Un point sur le dépistage de la dysplasie de la hanche - Le Point Vétérinaire n° 317 du 01/07/2011
Le Point Vétérinaire n° 317 du 01/07/2011

ORTHOPÉDIE CANINE

Dossier

Auteur(s) : Fabrice Conchou*, Franck Durieux**

Fonctions :
*Imagerie médicale
ENV de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex 03
**Clinique vétérinaire Aquivet
Service d’imagerie
médicale vétérinaire
Parc d’activités Mermoz
19, avenue de la Forêt
33320 Eysines
***Clinique vétérinaire Aquivet
Service d’imagerie
médicale vétérinaire
Parc d’activités Mermoz
19, avenue de la Forêt
33320 Eysines

Le diagnostic de dysplasie de la hanche repose sur des techniques d’imagerie médicale. En France, la méthode radiographique OFA est la seule qui soit officiellement autorisée.

La dysplasie de la hanche est une affection qui se rencontre principalement chez les chiens de grand format, mais elle est aussi diagnostiquée chez les animaux de petit format (cocker, épagneul breton ou caniche). Physiologiquement, la tête fémorale coiffe l’extrémité proximale du fémur et assure une coaptation parfaite avec le cotyle. Elle est régulièrement sphérique, mais présente un aplatissement sur sa face médio-ventrale : la fovea capitis qui est le site d’insertion du ligament rond. Lors de dysplasie, les changements les plus précoces sont un aplatissement, voire une érosion du cartilage périfovéal de la tête fémorale, une hypertrophie du ligament rond, un épanchement synovial et une synovite. Le diagnostic utilise des techniques d’imagerie médicale. La radiographie, la tomodensitométrie et l’échographie permettent de quantifier le degré de laxité articulaire et de mettre en évidence les lésions arthrosiques secondaires. Chacune de ces procédures présente des avantages et des limites.

1 Radiographie

Pour quantifier une dysplasie coxofémorale, la radiographie peut être utilisée quel que soit l’âge, mais toutes les altérations précoces ne sont pas détectables. Devant une très forte suspicion clinique, des clichés sont réalisables dès l’âge de 4 à 5 mois. Il est important de savoir si la hanche est stable, subluxée mais réductible ou luxée de façon irréversible, pour proposer une solution adéquate. En revanche, pour le diagnostic officiel, un âge minimal fixé par les clubs de race est requis (allant de 12 à 18 mois). Ce délai permet alors de détecter en théorie les dysplasies d’apparition tardive. Les protocoles radiographiques qui évaluent l’articulation coxofémorale sont divisés en deux groupes : d’une part, ceux qui quantifient le degré de dysplasie et, d’autre part, ceux qui évaluent de manière “active” les signes de subluxation ou de laxité articulaire. Ils permettent également de quantifier les signes d’arthrose.

L’apparition de lésions dégénératives de type arthrose sur l’articulation coxofémorale se fait dans l’ordre suivant :

– une formation d’ostéophytes en région périchondrale ;

– un remodelage de la tête et du col fémoraux ;

– un remodelage de la cavité acétabulaire ;

– une augmentation de l’opacité de l’os sous-chondral de la tête fémorale et de la cavité acétabulaire.

Il convient de rechercher le premier signe précoce d’arthrose sur l’articulation, visualisée sous la forme d’une ligne entésophytique ou “ligne de Morgan”, définie par une ligne courbe radio-opaque en zone caudo-latérale du col fémoral et correspondant à l’insertion de la capsule articulaire (photo 1).

Incidence ventro-dorsale en extension selon la méthode OFA

→ La technique OFA (Orthopedic Foundation for Animals) est la seule à être officiellement autorisée en France pour le dépistage de la dysplasie, par les clubs de race(1). Elle consiste en la mesure de l’angle de Norberg-Olsson qui quantifie la laxité articulaire (photo 2, figures 1 et 2).

→ En radiographie numérique, de nombreux logiciels permettent de mesurer cet angle.

La réglementation, en cours d’évolution, n’autorise toujours pas officiellement la lecture de clichés au format Dicom (Digital Imaging and Communicating in Medicine) et les cédéroms ne sont pas officiellement acceptés par les clubs de race. Les images sont alors imprimées sur un support papier de bonne qualité. Certains clubs, comme le Club français des léonbergs, exigent un film transparent, examinables par transillumination sur un négatoscope. Face à l’incohérence visant à refuser cette lecture, alors que le format Dicom équipe les meilleurs systèmes d’acquisition en radiologie, une solution entièrement numérique est en cours d’examen.

