Dosage de la lactatemie lors d’anémie hémolytique à médiation immune chez le chien

Lors d’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI), les hématies sont détruites par l’action d’anticorps antiérythrocytes. Cette affection comporte toujours un pronostic réservé, le taux de mortalité variant de 29 à 70 % selon les études [⁷]. Dans ce contexte, la connaissance de facteurs pronostiques peut permettre de mieux orienter les propriétaires. Plusieurs études rétrospectives ont identifié comme facteurs de mauvais pronostic l’hypoalbuminémie, la thrombocytopénie, la bilirubinémie, la leucocytose, le degré d’anémie [¹, ⁷, ⁹].

PHYSIOPATHOGÉNIE DE L’ACIDOSE LACTIQUE

En aérobiose, le pyruvate formé lors de la glycolyse est principalement utilisé pour produire de l’énergie via le cycle de Krebs. Une petite partie est convertie en lactate par la lactate déshydrogénase. En anaérobiose, le pyruvate est majoritairement converti en lactate. Lors d’hyper-lactatémie physiologique (un exercice bref et intense par exemple), le lactate produit est rapidement métabolisé par le foie et les reins. En conditions pathologiques, l’hyper-lactatémie peut résulter d’un excès de production par des tissus en hypoxie prolongée (hyperlactatémie de type A) ou, en conditions d’aérobie, d’un défaut dans le métabolisme du lactate (hyperlactatémie de type B) si bien que la production excède les capacités d’élimination de l’organisme [⁶].

L’acidose rencontrée lors d’anémie est causée par une hyperlactatémie de type A [⁶]. La lactatémie est ici inversement corrélée à l’hématocrite à l’admission. Elle reflète donc bien l’état hypoxique secondaire à l’anémie, contrairement à la fréquence cardiaque qui n’est pas corrélée à l’hématocrite dans cette étude.

VALEUR PRONOSTIQUE DE LA LACTATÉMIE À L’ADMISSION

En médecine humaine, la lactatémie à l’admission a été associée au pronostic vital dans plusieurs études portant, par exemple, sur des patients qui subissent une réanimation cardiorespiratoire, une chirurgie cardiaque ou vasculaire majeure [⁶]. Cependant, cette association est retrouvée de manière inconstante et l’interprétation de la lactatémie conjointement avec les paramètres hémodynamiques et acido-basiques paraît mieux prédire la survie dans d’autres essais [⁶].

Chez le chien, la lactatémie à l’admission a été associée au pronostic vital en cas de syndrome dilatation-torsion de l’estomac (SDTE). Le taux de survie est de 99 % lorsqu’elle est inférieure à 6 mmol/l et de 58 % lorsqu’elle est supérieure à ce seuil [³]. Dans une étude plus récente, il est de 90 % lorsqu’elle est inférieure à 9 mmol/l et de 54 % lorsqu’elle est supérieure à ce seuil [¹⁰].

En cas de babésiose sévère et/ou compliquée, les chiens présentant une lactatémie à l’admission supérieure à 5 mmol/l ont un risque 7,8 fois plus élevé de mort comparé à ceux avec une lactatémie inférieure ou égale à 2,5 mmol/l [⁵].

Dans la présente étude, les chiens ne survivant pas ont une lactatémie à l’admission significativement plus élevée que les autres. Cependant, la meilleure valeur seuil (4,4 mmol/l) ne permet pas de prédire la mortalité avec une sensibilité et une spécificité suffisantes (60 % et 77 %, respectivement).

CINÉTIQUE DE DIMINUTION DE LA LACTATÉMIE

Les données en médecine humaine suggèrent que la diminution de la lactatémie lors du traitement est un meilleur outil pronostique que la lactatémie à l’admission [⁶]. En médecine vétérinaire, cette approche a été étudiée chez le chien “critique” (c’est-à-dire nécessitant l’administration de fluides par voie intraveineuse), atteint de babésiose ou de SDTE [⁵, ⁸, ¹⁰]. Dans les deux premiers cas, lorsque la lactatémie ne diminue pas de plus de 50 % après 6 à 8 heures de traitement, la mortalité est augmentée [⁵, ⁸]. Parmi les chiens présentés pour un SDTE et ayant une lactatémie à l’admission supérieure à 9 mmol/l, la survie est de 100 % lorsque la lactatémie diminue de plus de 42,5 % avant l’intervention chirurgicale, contre 15 % si elle baisse de 42,5 % ou moins [¹⁰].

Les résultats de cette étude montrent qu’un lactime court (inférieur ou égal à 6 heures) semble associé à un meilleur taux de survie. Cependant, l’influence des transfusions, la variabilité dans les moments de mesure de la lactatémie et l’hétérogénéité du groupe en ce qui concerne le traitement rendent ces résultats difficiles à interpréter.

LIMITES DE L’ÉTUDE

La nature rétrospective de cette étude engendre de grandes variations dans la tenue des dossiers médicaux et dans le nombre et les moments de mesure de la lactatémie.

La pratique d’une transfusion dans les 6 heures suivant l’admission est associée à une diminution plus importante de la lactatémie. Cela a pu avoir une influence sur les résultats, mais est aussi une information intéressante. En effet, les auteurs suggèrent que la lactatémie pourrait servir de guide à la pratique d’une tranfusion raisonnée jusqu’à une valeur cible inférieure à 2 mmol/l.

La non-uniformité du groupe en termes de traitements reçus constitue aussi une limitation de cette étude puisque plusieurs publications ont associé traitement et survie [², ⁴, ⁹].

Enfin, la grande proportion de chiens euthanasiés dans le groupe NS est également une limite importante.

Conclusion

Cette étude montre que la lactatémie à l’admission est associée à la survie, sans pour autant la prédire. Le suivi de sa valeur pourrait être un meilleur facteur pronostique et être utilisé afin de guider la thérapeutique transfusionnelle.

Références

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• 3. de Papp E, Drobatz KJ, Hughes D. Plasma lactate concentration as a predictor of gastric necrosis and survival among dogs with gastric dilatation-volvulus: 102 cases (1995-1998). J. Am. Vet. Med. Assoc.1999;215:49-52.
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