Correction chirurgicale d’une pseudarthrose d’une fracture de l’ilium chez un chaton - Le Point Vétérinaire expert canin n° 318 du 01/09/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 318 du 01/09/2011

CHIRURGIE FÉLINE

Cas clinique

Auteur(s) : Noémie Caron*, David Cauchard**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire du Cèdre
Route de Douvres
14 160 Épron
**Clinique vétérinaire du Cèdre
Route de Douvres
14 160 Épron

Lors d’une fracture du bassin non traitée, une réduction du diamètre pelvien est possible. Cela induit un risque de constipation, voire de fécalome.

Un chaton européen femelle âgé de 10 semaines est présenté en urgence chez son vétérinaire traitant après un accident de la voie publique. Il présente quelques plaies superficielles et une boiterie sans appui du membre pelvien droit. Le vétérinaire diagnostique une fracture du bassin, et l’animal est rendu à ses propriétaires avec un traitement anti-inflammatoire de quelques jours et des consignes de repos strict pendant 2 semaines.

Le chaton est revu 1 mois plus tard pour constipation. La récupération locomotrice est satisfaisante, mais l’animal présente un ténesme depuis une quinzaine de jours et tente de déféquer sans succès depuis 24 heures. Un traitement symptomatique est instauré (lavement, huile de paraffine deux fois par jour), sans résultat. L’animal nous est alors référé.

CAS CLINIQUE

1. Bilan clinique

Lors de l’examen clinique, un fécalome de grande taille est palpé dans l’abdomen caudal et le toucher rectal met en évidence un rétrécissement du diamètre pelvien à environ 1,5 cm de l’anus. L’animal présente une légère boiterie du membre pelvien droit. La manipulation de la hanche droite est douloureuse. L’examen neurologique est normal.

Un examen radiographique est réalisé. Il révèle une malunion d’une double fracture du bassin (acétabulum et col de l’ilium), ainsi qu’une disjonction sacro-iliaque à droite (photos 1a et 1b). L’extrémité caudale du fragment osseux acétabulaire fait protrusion dans le canal pelvien, ce qui réduit d’environ 40 % le diamètre de celui-ci.

Une intervention chirurgicale correctrice est alors proposée et acceptée par les propriétaires.

2. Traitement chirurgical

Protocole anesthésique

L’induction anesthésique est réalisée par voie intramusculaire avec une association de xylazine (Rompun®, 2 mg/kg) et de kétamine (Imalgène®, 10 mg/kg), puis l’animal est intubé et reçoit un mélange gazeux d’oxygène et d’isolflurane. L’analgésie est assurée par des injections préopératoires intraveineuses de chlorhydrate de morphine (Morphine Aguettant®, 0,2 mg/kg) et de carprofène (Rimadyl®, 4 mg/kg). Une antibioprophylaxie est réalisée avec une injection intraveineuse de céfalexine (Rilexine®, 20 mg/kg) au moment de l’induction.

Temps opératoire

Les sections chirurgicales sont effectuées à l’aide d’une scie oscillante, et ne présentent aucune difficulté particulière pour le pubis et l’ischium. En revanche, un cal volumineux rend l’ostéotomie iliaque délicate à réaliser. La section est pratiquée avec précaution, afin de ne pas léser les tissus mous au sein de la filière pelvienne. Le fragment acétabulaire ainsi libéré est replacé dans son axe anatomique. Il est ensuite stabilisé au niveau du col de l’ilium à l’aide d’une plaque DCP (Dynamic Compression Plate, plaque de compression dynamique) et de 4 vis de 2 mm (photos 2a et 2b).

Les plans musculaires et cutanés sont refermés de manière conventionnelle.

3. Suivi postopératoire

L’animal est rendu à ses propriétaires le lendemain avec une prescription d’anti-inflammatoires (acide tolfénamique (Tolfédine®) 4 mg/kg/j/per os pendant 5 jours) (l’animal étant trop léger pour un patch de fentanyl) et de laxatif (huile de paraffine, Laxatone®, une pression matin et soir). Ce dernier est prescrit en raison de l’œdème des tissus mous lié à l’intervention chirurgicale, qui risque de provoquer une nouvelle réduction du diamètre pelvien pendant quelques jours.