→ De nombreuses études ont démontré qu’il existe des variations radiographiques qui sont fonction des conditions de réalisation, selon l’état de l’animal (vigile ou anesthésié), l’opérateur et la force de traction exercée. L’hyperlaxité articulaire peut être masquée sur des clichés de chien vigile ou lors d’hyperextension marquée des membres pelviens. En pratique, il n’est pas rare d’effectuer deux ou trois clichés radiographiques (voire plus) avant d’obtenir une image de qualité optimale, répondant aux recommandations OFA. Le principe de limitation dans le cadre de la radioprotection n’est alors pas respecté. Dans les pays anglo-saxons, ce positionnement s’effectue systématiquement sans personnel dans la salle de radiographie, à l’aide de matériels de contention spécifiques (sacs de sable, coussins) [4, 6-8, 11-13].

Incidence ventro-dorsale en position forcée (méthode PennHIP)

Ce protocole radiographique repose sur le principe de la distraction, c’est-à-dire l’application d’une force qui tend à faire sortir la tête fémorale de la cavité acétabulaire.

TECHNIQUE

→ Au cliché en extension classique, deux autres vues sont ajoutées : en compression et en distraction (photos 3 et 4). Lors de la vue en distraction, le chien anesthésié est placé en décubitus dorsal. Le “distracteur” (modèle breveté) est un appareil qui exerce une force d’étirement sur les deux hanches. Il est constitué de deux barres radiotransparentes en résine, recouvertes de mousse, qui sont portées par un support rigide. Le distracteur porte un numéro unique et n’est attribué qu’à un vétérinaire qui a été formé et accrédité aux bonnes règles de son utilisation.

→  L’appareil est placé entre les membres pelviens du chien et la distance entre les deux barres correspond à la distance interacétabulaire. À la place du distracteur, et cette fois sans brevet, il est possible d’utiliser une simple planche de bois trapézoïdale permettant un écartement variable selon la taille des animaux. À partir de la position neutre des hanches (flexion-extension et abduction-adduction, genoux fléchis à 90°), l’opérateur saisit les membres au niveau des tarses et exerce une rotation interne des grassets. Le distracteur agit alors comme un bras de levier et convertit l’action de l’opérateur en une force de distraction latérale sur les hanches pour obtenir un déplacement latéral maximal de la tête fémorale : une standardisation de la traction effectuée est alors obtenue.

QUANTIFICATION DE LA LAXITÉ ARTICULAIRE

→  La quantification de la laxité repose sur la mesure de l’indice de distraction. Ce dernier est défini par le rapport du déplacement induit par la traction sur le rayon de la tête fémorale (figure 3 et photo 5). Un indice de distraction nul représente une congruence parfaite et une valeur de 1, une luxation complète. Si l’indice est inférieur à 0,3, le risque d’arthrose est très faible. En revanche, s’il est supérieur à 0,6 à 0,7, le risque est très élevé car les hanches présentent une laxité sévère. Entre ces deux valeurs, l’interprétation est moins fiable. La valeur seuil de l’indice de distraction doit cependant être nuancée dans la mesure où elle dépend de la race de l’animal. Quatre races ont été ainsi évaluées. Par exemple, la valeur seuil de l’indice de distraction est de 0,3 pour le berger allemand et de 0,4 pour le rottweiller et le golden retriever [2, 4, 7, 8, 11, 12].

Comparaison des méthodes OFA et PennHIP pour le diagnostic de la dysplasie coxofémorale

La méthode OFA présente l’avantage de la simplicité et l’inconvénient de “rater” la laxité articulaire. La méthode PennHIP est plus sensible, mais nécessite la mise en place d’un protocole complexe (tableau).

Incidence du rebord acétabulaire dorsal

Ce positionnement permet de visualiser sans superposition le rebord acétabulaire dorsal (vue DAR, ou Dorsal Acetabular Rim), sur lequel s’exerce la résultante des forces et des contraintes lors de subluxation de la tête fémorale. La congruence articulaire, la forme du rebord acétabulaire dorsal, son angle d’inclinaison et l’existence d’un remodelage osseux peuvent être évalués.

