Traitement d’une sténose pulmonaire par voie transcathétérale chez un léopard des neiges - Le Point Vétérinaire n° 315 du 01/05/2011
Le Point Vétérinaire n° 315 du 01/05/2011

CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

Technique

Auteur(s) : Luc Behr*, N. Chai**, V. Chetboul***, J.-L. Pouchelon****, R. Wedlarski*****, É. Trehiou******, V. Gouni*******, C. Misbach********, A. Petit*********, A. Bourgeois**********, T. Hazan***********, N. Borenstein************

Fonctions :
*IMM Recherche, Institut
mutualiste Montsouris,
42, boulevard Jourdan,
75014 Paris
**MNHN, Ménagerie
du Jardin des plantes,
57, rue Cuvier, 75005 Paris
***UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
****UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
*****MNHN, Ménagerie
du Jardin des plantes,
57, rue Cuvier, 75005 Paris
******UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
*******UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
********UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
*********UP Médecine,
Unité de cardiologie,
UMR Inserm-ENVA U955,
ENVA, 7, avenue
du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cedex
**********MNHN, Ménagerie
du Jardin des plantes,
57, rue Cuvier, 75005 Paris
***********Véto34,
Clinique vétérinaire,
17, boulevard Alsace-Lorraine,
94170 Le Perreux-sur-Marne
************IMM Recherche, Institut
mutualiste Montsouris,
42, boulevard Jourdan,
75014 Paris

La sténose pulmonaire, la sténose mitrale, la persistance du canal artériel ou le traitement des blocs atrio-ventriculaires par pose de pacemaker peuvent être traités ou effectués par des techniques mini-invasives grâce à la cardiologie interventionnelle.

La cardiologie interventionnelle offre aux animaux de compagnie de nouvelles alternatives thérapeutiques là où la chirurgie cardiaque vétérinaire semble peiner à se développer. Jusqu’alors les affections cardiaques pouvaient déjà être traitées grâce à des techniques de chirurgie cardiaque (encadré). Ces interventions lourdes impliquent souvent l’utilisation de la circulation extracorporelle (dérivation du sang des cavités cardiaques vers une machine “cœur-poumons” afin de travailler sur les cavités cardiaques exsangues). Elles sont très complexes et nécessitent une équipe médico-chirurgicale très qualifiée et un plateau technique spécialisé. La morbidité associée à ces interventions est importante et le risque de mortalité également. Le développement de ces procédés chirurgicaux a donc été limité dans le domaine vétérinaire et seuls quelques centres dans le monde sont capables de réaliser ces interventions. La cardiologie interventionnelle, en simplifiant les actes, a ouvert à la médecine vétérinaire tout un nouvel arsenal de traitements. Néanmoins, toutes les maladies cardiaques ne peuvent être soignées par cette technique. Ainsi, le remplacement valvulaire cardiaque reste une prérogative presque exclusive du chirurgien, même si depuis quelques années les techniques mini-invasives gagnent du terrain dans ce domaine également.

Dans notre centre de recherche (IMM Recherche), comme dans beaucoup d’universités vétérinaires et certaines cliniques spécialisées, le traitement des chiens et chats grâce à des procédés de cardiologie interventionnelle est de plus en plus fréquent. Appliquer ces techniques à la faune sauvage est plus rare. Ainsi, notre centre a eu la chance d’être le premier, en association avec la ménagerie du Jardin des plantes à Paris et l’ENV d’Alfort, à traiter une panthère des neiges (Uncia uncia)souffrant d’une sténose pulmonaire.

Description du cas

→ La panthère qui présente une diminution de l’appétit et une apathie est anesthésiée à la ménagerie du Jardin des plantes par injection intramusculaire de médétomidine (à la dose de 2 mg, soit 71,4 µg/kg Zalopine(r)) et de kétamine (à la dose de 120 mg, soit 4,3 mg/kg Imalgene 1 000(r), Merial) pour réaliser un examen clinique approfondi. Ce dernier révèle un souffle cardiaque systolique basal gauche 4/6 et un souffle apexien gauche 4/6. Une échographie abdominale et des clichés thoraciques complètent l’examen. L’hypothèse d’une affection cardiaque à l’origine des symptômes est retenue. L’animal est référé à la consultation de cardiologie à l’UP de Médecine, Unité de cardiologie d’Alfort, pour une exploration cardiaque complète.

→ L’examen échographique montre la présence d’une sténose pulmonaire et d’une insuffisance mitrale. La sténose pulmonaire est alors sévère avec un gradient mesuré sous anesthésie à 98 mmHg et un orifice de passage du sang réduit à 5 mm. Une bride semble entraver l’ouverture des valvules sigmoïdes. La gravité de la sténose pulmonaire est très certainement à l’origine de l’abattement de l’animal et un traitement est envisagé. Cette sténose n’intéresse que la valve pulmonaire sans composante infra- ou supravalvulaire majeure et sans atrésie de l’anneau pulmonaire. Ce type d’affection représente une bonne indication pour une dilatation par ballonnet.

→ L’angioplastie percutanée est réalisée à l’IMM Recherche à la faveur d’une anesthésie générale.

