ÉTAPE 5 Sémiologie en radiographie osseuse - Le Point Vétérinaire n° 313 du 01/03/2011
Le Point Vétérinaire n° 313 du 01/03/2011

En 10 Étapes

Auteur(s) : Sylvain Manville*, Marion Fusellier**

Fonctions :
*Service d’imagerie médicale
CHUV Oniris
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706
44307 Nantes Cedex 3
marion.fusellier@oniris-nantes.fr

En radiographie osseuse, il convient de prendre en compte de manière systématique les éléments sémiologiques afin d’établir un diagnostic précis de l’affection.

Établir un diagnostic de fracture par la radiographie est aisé. Cependant, la lecture de clichés radiographiques de segments osseux peut, en d’autres circonstances, se révéler délicate. Il ne s’agit pas d’étudier la taille, la forme, la position, la densité d’un organe par rapport à d’autres, comme dans la radiographie thoracique ou abdominale, mais de juger de l’intégrité d’un os dans son ensemble sans un autre élément comparatif.

Dans un premier temps, il convient d’obtenir des clichés radiographiques de bonne qualité.

Le choix des constantes radiographiques à programmer s’effectue à partir d’un tableau adapté à l’appareil radiographique utilisé et selon l’épaisseur du segment osseux à évaluer. Une tension faible (inférieure à 70 kV) et un temps d’exposition relativement élevé sont utilisés, sans craindre le flou cinétique en raison de l’immobilité du segment osseux (anesthésie générale au besoin).

Deux incidences orthogonales face et profil doivent être réalisées a minima pour permettre la localisation précise des lésions par reconstruction mentale tridimensionnelle. Des vues obliques sont intéressantes dans le cas du carpe, du tarse et des phalanges pour une meilleure discrimination de ces éléments se superposant. Le cliché radiographique doit comprendre l’intégralité de l’os, en incluant les articulations proximale et distale. Lors de la prise du cliché, l’os est placé le plus près possible de la cassette pour limiter au minimum l’agrandissement et le flou géométriques. Il doit également être parallèle à la cassette pour prévenir les déformations géométriques de son image.

En cas de doute à la lecture, des radiographies du membre controlatéral sont parfois très utiles pour une base de comparaison.

Une fois ces clichés de bonne qualité obtenus, une démarche rigoureuse est nécessaire pour les interpréter.

L’objectif est de raisonner en répondant à quatre questions :

– quelles sont les modifications d’opacité des structures osseuses ?

– quelle est la disposition (localisation et distribution) de l’atteinte osseuse, s’il en existe une ?

– quels sont la taille et l’aspect de la zone de transition ?

– les tissus mous sont-ils atteints ?

Cette technique d’analyse pragmatique permet de décrire précisément les lésions osseuses et d’en effectuer, à la cinquième étape, la synthèse pour en évaluer l’agressivité, sinon la nature.

MODIFICATIONS D’OPACITÉ OSSEUSE

L’opacité traduit la minéralisation de l’os, sa charge calcique.

La première étape est de déterminer s’il existe une modification de l’opacité osseuse et, si oui, de quel type.

Il existe deux types de variations de l’opacité osseuse :

– l’augmentation due à une surproduction, l’ostéoprolifération ;

– la diminution pouvant avoir pour origines deux phénomènes différents (une baisse de production, l’ostéopénie, ou une destruction, l’ostéolyse).

L’ostéoprolifération peut prendre deux aspects selon que sa localisation est interne ou externe à l’os. Lors d’ostéoprolifération endostée ou intramédullaire, elle apparaît comme une augmentation de la densité osseuse interne et un épaississement des trabéculations et des corticales, correspondant à une ostéocondensation ou à une sclérose osseuse (photo 1).

Dans le cas d’une réaction périostée, elle correspond à la présence de tissu minéralisé néoformé sur le pourtour du fût osseux, qui provient de la corticale externe à la suite d’une stimulation du périoste, ce qui déforme les contours osseux. À l’état normal, le périoste est invisible.