Le chaton est nourri avec un aliment hyperdigestible (Proplan EN®) afin de minimiser la quantité de fèces. Il est gardé confiné pendant 1 mois.

Aucune complication n’est à déplorer au cours de la cicatrisation. L’animal défèque normalement dès les premiers jours et récupère rapidement une fonction locomotrice normale. Le traitement laxatif est diminué, puis arrêté à 2 semaines postopératoires.

Un cliché radiographique réalisé 6 semaines après l’intervention chirurgicale montre une fusion satisfaisante des fragments osseux. Le matériel orthopédique est alors retiré afin de ne pas interférer avec la fin de la croissance (l’animal est alors âgé de 4 mois) (photos 3a et 3b).

Un dernier examen radiographique réalisé à l’âge de 6 mois, lors de la stérilisation, a confirmé le bon positionnement du bassin et l’absence de défaut de croissance (photos 4a et 4b). À l’âge de 20 mois, l’animal ne présente aucune séquelle locomotrice ni digestive.

DISCUSSION

1. Choix du traitement

Les fractures du bassin représentent environ 20 % des fractures chez le chat [6]. Le traitement conservateur est fréquemment choisi par les propriétaires et/ou le vétérinaire car il offre souvent des résultats satisfaisants pour un coût minime. Néanmoins, l’option chirurgicale doit être proposée, en particulier lorsque les abouts fracturaires sont très déplacés, instables, ou qu’un déficit neurologique est présent [1]. La stabilisation chirurgicale permet notamment de prévenir les séquelles locomotrices liées à une malunion et réduit nettement la taille du cal osseux, ce qui diminue le risque de sténose de la filière pelvienne.

La prévalence des complications de sténose après une fracture du bassin n’est pas connue chez les carnivores domestiques. Une étude portant sur 84 chiens visant à définir les facteurs de risque d’une sténose de la filière pelvienne à la suite d’une disjonction sacro-iliaque associée ou non à une fracture de bassin n’a relevé aucun cas de constipation parmi les animaux inclus [1]. Les affections dues à une sténose du canal pelvien (constipation, dystocie) semblent rares. Il est cependant nécessaire d’informer les propriétaires de ces risques lorsqu’un traitement conservateur est choisi. Il est conseillé d’effectuer un toucher rectal au moment de la prise en charge initiale, puis régulièrement au cours de la phase de cicatrisation, afin de détecter précocement un rétrécissement de la filière pelvienne.

Lors de constipation liée à une réduction du diamètre pelvien, un traitement médical laxatif et une alimentation spécifique peuvent être proposés. Néanmoins, la cause de la sténose n’est pas traitée dans ce cas, et la formation d’un fécalome et d’un mégacôlon reste possible.

Le traitement le plus satisfaisant dans ce cas est donc chirurgical, car il permet de lever l’occlusion créée par le cal osseux.

2. Techniques chirurgicales

Différentes méthodes de correction d’une sténose pelvienne sont décrites :

– le retrait du fragment qui provoque la sténose (ostectomie) ;

– la correction de la malunion (triple ostéotomie du bassin) ;

– l’élargissement du diamètre pelvien par distraction du pubis (tableau) [2, 4-6]. Néanmoins, toutes ces études portent sur un très faible nombre de cas et il est donc difficile de les comparer objectivement.

Quelle que soit la technique chirurgicale mise en œuvre, il semble que les résultats obtenus soient meilleurs dans les 6 premiers mois après l’apparition des signes cliniques [6]. En effet, la distension du côlon par les selles crée à terme des modifications neuromusculaires irréversibles. Le péristaltisme est alors définitivement aboli et la constipation persiste malgré la correction du diamètre pelvien. Dans ce cas, il convient de réaliser une colectomie totale ou subtotale afin de retirer la portion atone et de rétablir le transit [3, 6]. Certains auteurs préconisent une colectomie sans reconstruction du bassin lorsque la constipation dure depuis plus de 6 mois [3]. En effet, les selles sont souvent molles après une colectomie (absence de réabsorption d’eau par le côlon) et passent alors aisément à travers la partie sténosée.

3. Analyse du cas

Dans ce cas, l’animal a été opéré moins de 1 MOIS après le début des symptômes. Le côlon a été peu distendu et les résultats sont excellents.

