Efficacité clinique d’un aliment hypoallergénique à base de protéines hydrolysées - Le Point Vétérinaire expert canin n° 316 du 01/06/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 316 du 01/06/2011

ALLERGOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Catherine Laffort

Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

L’allergie alimentaire est un ensemble de signes cliniques qui surviennent lors de l’ingestion d’un aliment. Ils sont déclenchés par une réaction immuno-allergique dirigée contre un allergène alimentaire.

MÉCANISME DES ALLERGIES ALIMENTAIRES

En médecine humaine, il s’agit le plus souvent de réactions d’hypersensibilité de type I, médiées par les IgE. De nombreux allergènes alimentaires ont été identifiés au niveau moléculaire. Il s’agit en général de glycoprotéines de poids moléculaire supérieur à 10 000 kd. De plus petites molécules sont en effet moins susceptibles de ponter deux IgE à la surface des mastocytes pour les activer [2]. Ces données sont largement inconnues en médecine vétérinaire : des réactions de type I ont parfois été impliquées dans la pathogénie de l’allergie alimentaire alors que d’autres auteurs ont mis en évidence des réactions immunitaires à médiation cellulaire [5, 8]. Dans ce cas, l’activation des lymphocytes T serait liée à la reconnaissance et à la fixation d’épitopes qui comprennent 8 à 10 acides aminés [11]. Les taux d’IgE sont restés indétectables ou très faibles tout au long de l’étude choisie. Il n’a pas été possible de déterminer si, pour ces chiens, la pathogénie de l’allergie alimentaire ne fait pas intervenir les IgE ou s’il s’agit d’erreurs liées au test de détection utilisé. En effet, ces chiens ont déjà fait l’objet d’essais sur l’allergie alimentaire au cours desquels des taux élevés d’IgE spécifiques de trophallergènes avaient été identifiés [5].

DIAGNOSTIC

La première étape dans la démarche diagnostique d’une allergie alimentaire est la conduite d’un interrogatoire minutieux des propriétaires et d’un examen clinique qui concerne, en particulier, les appareils cutanés et digestifs [4, 9]. Les signes cliniques ne sont cependant pas spécifiques et le groupe d’expert sur la dermatite atopique canine (ITFCAD) recommande la réalisation d’un régime d’éviction/provocation chez tout chien qui présente un prurit perannuel [7]. Les tests allergologiques sanguins (dosages d’IgE spécifiques) ou cutanés (tests intradermiques, prick tests, patch tests) proposés en médecine humaine ne sont pas, à l’heure actuelle, fiables en médecine vétérinaire [10]. La seule solution alternative est de modifier totalement l’alimentation de l’animal et d’observer si l’élimination des anciens aliments permet une disparition des symptômes. La présence d’une allergie alimentaire n’est définitivement acquise que si ceux-ci réapparaissent lors d’une provocation orale : la réintroduction des anciens aliments reproduit les signes cliniques.

HYDROLYSATS ET ALLERGIE AUX PROTÉINES DE LAIT

Une nouvelle génération de régimes industriels hypo-allergéniques a vu le jour en médecine vétérinaire dans les années 2000. Elle est inspirée des formulations pour nourrissons à base de protéines de lait de vache (caséine ou lactosérum) hydrolysées. Pour faire disparaître l’allergénicité de ces molécules, elles sont hydrolysées en fragments peptidiques, moins allergéniques et hyperdigestibles [1]. En médecine humaine, les hydrolysats extensifs ou poussés (reliquats peptidiques de poids moléculaires inférieurs à 1 500 kd) sont distingués des hydrolysats partiels en fonction du degré d’hydrolyse, bien que cette classification selon le degré d’hydrolyse ne fasse pas l’unanimité [3]. Les hydrolysats partiels induisent des réactions chez environ 50 % des enfants allergiques aux protéines de lait de vache et ne sont donc pas recommandés pour le traitement de cette allergie [3]. Les seules formulations utilisables sont celles qui, au cours d’étude en double aveugle, sont bien tolérées par au moins 90 % des patients atteints d’allergie confirmée aux protéines de lait de vache [2]. Les hydrolysats partiels pourraient, en revanche, avoir un intérêt en prévention chez des enfants à risque. Les hydrolysats extensifs sont utilisés en traitement et en prévention, sans que la supériorité d’une hydrolyse poussée sur une hydrolyse partielle ait pu clairement être démontrée en prévention de l’allergie alimentaire [2]. Chez de rares enfants, la persistance de signes cliniques sous hydrolysats conduit à les remplacer par une formulation à base d’acides aminés de synthèse [3].