La réaction périostée peut également présenter différents aspects. Lorsque ses contours sont bien délimités, et qu’elle est régulière, homogène, sans aspérité, il s’agit d’une réaction périostée lisse. Quand les contours sont bien délimités, mais grossièrement irréguliers, la réaction périostée est dite irrégulière. Enfin, en cas d’aspect crénelé de palissade, elle est dite “palissadique”. Une ostéoprolifération périostée très irrégulière, rayonnante, formant des pics, aux limites mal définies, est dite spiculée, “en feu de broussaille”.

L’ostéopénie se remarque par la baisse de densité diffuse et étendue du segment osseux, visible par l’augmentation de la radiotransparence de la trame médullaire et la diminution de l’épaisseur des corticales. Si elle ne concerne qu’un seul membre, elle est généralement la conséquence d’un défaut d’utilisation de celui-ci (boiterie avec suppression d’appui). Quand elle touche plusieurs membres, elle est souvent consécutive à une maladie systémique (cas de l’ostéofibrose secondaire à l’hyperparathyroïdie).

L’ostéolyse est également une radiotransparence anormale de la structure osseuse, mais elle est localisée en plages plus ou moins bien définies, avec généralement une perte de visualisation des trabéculations et parfois une atteinte des corticales.

Trois formes d’ostéolyse sont décrites. L’ostéolyse “en carte de géographie” correspond à des lésions uniques ou peu nombreuses, larges et étendues, bien délimitées. Face à des zones de lyse multiples, plus ou moins étendues et confluentes, il s’agit d’ostéolyse “à l’emporte-pièce”. L’ostéolyse “ponctuée” apparaît comme de nombreuses lésions lytiques punctiformes.

Une source fréquente d’erreurs d’interprétation est la présence des cartilages de croissance apparaissant comme des lignes radiotransparentes localisées aux métaphyses. Il est nécessaire d’en connaître l’existence et la localisation, et de réaliser un cliché du membre controlatéral pour ne pas aboutir à de fausses interprétations.

Les deux phénomènes de prolifération et de lyse osseuses peuvent être présents conjointement. Il s’agit alors d’une lésion mixte.

LOCALISATION ET DISTRIBUTION

Après avoir caractérisé la modification osseuse, il convient d’en préciser la localisation : quel os et quelle région de l’os ?

Les os longs sont constitués de trois parties : l’épiphyse aux extrémités, la diaphyse correspondant au fût osseux et la métaphyse pour la zone intermédiaire. Préciser la zone atteinte permet d’orienter le diagnostic, sans toutefois l’obtenir.

Par exemple sont atteints l’os sous-chondral épiphysaire lors d’ostéochondrose, la diaphyse lors de panostéite, l’épiphyse lors de nécrose aseptique de la tête fémorale, la métaphyse lors d’ostéodystrophie hypertrophique ou d’ostéosarcome. La distribution doit de la même manière être prise en compte. L’atteinte concerne-t-elle un ou plusieurs os, une ou plusieurs parties d’un même segment osseux ?

Des lésions circonscrites à une partie d’un os, dites focales, sont observées, par exemple, lors de tumeur primitive, de fracture, d’infection, de kyste, d’ostéochondrose, etc.

S’il existe des anomalies touchant plusieurs parties d’un ou de plusieurs os, elles sont multifocales, en faveur d’une infection d’origine hématogène, de métastases ou d’un myélome multiple.

Des lésions diffuses, disséminées sur l’ensemble du squelette, orientent vers un mécanisme systémique comme l’ostéofibrose, l’ostéodystrophie hypertrophique ou l’ostéopathie hypertrophiante pneumique.

ZONE DE TRANSITION

La zone de transition est la distance qui sépare la lésion de l’os sain. Elle permet d’évaluer le degré d’extension, d’infiltration de l’anomalie osseuse. Il est rarement possible de la mesurer précisément en raison des limites mal définies de certaines lésions. Il convient alors de l’apprécier de manière qualitative plus que quantitative. Si elle est courte (passage brusque bien délimité entre la lésion et l’os sain), il s’agit d’une anomalie peu extensive. Si le passage est progressif, la zone de transition longue et irrégulière, un envahissement par une lésion agressive est à suspecter.