La méthode d’élargissement choisie a été la triple ostéotomie du bassin. Elle permet de conserver l’intégrité de celui-ci (pas de retrait de fragments osseux, contrairement à l’ostectomie) et agit dans ce cas sur le fragment osseux à l’origine de l’occlusion (contrairement à la distraction du pubis).

Néanmoins, la présence d’un volumineux cal fibro-cartilagineux nous a contraints à utiliser un montage peu conventionnel. En effet, le cal situé en portion dorsale de l’ilium n’aurait pas permis une tenue suffisante des vis et impliquait un moulage très prononcé de la plaque orthopédique. La portion qui présentait les meilleures propriétés mécaniques (tenue des vis et traction du fragment acétabulaire) se situait cranialement à l’acétabulum et ne permettait la mise en place que d’une vis.

Deux choix chirurgicaux s’offrent alors :

– la mise en place d’une longue plaque pontant le fragment acétabulaire avec les vis caudales ancrées sur l’ischium. Ce montage est solide, mais exerce une faible traction sur le fragment acétabulaire ;

– la mise en place d’un montage plus léger avec une seule vis caudale ancrée dans la portion craniale du fragment acétabulaire, moins solide mais permettant une traction plus importante du fragment causant l’occlusion.

En prenant en considération le jeune âge du chat, son faible poids et son fort potentiel de cicatrisation, le second montage a été choisi car il permettait un écartement plus prononcé de la filière pelvienne tout en étant moins invasif.

La triple ostéotomie du bassin est donc une méthode séduisante pour traiter ce type de sténose, mais peut se révéler techniquement difficile à réaliser car la pose d’implant orthopédique se situe en zone de remaniement osseux cicatriciel. Il convient d’opter pour une technique chirurgicale adaptée au cas clinique rencontré, et surtout à la localisation du site de sténose (la triple ostéotomie du bassin ne serait pas indiquée dans le cas d’une sténose d’origine pubienne, par exemple).

Conclusion

Il existe diverses méthodes chirurgicales pour corriger une sténose de la filière pelvienne. La triple ostéotomie du bassin a donné de bons résultats pour le cas présenté ci-dessus. La rapidité d’intervention est essentielle et une colectomie peut devenir nécessaire lorsque la constipation dure depuis plusieurs mois.

Références

  • 1. Averill S, Johnson AL, Schaeffer DJ. Risk factors associated with development of pelvic canal stenosis secondary to sacroiliac separation: 84 cases (1985-1995). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1997;211(1):75-78.
  • 2. Ferguson J. Triple pelvic osteotomy for the treatment of pelvic canal stenosis in a cat. J. Small Anim. Pract. 1996;37(10):495-498.
  • 3. Matthiesen D, Scavelli TD, Whitney WO. Subtotal colectomy for the treatment of obstipation secondary to pelvic fracture malunion in cats. Vet. Surg. 1991;20(2):113-117.
  • 4. McKee W, Wong W. Symphyseal distration-osteotomy using an ulnar autograft for the treatment of pelvic canal stenosis in three cats. Vet. Rec. 1994;134(6):132-135.
  • 5. Prassinos N, Adamama-Moraitou KK, Gouletsou PG et coll. Symphyseal distraction-osteotomy using a novel spacer of spirally fashioned orthopaedic wire for the management of obstipation. J. Feline Med. Surg. 2007;9(1):23-28.
  • 6. Schrader S. Pelvic osteotomy as a treatment for obstipation in cats with acquired stenosis of the pelvic canal: six cases (1978-1989). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1992;200(2):208-213.

Points forts

→ Lors d’une fracture de bassin traitée de façon conservatrice, il est important de vérifier régulièrement le diamètre pelvien par un toucher rectal.

→ La récupération fonctionnelle (péristaltisme colique) est meilleure lorsque la sténose est levée dans les 6 MOIS qui suivent le début des signes de constipation.

→ Il existe plusieurs méthodes chirurgicales pour corriger une sténose de la filière pelvienne. Le choix de l’une d’entre elles se réalise au cas par cas et selon le site de sténose.

→ Dans certains cas, la levée de la sténose ne suffit pas et une colectomie peut être nécessaire.

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