Sarcomes félins associés aux sites d’injection : marges chirurgicales ? - Le Point Vétérinaire expert canin n° 319 du 01/10/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 319 du 01/10/2011

CANCÉROLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : VRCC Ltd. 1 Bramston Way,
Southfields, Laindon, Essex SS15
6TP, Royaume-Uni

La prévalence des sarcomes félins associés aux sites d’injection se situe entre 1/1 000 et 3,6/10 000 cas [16]. Ils peuvent être de différente nature (fibrosarcome le plus souvent) mais présentent toutefois des caractéristiques histologiques propres permettant de les différencier des autres sarcomes. Logiquement, ils sont retrouvés aux sites d’injection les plus communs : les régions interscapulaire, lombaire, paroi thoracique/abdominale ou quadriceps fémoral [13].

Quatre types de résection sont décrits en chirurgie oncologique : radicale, large, marginale et intralésionnelle. Seule une chirurgie radicale ou large est considérée comme ayant un objectif curatif, permettant de réduire le risque de récidive locale et d’augmenter la durée de survie. Ces concepts impliquent parfois une reconstruction complexe. D’un point de vue oncologique, il semble plus adapté de « réaliser une exérèse large et de laisser une plaie chirurgicale ouverte que de laisser des cellules tumorales » [16].

Les marges de résection doivent être appliquées en trois dimensions. Les tissus connectifs, comme le fascia musculaire, et osseux sont plus résistants que les tissus adipeux et musculaires à l’invasion cancéreuse. Ils sont donc considérés comme une barrière biologique naturelle en profondeur [12, 16]. Enfin, la première résection est toujours considérée comme la plus efficace dans le traitement des tumeurs malignes [3, 5, 9, 12].

EXCISION RADICALE : LA MEILLEURE OPTION THÉRAPEUTIQUE

Les sarcomes félins associés aux sites d’injection (SFSI) ont un comportement biologique plus agressif que les autres sarcomes cutanés et doivent donc être traités comme tels [4]. Le taux de récidive rapporté dans les publications après excision chirurgicale, avec ou sans thérapie adjuvante, est en effet élevé : 14 à 45 %. Ces récurrences sont détectées entre 94 et 1 110 jours après le début du traitement [4, 6, 9, 13]. L’analyse histologique d’un SFSI récurrent tend à diagnostiquer des tumeurs avec un grade plus élevé.

Dans les publications, le taux de métastases rapporté varie de 0 à 22,5 % avec une médiane d’environ 265 jours après la première présentation [2, 9]. Les poumons sont le site métastatique préférentiel. La médiane de survie rapportée est de 576 à 1 290 jours [6, 9]. Les chats traités pour SFSI et développant une récidive ou des métastases ont une durée de survie significativement raccourcie (365 versus 1 068 jours ; 165 versus 929 jours) [13, 15].

Le bénéfice d’une chirurgie d’exérèse complète est clairement identifié comme ayant un impact sur l’apparition et le taux de récidive (4 mois versus 16 mois – 19 % versus 69 %) ainsi que sur le taux de survie (9 mois versus 16 mois) [4, 5, 7, 9, 11, 14]. Une différence de 208 jours (66 versus 274) dans le délai d’apparition de récidive après la chirurgie a été observée entre les SFSI réséqués en structure de référé et les SFSI réséqués par des vétérinaires référants. Cela est justifié, par les auteurs, par un risque plus élevé de résection marginale, donc incomplète, par les vétérinaires référants [9].

Le taux de 97 % d’excision complète obtenu dans l’étude présentée, grâce à 5 cm de marges latérales, est comparable à celui d’une autre étude utilisant des marges chirurgicales similaires, alors que le taux rapporté dans les essais employant des marges plus faibles (inférieures ou égales à 3 cm) est sensiblement plus faible [4, 11, 15]. Le taux de récidive est le plus faible jamais reporté après une exérèse chirurgicale seule. Le taux de métastase reste sensiblement le même que celui précédemment rapporté.

Dans le cas spécifique des SFSI, le nombre d’interventions chirurgicales a été, dans plusieurs études, associé à un délai plus court d’apparition d’une récurrence (365 versus 469 jours) alors qu’il n’a prouvé un effet négatif sur la durée de survie que dans une seule [3, 6].

L’influence du grade histologique des SFSI sur le pronostic n’est pas clairement établie [5, 6, 15]. Les SFSI de grade III ont toutefois été associés à un taux de métastases plus important [15].

En ce qui concerne la localisation des tumeurs, la corrélation n’est pas toujours évidente avec le taux de récidive et la durée de survie [8, 15]. Les SFSI localisés en partie distale des membres, traités par amputation, semblent toutefois être de meilleur pronostic [9].

La taille tumorale n’est également pas un facteur pronostique retrouvé dans toutes les études [3, 4, 11, 15].

THÉRAPEUTIQUES ADJUVANTES

Aucune étude n’évalue l’apport de la radiothérapie par rapport à l’emploi de la chirurgie seule, mais de nombreux essais présentent de longues périodes de survie avec un délai de récidive prolongé lors de traitement associant chirurgie et radiothérapie [2-4, 6, 8, 11].

En revanche, l’apport de la chimiothérapie dans le traitement des SFSI semble être limité [1, 3, 4, 11]. Seules deux études démontrent un apport significatif de la chimiothérapie à la doxorubicine en complément de la radiothérapie [6, 8].

Conclusion

Des marges latérales d’excision de 5 cm permettent de réduire le taux de récidive des SFSI. Les cas inclus dans l’étude résumée ne subissent pas de thérapie adjuvante. L’impact de la radiothérapie et/ou de la chimiothérapie en association avec une chirurgie radicale, sur les taux et les délais de récidive et de métastase, demande donc à être étudié.

