Leptospirose et hémorragies pulmonaires chez le chien - Le Point Vétérinaire expert canin n° 314 du 01/04/2011
Le Point Vétérinaire expert canin n° 314 du 01/04/2011

INFECTIOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Mathieu Faucher

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

La leptospirose est une affection bactérienne pouvant concerner de nombreux hôtes dont le chien et l’homme. Son expression clinique est relativement polymorphe, l’insuffisance rénale étant le syndrome clinique le plus fréquemment rencontré. Des symptômes respiratoires causés par des hémorragies pulmonaires sont susceptibles de survenir chez les individus atteints.

LES HÉMORRAGIES PULMONAIRES SONT-ELLES FRÉQUENTES LORS DE LEPTOSPIROSE ?

En médecine humaine, les patients atteints de leptospirose présentent des symptômes respiratoires dans 20 à 70 % des cas [4]. Dans certaines régions, les hémorragies pulmonaires constituent une cause majeure de décès parmi les malades souffrant de leptospirose [13]. Les signes cliniques les plus fréquemment rapportés sont une douleur thoracique, une toux, de la dyspnée avec une hémoptysie et parfois un syndrome de détresse respiratoire aiguë imposant le recours à la ventilation mécanique [4, 13].

Lors de leptospirose chez le chien, les anomalies pulmonaires sont observées de manière inconstante. Jusqu’à présent occasionnellement rapportées dans la littérature, des études européennes (allemande et suisse) font état d’une prévalence plus élevée [2, 3, 5, 8, 10]. La plupart d’entre elles étant rétrospectives, la prévalence des hémorragies pulmonaires a peut-être été sous-estimée car des radiographies n’étaient pas disponibles pour tous les individus. À l’inverse, lorsque les radiographies sont prises en cours de traitement, la surcharge en fluides, le décubitus ou des phénomènes infectieux peuvent produire des modifications radiographiques pulmonaires similaires conduisant à une surestimation de l’incidence de ces hémorragies. Un essai suisse a recherché de manière prospective les manifestations pulmonaires de la leptospirose et rapporte une prévalence de 81 % [10].

Dans cette étude, la prévalence des anomalies pulmonaires radiographiques est de 70 %. La nécessité pour tous les animaux d’avoir subi au moins une radiographie thoracique de profil à l’admission pour être inclus limite les risques de sous- ou de surestimation de cette prévalence. Les signes cliniques rapportés sont une dyspnée (62 % des cas) et, plus rarement, une hémoptysie (14 % des cas). Le taux de mortalité des chiens du groupe 1 est de 43 %. Ces résultats sont similaires à ceux d’une étude récente dans laquelle 85 % des chiens présentent des signes respiratoires à l’admission ou en cours de traitement, avec un taux de mortalité de 44 % [10].

LES HÉMORRAGIES PULMONAIRES SONT-ELLES ASSOCIÉES À DES SÉROVARS EN PARTICULIER ?

Dans cette étude, il n’existe pas de corrélation entre les sérovars à titres en anticorps les plus élevés et la présence ou l’absence d’hémorragies pulmonaires. Cependant, la sérologie par MAT (test d’agglutination microscopique) prédit mal le sérovar responsable de la maladie [9]. Chez l’homme, dans un essai portant sur 105 patients pour lesquels la leptospirose est confirmée par une culture bactériologique, le sérogroupe dominant déterminé par le MAT prédit le sérovar à l’origine de l’infection dans 46,4 % des cas seulement [9]. De plus, dans ce travail, le panel des sérovars testés correspond à ceux qui sont représentés localement. La spécificité du test diminue encore lorsque ce panel n’est pas adapté aux sérovars rencontrés localement [11]. Cette difficulté s’explique par des réactivités croisées qui existent au sein d’un sérogroupe ou entre sérogroupes. Des réactions paradoxales sont également rapportées chez l’homme : la réponse immunitaire initiale est dirigée d’emblée contre un sérogroupe ou un sérovar hétérologue [9]. Les résultats sérologiques ne permettent donc pas de tirer de conclusion sur le sérovar infectant.

Deux études expérimentales récentes ont mis en évidence des lésions pulmonaires hémorragiques lors d’infection par deux souches du sérovar grippotyphosa et par une souche du sérovar pomona, sans toutefois être associées à des symptômes respiratoires [6, 7].