ATTEINTE DES TISSUS MOUS

Les tissus mous situés autour des segments osseux sont à étudier. Ce sont essentiellement des structures musculaires et ligamentaires. Une augmentation de volume et d’opacité de ces structures peut apparaître. Elle correspond à une tuméfaction des tissus mous d’origine variée : œdème, inflammation, phlegmon, abcès. Une diminution de volume et d’opacité est rencontrée lors d’amyotrophie.

Il est également nécessaire de rechercher une minéralisation dystrophique des tissus mous, révélant la présence de lésions inflammatoires chroniques (tendinite par exemple) ou nécrosantes (abcès, hématome, tumeur extra-osseuse), ou l’extension d’une tumeur d’origine osseuse (ostéosarcome, chondrosarcome).

SYNTHÈSE DESCRIPTIVE

Une fois la description des modifications de l’os réalisée, une synthèse des caractéristiques de l’opacité osseuse est requise, ainsi que celle des différentes étapes que nous avons décrites : type, localisation et distribution, aspect de la zone de transition et de l’atteinte des tissus mous, afin de déterminer la nature de la lésion ou tout du moins son agressivité.

Une ostéoprolifération lisse, bien délimitée, localisée à un site, est en faveur d’un phénomène bénin : cal fracturaire ou périostite traumatique lorsqu’elle est externe, panostéite lorsqu’elle est interne avec, dans ce cas, plusieurs sites concomitants possibles.

Si la radiographie révèle une ostéoprolifération périostée importante, touchant l’ensemble des diaphyses des os longs, d’aspect palissadique caractéristique et associée à une tuméfaction des membres, il convient de suspecter une ostéopathie hypertrophique pneumique, ou syndrome de Cadiot-Ball, entité paranéoplasique le plus souvent secondaire à des tumeurs pulmonaires (photo 2).

Si la réaction est hétérogène, irrégulière, désorganisée, mal délimitée, elle est en général associée à des lésions plus malignes : tumeur ou infection, ainsi qu’à une zone de transition longue, une tuméfaction des tissus mous et de l’ostéolyse. De la même sorte, les lésions mixtes sont le plus souvent dues à des phénomènes agressifs, sans pour autant pouvoir en déterminer la nature infectieuse ou tumorale (photo 3).

Les lésions d’ostéolyse “en carte de géographie” correspondent à un phénomène peu agressif : kyste, abcès, tumeur bénigne.

Face à des zones d’ostéolyse “à l’emporte-pièce”, le diagnostic penche vers une tumeur agressive, une ostéomyélite aiguë ou un myélome multiple si les lésions sont multifocales. L’ostéolyse “ponctuée” est en faveur d’un phénomène très agressif d’origine indéterminée, tumorale ou infectieuse.

Il est ainsi possible de graduer la malignité d’une lésion osseuse en fonction de son homogénéité et d’orienter le diagnostic (figure).

Conclusion

L’analyse d’une radiographie en effectuant la synthèse des anomalies d’opacité, de leur localisation et de leur extension apporte de nombreux indices pour orienter le diagnostic : phénomène localisé ou généralisé, a priori bénin ou agressif, etc.

Cependant, face à certaines lésions mixtes, la différence entre une ostéomyélite, une tumeur et même une arthrose sévère passe obligatoirement par la biopsie osseuse qui est réalisée au centre et en périphérie de la lésion visible à la radiographie.

Points forts

→ L’estimation de l’agressivité d’une lésion osseuse tient compte de sa rapidité d’évolution, des caractéristiques de la lyse et de l’ostéoprolifération, de la longueur de la zone de transition.

→ L’aspect de la réaction périostée est d’intérêt majeur dans le diagnostic différentiel des affections osseuses : le plus souvent lisse, voire inexistante lors d’affection bénigne, elle peut devenir exubérante lors de lésion agressive. Les réactions palissadiques évoquent par ailleurs un syndrome de Cadiot-Ball.

→ Chez le jeune animal, les cartilages de croissance peuvent être confondus avec des fractures. Il convient donc d’en connaître la localisation.

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