Étape 7 : La radiographie du rachis - Le Point Vétérinaire n° 315 du 01/05/2011
Le Point Vétérinaire n° 315 du 01/05/2011

En 10 Étapes

Auteur(s) : Marion Fusellier*, Aurélie Laborde**

Fonctions :
*Service d’imagerie
médicale,
CHUV Oniris-Nantes
Atlanpole La Chantrerie
BP 40706 Nantes
**Service d’imagerie
médicale,
CHUV Oniris-Nantes
Atlanpole La Chantrerie
BP 40706 Nantes

L’interprétation d’une radiographie rachidienne nécessite une démarche systématisée et une bonne connaissance des affections de cette région anatomique.

La radiographie du rachis sans préparation vise à rechercher des lésions osseuses. Cet examen est réalisé chez un animal qui présente une douleur lors de la manipulation du rachis, dans le cadre d’un bilan d’extension d’une tumeur ou en première intention lors de troubles nerveux d’origine médullaire. Dans le cas d’une lésion médullaire (telle qu’une compression) d’autres examens sont indispensables pour préciser sa localisation et sa nature, comme une myélographie ou un examen d’imagerie en coupe (scanner/IRM) car la radiographie sans préparation ne permet pas de visualiser la moelle épinière.

MODALITÉS TECHNIQUES

Afin d’assurer un positionnement parfait et d’éviter un flou cinétique, les clichés sont toujours pris sous anesthésie générale [3, 4]. Une exception existe à l’anesthésie générale systématique  : la recherche de lésions grossières chez un animal traumatisé (recherche de fracture/luxation vertébrale).

Deux incidences sont habituellement effectuées  : latérale et ventro-dorsale, centrées en C3-C4 et éventuellement en C7 pour le rachis cervical, en T6-T7 et le cas échéant en T13 pour le rachis thoracique, et en L3-L4 pour les lombaires. Idéalement, six vertèbres au maximum sont visibles sur un cliché. Des moyens de contention inertes (sacs de sable, sangles) permettent de maintenir l’animal en position sans intervention humaine à proximité du foyer.

Sur le cliché de profil, chaque vertèbre est visualisée individuellement, les processus transverses et l’origine des côtes sont superposés et la jonction entre le processus transverse et le corps vertébral est matérialisée par une ligne courbe unique. Un décalage entre l’arc proximal des côtes ou les processus transverses signe une rotation. Sur une incidence ventro-dorsale, les épines neurales apparaissent alignées et centrées sur les corps vertébraux.

La myélographie est réalisée après les clichés sans préparation. C’est un examen radiographique du rachis après l’injection dans l’espace sous-arachnoïdien de produit de contraste iodé hydrosoluble non ionique. Le liquide est injecté dans l’espace atlanto-occipital ou à l’étage lombaire (L4-L5 ou L5-L6). Les clichés sont pris en position physiologique et si nécessaire en contrainte (hyperflexion, hyperextension et traction) lors de suspicion d’instabilité (cervicale et lombo-sacrée). Les contraintes doivent être effectuées avec précaution de manière à ne pas aggraver des lésions médullaires préexistantes. La répartition du produit de contraste dans le liquide cérébrospinal rend possible l’évaluation précise du contour et de la position de la moelle. Cela permet de mettre en évidence des lésions compressives de la moelle, mais aussi un certain nombre de lésions intramédullaires qui entraînent une augmentation du diamètre du cordon médullaire. Les clichés en contrainte permettent, en outre, d’évaluer la compression des structures nerveuses lors des mouvements du rachis.