COMMENT LES HÉMORRAGIES PULMONAIRES SE DÉVELOPPENT-ELLES ?

Les mécanismes physiopathogéniques des hémorragies pulmonaires sont encore mal connus chez l’homme et les données chez le chien sont rares.

Une première hypothèse est celle d’une coagulopathie. Dans cette étude, une thrombopénie est plus fréquemment rencontrée chez les chiens du groupe 1 que chez ceux du groupe 2. Les temps de coagulation ne sont pas mesurés chez tous les individus, mais une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) n’est suspectée que chez 18 % d’entre eux. Les données de la littérature en médecine humaine sont contradictoires. Cependant, la thrombopénie observée lors de leptospirose n’est actuellement pas attribuée au développement d’une CIVD [4]. Les autres causes possibles de thrombopénie sont une destruction à médiation immune, une séquestration splénique et une adhésion des plaquettes à l’endothélium vasculaire [4].

Deux autres hypothèses sont actuellement étudiées en médecine humaine. Des dommages vasculaires peuvent, tout d’abord, être causés par l’action de toxines. Celles-ci peuvent être transportées dans les capillaires pulmonaires par les leptospires ou bien produites à distance et circuler jusqu’aux poumons. Des mécanismes immuns peuvent aussi expliquer les lésions vasculaires, comme le suggère un essai qui constate une corrélation entre le titre en IgG des patients et la sévérité des lésions pulmonaires [1]. Une étude récente montre que le taux de survie des individus présentant des hémorragies pulmonaires lors de leptospirose est augmenté lorsqu’un traitement qui associe la plasmaphérèse et le cyclophosphamide est utilisé (61,4 % contre 16,6 % chez les contrôles) [12].

Conclusion

Cette étude montre que la leptospirose est associée à une forte prévalence des hémorragies pulmonaires dans la région de Berlin. Ces dernières sont à l’origine d’un fort taux de mortalité et doivent être recherchées de manière prospective chez les animaux concernés. Leur mécanisme d’apparition est mal connu, mais pourrait faire intervenir une coagulopathie ou des lésions vasculaires d’origine toxique ou immunitaire.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

Décrire la prévalence et les caractéristiques cliniques et radiographiques des manifestations pulmonaires de la leptospirose chez le chien.

MÉTHODE

Cette étude rétrospective inclut des chiens pour lesquels un diagnostic de leptospirose est retenu et au moins une radiographie thoracique de profil au moment de l’admission est disponible. Le diagnostic doit être obtenu par sérologie (titre élevé ou cinétique d’anticorps), polymerase chain reaction (PCR) ou mise en évidence de leptospires sur du tissu rénal.

Les signes respiratoires sont qualifiés de modérés ou de sévères.

Les modifications radiographiques sont caractérisées par une densification interstitielle diffuse caudale (grade I) et une densification réticulo-nodulaire généralisée modérée (grade II) ou sévère avec comblement alvéolaire (grade III).

Les animaux sont séparés en deux groupes, avec (groupe 1) ou sans (groupe 2) signes cliniques et/ou radiographiques pulmonaires.

RÉSULTATS

• Cinquante chiens sont inclus. Les sérovars les plus fréquemment rencontrés sont les suivants : bratislava, grippotyphosa, pomona. Il n’existe pas de différence significative dans la distribution des sérovars entre les deux groupes.

• Trente et un chiens (62 %) présentent des signes respiratoires (modérés : 13 ; sévères : 18).

• Trente-cinq chiens (70 %) présentent des anomalies pulmonaires radiographiques (grade I : 5 ; grade II : 14 ; grade III : 16).

• Une thrombopénie est plus fréquemment rencontrée chez les chiens du groupe 1 (83 %) que chez ceux du groupe 2 (53 %).

• À l’admission, le temps de Quick est augmenté chez 9 des 39 animaux testés et le temps de céphaline activé chez 19 des 38 individus testés. Chez 7 chiens (5 dans le groupe 1 et 2 dans le groupe 2), une coagulation intravasculaire disséminée est suspectée.

• Le taux de mortalité est de 43 % dans le groupe 1 et de 20 % dans le groupe 2 (différence non significative).

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