TECHNIQUE

→ Le chien est anesthésié, puis positionné en décubitus ventral. Ses membres pelviens sont tirés cranialement, avec les fémurs parallèles au grand axe du corps de l’animal. Une ceinture est placée autour des cuisses et du dos afin de maintenir cette position (photo 6a). L’angle entre le tibia et le fémur avoisine alors les 120°. Le centre du faisceau de rayons X passe par la crête iliaque, le bord dorsal de l’acétabulum et le bord ventral de la tubérosité ischiatique (photo 6b). Le cliché obtenu doit mettre en évidence une superposition parfaite, d’une part, de l’aile et du corps de l’ilium, et, d’autre part, de la tubérosité ischiatique et du rebord acétabulaire dorsal pour chaque os coxal (photo 7 et figure 4).

QUANTIFICATION DE LA LAXITÉ ARTICULAIRE

→  La laxité articulaire est mesurée par la pente acétabulaire. Une première ligne est tracée dorsalement au rebord acétabulaire dorsal, puis une deuxième ligne, tangentiellement aux surfaces articulaires (point de contact de la tête fémorale et de l’acétabulum dorsal). Enfin, une dernière ligne court entre l’intersection des deux lignes précédentes (photo 8). La somme des angles mesurant la pente acétabulaire de chaque hanche supérieure à 20° indiquerait que l’animal est atteint de dysplasie coxofémorale.

RECHERCHE DES SIGNES D’ARTHROSE

Lors de laxité anormale de l’articulation coxofémorale, le rebord cranio-dorsal de l’acétabulum est le site précoce de lésions dégénératives, en particulier d’ostéophytes. Aussi, lorsque l’articulation est normale, un rebord acétabulaire cranio-dorsal pointu est noté. Il devient plus court, émoussé, arrondi, voire remodelé, lors de dysplasie coxofémorale sévère. Ces lésions sont souvent peu ou pas visibles sur les incidences ventro-dorsales classiques OFA [3, 4, 8-10].

Concernant les trois méthodes décrites, seule la procédure OFA est reconnue en France actuellement pour quantifier la dysplasie coxofémorale. Les techniques PennHIP et DAR sont des procédés d’évaluation précoce de la dysplasie et des lésions dégénératives, mais elles n’ont aucune valeur officielle. Elles requièrent toutes deux une pratique et de l’expérience, comparativement à la méthode OFA.

2 Tomodensitométrie ou scanner

Technique

L’examen tomodensitométrique des hanches à la recherche d’une dysplasie coxofémorale s’effectue chez un chien anesthésié et en décubitus dorsal. Les membres pelviens sont positionnés en extension et réunis à l’aide d’un sparadrap qui les entoure dans la région du tarse. L’avantage de cet examen sur la radiographie conventionnelle réside dans l’absence de superposition puisque les coupes transversales sont réalisées selon une épaisseur choisie. Le scanner permet alors d’évaluer le recouvrement acétabulaire sans superposition d’images d’autres structures. Ces coupes sont ensuite reconstruites à l’aide du logiciel Dicom et permettent de visualiser l’articulation coxofémorale dans différents plans : sagittal, dorsal et transversal. Des reconstructions en 3D peuvent être également effectuées (photo 9).

Mesures

Sur les images de scanner, différentes mesures peuvent être effectuées, comme l’angle d’inclinaison du rebord acétabulaire dorsal, l’index CD (distance entre l’acétabulum et la tête fémorale divisée par le rayon de la tête fémorale) ou l’angle de ventroversion acétabulaire (angle entre les plans vertical et acétabulaire). L’utilisation du scanner semble être intéressante dans le diagnostic de la dysplasie coxofémorale. Cependant, aucune méthode de référence n’est encore validée, ni aucune valeur clairement établie [2-4, 8].

3 Échographie

Chez le chien, l’ossification de la tête fémorale génère des artefacts dès l’âge de 6 semaines. Ainsi, la visualisation des structures de l’articulation de la hanche (cartilage articulaire, ligament rond) est très limitée.

Technique

Les images échographiques de l’articulation coxofémorale sont obtenues selon trois coupes différentes avec une sonde linéaire de 7,5 MHz :

– une coupe longitudinale avec l’animal en décubitus dorsal et la sonde dirigée dorsalement au plan sagittal (photos 10a et 10b) ;

– une coupe transversale avec l’animal en décubitus dorsal et la sonde dirigée dorsalement au plan transverse ;

– une coupe dorso-latérale avec l’animal sur ses quatre pattes, la sonde placée entre le grand trochanter et l’ischium, et le faisceau ultrasonore dirigé cranio-ventralement et légèrement médialement selon le plan caudo-dorsal oblique vers le plan cranio-ventral.