INTERPRÉTATION D’UN CLICHÉ DU RACHIS

Il convient en premier lieu de vérifier la qualité technique des clichés radiographiques (densité, contraste, netteté, positionnement) [3, 4]. L’interprétation du cliché demande ensuite de suivre une approche rigoureuse et systématisée :

– évaluer les structures adjacentes au rachis ;

– examiner les vertèbres (nombre dans chaque région, taille, forme, alignement et opacité), sans oublier les processus épineux, transverses et facettes articulaires ;

– déterminer la taille et l’opacité des espaces intervertébraux, et les comparer à celles des espaces adjacents ;

– apprécier le diamètre du canal vertébral sur toute sa longueur, sa forme, sa densité, ses contours, comparer la taille et l’opacité des foramens intervertébraux adjacents ;

– lors de myélographie, vérifier que le diamètre de la moelle, outre les intumescences brachiale et lombaire, est constant, que les colonnes de produit de contraste restent rectilignes et d’épaisseur régulière.

Cet examen précis permet de lister les anomalies et de dénombrer les affections susceptibles d’être à leur origine. Pour cela, il convient néanmoins de connaître l’anatomie radiographique normale (encadré complémentaire sur WK-Vet.fr).

ANOMALIES DU RACHIS

Malformations congénitales

→ Les vertèbres de transition comportent les caractéristiques de deux régions anatomiques adjacentes du rachis. Une augmentation de la formule lombaire est notée en cas de lombarisation de T13 ou de S1, et une diminution de la formule lombaire est présente en cas de sacralisation de L7. Parfois des côtes surnuméraires sont aussi relevées. Une diminution du nombre des vertèbres caudales peut être visible dans le cas d’anomalies génétiques (chats de l’Île de Man, welsh corgi, etc.).

→ Les hémivertèbres (vertèbres cunéiformes, triangulaires) et les vertèbres en ailes de papillon se distinguent par une modification de la forme et de la taille de la vertèbre, et une incurvation anormale du rachis. Elles sont fréquentes chez les petits brachycéphales et peuvent provoquer des déformations sévères du rachis (scoliose, cyphose ou lordose), des instabilités et des compressions médullaires (photo 1). Le degré de compression médullaire est apprécié grâce à la myélographie ou par le recours à l’imagerie de désuperposition (tomodensitométrie ou IRM).

→ Le bloc vertébral est observable par la fusion des corps vertébraux, avec une taille globale de la vertèbre qui est augmentée.

→ La spina bifida se caractérise par une ligne radiotransparente visible dans le plan sagittal de la vertèbre sur une vue de face, avec parfois un dédoublement des processus épineux. Elle correspond à un défaut de fusion des arcs vertébraux et/ou des épines neurales. Les anomalies sous-jacentes des structures nerveuses ne sont pas visualisées sans préparation.

Affections dégénératives

→ La spondylose est une déformation des vertèbres par des ostéophytes (ou “becs de perroquet”). Ce sont des proliférations osseuses de contours lisses et réguliers, de densité homogène, en région ventrale plus ou moins latérale, qui induisent occasionnellement un pontage osseux (photo 2).

→ L’hyperostose diffuse idiopathique entraîne des lésions proches de la spondylose. Cependant, l’ossification atteint en général au moins trois vertèbres contiguës, la largeur de l’espace intervertébral n’est pas modifiée, la présence d’ostéophytes autour des processus articulaires est notée. Une pseudo-arthrose entre les processus épineux et des enthésophytes dans les tissus mous adjacents sont visibles. Cette affection est retrouvée chez les jeunes chiens et chats. Elle est d’origine idiopathique (Diffuse idiopathic skeletal hyperostosis ou DISH).

→ L’arthrose vertébrale est une lésion ostéoproliférative des processus articulaires, d’aspect irrégulier dorsalement au canal vertébral.

→ La hernie discale peut être mise en évidence par plusieurs images non caractéristiques le plus souvent associées. Un rétrécissement de l’espace intervertébral est fréquent. La taille des foramens intervertébraux peut être réduite et leur forme modifiée en cas de hernie discale, en raison du déplacement des vertèbres adjacentes. Enfin, il peut exister une augmentation de l’opacité des foramens intervertébraux, en raison de la présence de matériel discal plus ou moins minéralisé et de graisse inflammée (photo 3). Une calcification du disque intervertébral et des lésions de spondylose ne sont pas spécifiques de hernie. En revanche, une hernie discale est plus facilement identifiée si le matériel discal déplacé est calcifié. Le degré de compression médullaire associé à la hernie discale est évalué par myélographie. Cette dernière permet, en outre, de localiser avec précision la lésion et de la latéraliser avant une chirurgie décompressive.