BÉNÉFICE DES ALIMENTS HYDROLYSÉS EN MÉDECINE VÉTÉRINAIRE

Une revue méthodique sur la réduction de l’allergénicité et le bénéfice clinique apportés par les aliments hydrolysés chez des chiens qui ont développé des allergies alimentaires a été publiée en 2010. Elle rapporte la nécessité d’une hydrolyse poussée pour réduire au maximum l’allergénicité des ingrédients (moins de 3 000 kd). Les aliments hydrolysés du commerce n’ont qu’une allergénicité réduite parce qu’ils sont des hydrolysats partiels. En conséquence, entre 25 et 50 % des chiens qui souffrent d’allergie alimentaire voient une exacerbation de leurs signes cliniques, lorsqu’ils sont nourris avec des aliments hydrolysés dérivés des ingrédients auxquels ils sont allergiques. Le pourcentage de chiens effectivement allergiques alimentaires et qui ne répondent pas à ce type de régime est inconnu. L’utilisation de ces aliments hydrolysés s’accompagne parfois de troubles digestifs. L’appétence n’est pas toujours bonne. Finalement les auteurs de cette étude systématique concluent que le principal intérêt des aliments hydrolysés du commerce réside chez des chiens non allergiques à leurs ingrédients sous forme native [6]. Dans l’étude présentée, les scores globaux de 11 chiens sur 12 ont été significativement améliorés lorsque la provocation est faite avec du poulet hydrolysé (reliquats peptidiques inférieurs à 10 000 kd) par rapport au poulet natif. Ce degré d’hydrolyse correspond à un hydrolysat partiel. Cette étude bien conduite est intéressante car elle montre l’intérêt de l’hydrolyse pour la gestion des chiens qui souffrent d’allergies alimentaires, y compris chez ceux allergiques à l’ingrédient natif. Il serait cependant intéressant de la compléter par un nombre plus important de chiens, puis en comparant les scores cliniques obtenus dans cette étude à ceux obtenus sous aliments hydrolysés du commerce à base de poulet hydrolysé.

Références

  • 1. Biourge V, fontaine J, Vroom MW. Diagnosis of adverse reaction to food in dogs: efficacy of soy-isolated hydrolyzate-based diet. J. Nutr. 2004;2062S-2064S.
  • 2. Boyce JA et coll. Guidelines for the diagnosis and mangement of food allegy in the United States: report of the NIAID-sponsored expert panel. J. Allergy Clin. Immunol. 2010;6:S1-S58.
  • 3. Chouraqui JP et coll. Alimentation des premiers mois de la vie et prévention de l’allergie. Archives de Pédiatrie. 2008;15:431-442.
  • 4. Favrot C, Steffan J, Seewald W et coll. A prospective study on the clinical features of chronic canine atopic dermatitis and its diagnosis. Vet. Dermatol. 2010;21:23-31.
  • 5. Jackson HA, Jackson MW, Coblentz L et coll. Evaluation of the clinical and allergen specific serum immunoglobulin E responses to oral challenge with cornstarch, corn, soy and a soy hydrolysate diet in dogs with spontaneous food allergy. Vet. Dermatol. 2003;14:181-187.
  • 6. Olivry T, Bizikova P. A systematic review of the evidence of reduced allergenicity and clinical benefit of food hydrolysates in dogs with cutaneous adverse food reactions. Vet. Dermatol. 2010;21:32-41.
  • 7. Olivry T, DeBoer D J, Favrot C et coll. Treatment of canine atopic dermatitis: good clinical practice 2010 recommended by the International Task Force on canine atopic dermatitis. Vet. Dermatol. 2010.
  • 8. Olivry T, Kurata K, Paps JS et coll. A blinded randomized controlled trial evaluating the usefulness of a novel diet (aminoprotect care) in dogs with spontaneous food allergy. J. Vet. Med. Sci. 2007;69:1025-1031.
  • 9. Picco F et coll. A prospective study on canine atopic dermatitis and food-induced allergic dermatitis in Switzerland. Vet. Dermatol. 2008;19:150-155.
  • 10. Scott DW, Miller WH, Griffin CE. In: Muller and Kirk’s small animal dermatology, 6th ed. WB Saunders, Philadelphia, PA. 2001.
  • 11. Tizard IR. Veterinary immunology: an introduction. 8th ed. Eds Saunders Elsevier, Philadelphia, PA. 2009.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Vérifier si des chiens qui présentent une allergie alimentaire connue au poulet peuvent tolérer l’ingestion de poulet hydrolysé en suivant des paramètres cliniques et immunologiques.

MÉTHODE

• Vingt-six chiens qui souffrent d’allergie alimentaire connue ont été nourris pendant 14 jours avec leur régime d’entretien (à base de saumon et de riz) auquel 5 g/kg de poulet ont été ajoutés.

• Douze chiens qui manifestent des signes cliniques cutanés lorsqu’ils sont soumis à ce régime ont été sélectionnés et divisés en deux groupes de façon aléatoire.

• Chaque groupe a été nourri avec du poulet hydrolysé ou du soja hydrolysé en complément de son régime d’entretien pendant 14 jours dans une étude en aveugle, croisée avec une période de transition de 17 jours entre les deux régimes.

• Tout au long de l’étude, le score clinique (Canine atopic dermatitis extent and severity index, Cadesi) et le score de prurit ont été évalués et combinés pour obtenir une évaluation globale. Du sérum a été collecté chaque semaine pour mesurer les taux d’IgE et IgG spécifiques du poulet et du soja.

RÉSULTATS

En comparaison avec les scores cliniques notés avant le début de l’étude, les chiens nourris avec le poulet non hydrolysé ont présenté les manifestations cliniques les plus sévères. Le score clinique global a été réduit de façon significative chez 11 des 12 chiens lorsqu’ils ont reçu du poulet hydrolysé. Les taux d’IgE et IgG ont été variables tout au long de l’étude et n’ont pas montré de corrélation avec les provocations alimentaires.

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