Mesures

Des études ont été publiées sur la mesure de l’indice de distraction. En effet, dès l’âge de 6 à 8 semaines et avant 6 mois, si un écart de plus de 5 mm est mesuré entre les positions de la tête fémorale dans la cavité acétabulaire lors de la compression et de la distraction de la hanche, le diagnostic de dysplasie coxofémorale peut être établi. Toutefois, en raison de son manque de sensibilité et de la variabilité entre les observateurs, l’échographie est un examen très limité pour le diagnostic de la dysplasie coxofémorale [1, 5].

Conclusion

À l’heure actuelle, en France, la méthode de référence pour le diagnostic de la dysplasie coxofémorale reste l’incidence ventro-dorsale selon les recommandations OFA. Cependant, elle est peu sensible pour la détection de la laxité articulaire. De plus, cette affection étant évolutive, le diagnostic de dysplasie chez des individus très jeunes peut comporter de nombreux faux négatifs. Ainsi, certaines estimations indiquent que le taux de détection des animaux dysplasiques passe de 70 à 80 % à l’âge de 1 an à 95 % à 2 ans et à 98 % à l’âge de 3 ans. Mais, au moment de la reproduction, rien n’oblige le propriétaire à effectuer de nouveau une radiographie OFA ! Les méthodes PennHIP et DAR sont complémentaires pour évaluer précocement la laxité articulaire et les lésions dégénératives, mais elles ne sont pas reconnues en France. Pourtant, ces techniques permettent, notamment, une sélection précoce de reproducteurs (sélection de races) et la mise en place d’une thérapeutique avant l’apparition d’arthrose. Le scanner et l’échographie ne sont pas des examens de référence en raison de l’absence d’un protocole validé et universel et d’un manque de sensibilité.

(1) Voir l’article “Diagnostic radiographique de la dysplasie coxofémorale” de S. Manville et M. Fusellier. Point Vét. 2011; 314: 16-19.

Références

  • 1. Adams WM et coll. Comparison of two palpation, four radiographic and three ultrasound methods for early détection of mild to moderate canine hip dysplasia. Vet. adiol. Ultrasound. 2000; 41(6): 484-490.
  • 2. Barbet A. Technique d’examen orthopédique de la hanche des carnivores domestiques. Thèse vétérinaire, ENVA. 2002.
  • 3. Coutois M. La symphysiodèse pubienne juvénile chez le chien : étude bibliographique. Thèse vétérinaire, ENVA. 2006.
  • 4. Ginja MM et coll. Comparison of clinical, radiographic, computed tomographic, and magnetic résonance Imaging methods for early prédiction of canine hip laxity and dysplasia. Vet. Radiol. Ultrasound. 2009; 50(2): 135-143.
  • 5. Greshake RJ et coll. Ultrasound évaluation of the coxofemoral joints of the canine neonate. Vet. Radiol. Ultrasound. 1992; 33(6): 99-104.
  • 6. Morgan J. Canine hip dysplasia. Vet. Radiol. 1987; 28(1): 2-5.
  • 7. Rendano V et coll. Canine hip dysplasia evaluation. Vet. Radiol. 1985; 26(6): 170-186.
  • 8. Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology. 5th éd. WB Saunders. 2007: 848p.
  • 9. Thompson R et coll. Effects of pelvic positionning and simulated dorsal acetabular rim remodeling on the radiographic shape of the dorsal acetabular edge. Vet. Radiol. Ultrasound. 2007; 48(1): 8-13.
  • 10. Trumpatori BJ et coll. Radiographic anatomy of the canine coxofemoral joint using the dorsal acetabular rim (DAR) view. Vet. Radiol. Ultrasound. 2003; 44(5): 526-532.
  • 11. Valin I, Fau D, Gatineau M, Bouvy B. La dysplasie coxofémorale : pathogénie et diagnostic. Point Vét. 2007; 281: 51-55.
  • 12. Valin I, Bouvy B, Moraillon R. Dysplasie coxofémorale : traitement et législation. Point Vét. 2008; 282: 51-56.
  • 13. Verhoeven G et coll. The effect of technical quality assessment of hip-extended radiographs on interobserver agreement in the diagnosis of canine hip dysplasia. Vet. Radiol. Ultrasound. 2010; 51(5): 498-503.
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