Inflammation

La spondylodiscite se caractérise par des lésions centrées sur l’espace intervertébral, symétriques et entraînant une irrégularité des plateaux vertébraux. La lyse et la prolifération osseuse sont souvent sévères. Une diminution de la taille de l’espace intervertébral est également observée (photo 4). Cette affection est souvent d’origine hématogène bactérienne.

→ La spondylite/ostéomyélite vertébrale se caractérise par des réactions périostées du corps vertébral et non des plateaux vertébraux, souvent associées à des lésions lytiques. Cette affection peut évoluer vers une ostéomyélite vertébrale. Il s’agit d’une lésion inflammatoire de la vertèbre. Elle est généralement d’origine infectieuse : iatrogène, liée à une blessure, à un corps étranger comme un épillet, ou d’origine hématogène, plus rarement d’origine fongique ou parasitaire (Spirocercus lupi).

Néoplasie

→ Les affections bénignes, rares, incluent notamment l’ostéochondromatose du jeune chien. Elles se caractérisent par des exostoses cartilagineuses souvent volumineuses présentes sur les processus épineux, avec des contours nets, souvent arrondis et qui se détachent de la surface de l’os.

→ Les tumeurs primitives se distinguent par une lyse souvent importante, générale, plus souvent d’un seul segment osseux, fréquemment associée à une prolifération osseuse irrégulière, asymétrique et hétérogène (photo 5). Il s’agit principalement des ostéosarcomes, devant les chondrosarcomes, les lymphomes et les plasmocytomes. Pour ces deux derniers types de tumeurs, des lésions préférentiellement lytiques “à l’emporte-pièce” sont observées.

→ Les métastases s’accompagnent généralement d’une atteinte de plusieurs os (lésions polyostotiques) souvent ventrale et fortement proliférative, associant plus ou moins des lésions lytiques. Il s’agit souvent d’adénocarcinomes ou d’hémangiosarcomes.

Lésions traumatiques

→ La diminution du nombre des vertèbres caudales peut être rencontrée à la suite d’un traumatisme ou d’une intervention chirurgicale.

→ Les fractures vertébrales se caractérisent par un trait de fracture radiotransparent et parfois la présence d’esquilles. Il peut exister des modifications majeures de la forme ou de la taille des vertèbres (compression, fractures comminutives) ou de l’espace intervertébral.

→ Les subluxations ou luxations provoquent une modification de l’alignement vertébral ainsi qu’une diminution de l’espace intervertébral et plus ou moins du canal vertébral, associées à une compression médullaire.

Instabilités vertébrales

→ L’instabilité atlanto-axiale est mise en évidence par une agénésie ou hypoplasie de la dent de l’axis, une ouverture anormale de l’espace dorsal atlanto-axial (en particulier en flexion), un déplacement dorsal de l’axis et un rétrécissement du canal vertébral (photos 6a, 6b et 6c). Cette affection se retrouve chez les jeunes chiens de races naines. Elle est liée à une malformation de la dent de l’axis ou à une anomalie des ligaments qui stabilisent cette articulation. Une radiographie de profil du rachis en flexion (très prudente) permet de visualiser cette subluxation (espace atlanto-axial supérieur à 5 mm). La myélographie est, dans ce cas, formellement contre-indiquée car la flexion du rachis cervical peut alors entraîner la mort de l’animal.

