). Aucune différence n’est établie entre les grades I et II vis-à-vis de la durée de survie.

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