L’animal est anesthésié par injection intramusculaire de médétomidine (à la dose de 2 mg, soit 71,4 µg/kg Zalopine(r)(1))et de kétamine (à la dose de 120 mg, soit 4,3 mg/kg Imalgene 1 000(r), Merial) puis intubé et ventilé. Le maintien de l’anesthésie est réalisé par l’inhalation d’isoflurane (2 % dans 100 % d’O2) et l’injection de kétamine (à la dose de 2 mg/kg/h). Le monitoring inclut un électrocardiogramme, la mesure du CO2 expiré et la mesure invasive de la pression artérielle (photo 1). L’animal est placé en décubitus dorsal et la région du cou est préparée stérilement pour l’abord de la veine jugulaire.

→ La première étape de l’angioplastie percutanée consiste à mettre en place un introducteur qui est un cathéter de gros calibre inséré dans la veine jugulaire. Cet introducteur, obturé par un diaphragme, permet le passage de cathéters sans hémorragie. Ensuite, une injection intraveineuse d’héparine à la dose de 150 UI/kg est réalisée afin de garantir l’anticoagulation lors de la procédure, car l’introduction de cathéters dans le flux sanguin engendre la formation de caillots sanguins. Un cathéter de type Pigtail est monté dans la veine jugulaire, puis dans la veine cave craniale et l’oreillette droite, traversant ensuite la valve tricuspide pour atteindre le ventricule droit et sa chambre de chasse. Du liquide de contraste est injecté. Il permet la réalisation d’une ventriculographie et d’une angiographie de l’artère pulmonaire afin de visualiser la valve pulmonaire et sa sténose. Un flux très étroit est observé dans la sténose. Un guide est monté dans le cathéter Pigtail pour traverser la sténose pulmonaire. En effet, le guide qui avance à travers la valve pulmonaire sert de fil d’Ariane pour faire cheminer le cathéter à ballonnet en lieu et place de la sténose pulmonaire. Une fois le ballonnet placé, il est gonflé avec un mélange de NaCl et de liquide de contraste pour visualiser son remplissage et la résolution de la sténose. Le ballonnet est gonflé à sa taille nominale de 16 mm (le diamètre de la dilatation doit être compris entre 1,2 et 1,5 fois le diamètre de l’anneau pulmonaire) (photo 2). La procédure de gonflage est répétée deux fois pour assurer une bonne levée de la sténose pulmonaire. Le cathéter est ensuite retiré et une angiographie est réalisée pour vérifier la réponse de la sténose à la dilatation (photo 3). Un flux large est observé, confirmant la levée de l’obstacle et la réussite de l’opération. Les cathéters et l’introducteur sont retirés et l’animal réveillé. Une antibioprophylaxie (céfamendole à la dose de 20 mk/kg par voie intraveineuse) et une analgésie (flunixine méglumine à la dose de 1 mg/kg par voie intramusculaire) sont instaurées. L’animal reçoit alors un traitement antiagrégant plaquettaire (aspirine à la dose de 35 mg/kg par voie intramusculaire) pendant 3 jours.

→ Dans les jours qui ont suivi l’intervention l’état de l’animal s’est nettement amélioré avec une reprise de l’appétit et un comportement plus alerte.

→ La sténose pulmonaire est une affection cardiaque qui possède une composante génétique, fréquente chez le chien, plus rare chez le chat, mais aucune donnée statistique n’existe pour la faune sauvage. Il serait judicieux d’explorer sa prévalence chez les canidés et les félidés sauvages en captivité.

Conclusion

Cette situation représente le premier cas de traitement d’un animal sauvage par des techniques de cardiologie interventionnelle. Cet exemple nous montre comment le transfert de technologies médicales peut être efficace entre la médecine humaine et la médecine vétérinaire des animaux de compagnie. Il bénéficie in fine à la faune sauvage captive dans le cadre de la préservation des espèces.

(1) Orion Pharma Animal Health, FI-20101Turku, Finland.

ENCADRÉ
La radiologie interventionnelle

La radiologie interventionnelle est une technique médicale mini-invasive qui permet d’accéder aux organes sans abord chirurgical grâce à l’utilisation de matériel d’imagerie, tel que la fluoroscopie, afin de réaliser des gestes diagnostiques et thérapeutiques à distance. La cardiologie interventionnelle peut être considérée comme la discipline de la radiologie interventionnelle s’intéressant uniquement au cœur et ses gros vaisseaux. Les méthodes de cardiologie interventionnelle existent chez l’homme depuis les années 1950 et ont pris un essor considérable avec l’avènement de l’angioplastie coronaire percutanée dans les années 1980. Cette technique consiste à traiter la sténose des vaisseaux coronariens par cathétérisme, sans abord chirurgical, grâce à l’utilisation de cathéters à ballonnet et de prothèses endovasculaires de type stent. Elle a rapidement supplanté le pontage coronarien, traitement chirurgical invasif visant à reperfuser le myocarde infarci grâce à la greffe de vaisseau, qui jusqu’alors était considéré comme le “gold standard”. La transposition de ces pratiques à la médecine vétérinaire a eu lieu rapidement. En effet, la relative facilité de réalisation de ces interventions a permis aux équipes de cardiologistes vétérinaires de se former sans difficulté auprès des confrères en médecine humaine et en recherche d’abord, puis dans les universités vétérinaires. Ainsi, la réalisation d’actes de cardiologie interventionnelle est devenue courante dans les centres spécialisés.

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L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

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