→ La spondylopathie cervicale caudale (syndrome de Wobbler) est un défaut d’alignement de C4-C5, C5-C6 ou C6-C7. Elle est due à une déformation des processus articulaires et une malformation du corps des vertèbres cervicales caudales. Elle est fréquente chez les dobermans et les dogues allemands. Cette affection est associée à différentes lésions visibles à la radiographie  : malformations des processus articulaires, forme en soc de charrue du bord cranio-dorsal du corps vertébral, rétrécissement du canal vertébral, diminution de la taille de l’espace intervertébral. Elle est parfois associée à de l’arthrose. Une subluxation dorsale du corps vertébral peut être notée lors de clichés myélographiques sous contrainte (hyperflexion). La myélographie évalue en outre le degré de compression médullaire et permet de prévoir le traitement de stabilisation éventuel (photo 7).

→ L’instabilité lombo-sacrée est liée à un défaut d’alignement entre L7 et S1, visible sur des radiographies en position neutre ou forcée (hyperflexion), et est souvent associée à de la spondylose, quelquefois sévère. La myélographie est nécessaire pour évaluer le degré de compression médullaire mais un examen en coupe est indiqué si le cône dural est court et n’atteint pas la jonction lombo-sacrée.

Affections métaboliques

→ La spondylose ankylosante est caractérisée par des proliférations osseuses multiples au niveau du rachis cervical et sur le squelette appendiculaire. Elle se rencontre lors de l’hypervitaminose A du chat, en général liée à un régime trop riche en foie.

→ La mucopolysaccharidose entraîne, lors de la croissance, de multiples déformations des vertèbres  : irrégulières, raccourcies, déformées, fusionnées, avec des proliférations osseuses.

→ L’hyperparathyroïdie, l’hypercorticisme, l’hypothyroïdie congénitale sont repérables par une diminution diffuse de l’opacité osseuse avec une perte du contraste os-tissus mous et une diminution de l’épaisseur des corticales. Des anomalies de conformation vertébrales sont aussi fréquemment observées dans l’hypothyroïdie congénitale [1].

Conclusion

→ L’évaluation radiographique du rachis sans préparation nécessite des clichés de très bonne qualité et permet de diagnostiquer un grand nombre d’anomalies de cette région anatomique. Cependant, il est nécessaire, dans certains cas, d’avoir recours à la myélographie afin de préciser le site et le degré de compression médullaire qui ne peuvent être évalués sur des clichés sans préparation. Lors de complications, d’autres examens complémentaires sont utilisables comme l’imagerie en coupe, les biopsies ou les ponctions de liquide céphalo-rachidien.

Références

  • 1. Farrow CS. Veterinary diagnostic imaging. The dog and cat, 1st ed. Éd. Mosby, St. Louis. 2003 : 800p.
  • 2. Maï W. Guide pratique de radiographie canine et féline. Éd. Med’com. 2003: 350p.
  • 3. Thrall DE. Textbook of veterinary diagnostic radiology. 5th ed. Éd. Saunders Elsevier, St. Louis. 2007: 832p.
  • 4. Dennis R et coll. Handbook of small animal radiology and ultrasound. 2nd ed. Éd. Churchill Livingstone Elsevier. 2010: 380p.
  • 5. Smith BJ. Canine anatomy. Éd. Lippincott Williams & Wilkins. 1999: 619p.

Points forts

→ Des clichés de bonne qualité du rachis nécessitent une anesthésie générale.

→ Comme toujours, le recours à une démarche systématique d’analyse est indispensable pour obtenir le maximum d’informations sur cet examen radiographique.

→ Seules des lésions importantes peuvent être diagnostiquées sur des clichés sans préparation  : fractures, tumeurs vertébrales, hernie discale avec déplacement d’une quantité importante de matériel discal calcifié.

→ La myélographie s’impose pour préciser le degré de compression médullaire, surtout lors d’une instabilité vertébrale.

→ L’instabilité atlanto-axiale constitue une exception stricte à la myélographie, car le risque d’arrêt respiratoire est important lors de la manipulation du rachis.

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