Les vaccinations étant mises en cause dans l’apparition de ces tumeurs, il conviendrait de sélectionner les sites d’injection afin de faciliter une exérèse large [10].

Références

  • 1. Barber LG, Sorenmo KU, Cronin KL, Shofer FS. Combined doxorubicin and cyclophosphamide chemotherapy for nonresectable feline fibrosarcoma. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2000;36(5):416-421.
  • 2. Bregazzi VS, LaRue SM, McNiel E et coll. Treatment with a combination of doxorubicin, surgery, and radiation versus surgery and radiation alone for cats with vaccine-associated sarcomas: 25 cases (1995-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;218(4):547-550.
  • 3. Cohen M, Wright JC, Brawner WR et coll. Use of surgery and electron beam irradiation, with or without chemotherapy, for treatment of vaccine-associated sarcomas in cats: 78 cases (1996-2000). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;219(11):1582-1589.
  • 4. Cronin K, Page RL, Spodnick G et coll. Radiation therapy and surgery for fibrosarcoma in 33 cats. Vet. Radiol. Ultrasound. 1998;39(1):51-56.
  • 5. Davidson EB, Gregory CR, Kass PH. Surgical excision of soft tissue fibrosarcomas in cats. Vet. Surg. 1997;26(4):265-269.
  • 6. Eckstein C, Guscetti F, Roos M et coll. A retrospective analysis of radiation therapy for the treatment of feline vaccine-associated sarcoma. Vet. Com. Oncol. 2009;7(1):54-68.
  • 7. Giudice C, Stefanello D, Sala M et coll. Feline injection-site sarcoma : recurrence, tumour grading and surgical margin status evaluated using the three-dimensional histological technique. Vet. J. 2010;186(1):8488.
  • 8. Hahn KA, Endicott MM, King GK, Harris-King FD. Evaluation of radiotherapy alone or in combination with doxorubicin chemotherapy for the treatment of cats with incompletely excised soft tissue sarcomas : 71 cases (1989-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2007;231(5):742-745.
  • 9. Hershey AE, Sorenmo KU, Hendrick MJ et coll. Prognosis for presumed feline vaccine-associated sarcoma after excision : 61 cases (1986-1996). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2000;216(1):58-61.
  • 10. Kirpensteijn J. Feline injection site-associated sarcoma : Is it a reason to critically evaluate our vaccination policies? Vet. Microbiol. 2006;117(1):59-65.
  • 11. Kobayashi T, Hauck ML, Dodge R et coll. Preoperative radiotherapy for vaccine associated sarcoma in 92 cats. Vet. Radiol. Ultrasound. 2002;43(5):473-479.
  • 12. Liptak JM. The principles of surgical oncology : surgery and multimodal therapy. Compendium on continuing education for veterinarians. 2009;31(9):E1-E14.
  • 13. Phelps HA, Kuntz CA, Milner RJ et coll. Radical excision with five-centimeter margins for treatment of feline injection-site sarcomas : 91 cases (1998-2002). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2011;239(1):97-106.
  • 14. Poirier VJ, Thamm DH, Kurzman ID et coll. Liposome-encapsulated doxorubicin (Doxil) and doxorubicin in the treatment of vaccine-associated sarcoma in cats. J. Vet. Intern. Med. 2002;16(6):726-731.
  • 15. Romanelli G, Marconato L, Olivero D et coll. Analysis of prognostic factors associated with injection-site sarcomas in cats : 57 cases (2001-2007). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2008;232(8):1193-1199.
  • 16. Withrow SJ, Vail DM. Withrow and MacEwen’s small animal clinical oncology. 4th ed. Elsevier Saunders, Edinburgh. 2007.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Évaluer les résultats cliniques après l’excision radicale de sarcomes félins associés aux sites d’injection (SFSI).

MÉTHODE

Étude rétrospective sur 910 cas pour lesquels une analyse histologique a confirmé un sarcome associé aux sites d’injection. Les chats ayant reçu une thérapie adjuvante ont été exclus. Les marges d’excision sont définies par 5 cm latéralement et deux plans musculaires ou un os en profondeur (possible amputation ou reconstruction complexe). L’analgésie est gérée par voies systémique (opioïdes) et locale (bupivacaïne).

RÉSULTATS

La moyenne d’âge est de 10,1 ans et la durée médiane de suivi est de 535 jours. 98 % des tumeurs sont des fibrosarcomes (FSA), les 2 % restants étant des histiocytomes fibreux malins. 5 % sont des tumeurs de grade I, 35 % de grade II et 59 % de grade III.

L’excision chirurgicale a été qualifiée de complète dans 97 % des cas (88/91). Le taux de récurrence est de 14 % (1 grade I, 2 grade II, 10 grade III) avec une durée médiane de 309 jours après l’intervention chirurgicale. Le taux de métastases est de 20 % (FSA : 6 grade II, 12 grade III) avec une durée médiane de 309 jours après la chirurgie. Un seul des trois chats pour lesquels l’excision a été incomplète a développé une récidive locale 524 jours plus tard. La médiane de survie globale est de 901 jours. Elle est réduite à 499 jours en cas de récidive locale et à 388 jours en cas de développement métastatique. En revanche, la médiane de survie des chats sans métastase ni récidive locale est respectivement de 1 528 et 1 461 jours.

Le taux de complications majeures est de 11 % (mineures 3 %) : 7 déhiscences, 1 paralysie laryngée, 1 fistule chronique, 1 pneumothorax et arrêt cardiaque.

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