La thyroïdectomie lors d’hyperthyroïdie chez le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 310 du 01/11/2010
Le Point Vétérinaire expert canin n° 310 du 01/11/2010

ENDOCRINOLOGIE FÉLINE

Article de synthèse

Auteur(s) : Adrien-Maxence Hespel

Fonctions : University Veterinary Hospital
University College of Dublin
Dublin 4 Berfield, Irlande

La thyroïdectomie ne s’envisage qu’après avoir rétabli un statut euthyroïdien chez le chat à traiter.

Trois traitements sont possibles lors d’hyperthyroïdie chez le chat : médical, à l’iode radioactif et l’exérèse chirurgicale de la ou des thyroïdes. Cette dernière est envisagée lorsqu’un traitement définitif est possible et que celui à l’iode radioactif n’est pas disponible

BASES ANATOMIQUES

Les glandes thyroïdes sont parmi les plus grandes glandes endocrines chez les mammifères (figure). Constituées de deux lobes latéraux, elles sont situées dans la région cervicale de part et d’autre des anneaux trachéaux et sont de couleur rouge brunâtre. Chaque glande est enveloppée d’une capsule fibreuse dont la face interne détache des travées conjonctives, créant ainsi, au sein du parenchyme glandulaire, des lobules peu distincts. Chacune est adhérente à la trachée et recouverte par le fascia cervical [3].

Cependant, chez le chat, les deux glandes ne sont pas réunies par un isthme, comme chez le chien. Le tissu parathyroïdien est intimement associé au tissu thyroïdien et, en plus de sa localisation intraglandulaire, il se regroupe au sommet de chaque thyroïde pour former la glande parathyroïde. Cette dernière est blanche, de forme ovale et aplatie, et mesure environ 4 mm de diamètre.

L’apport sanguin de ces deux glandes est assuré par les artères carotides communes, qui délèguent chez le chat l’artère thyroïdienne craniale [3].

L’artère thyroïdienne caudale retrouvée chez le chien, émanant de l’artère brachycéphalique est, en effet, absente chez les félidés. Le drainage veineux est pour sa part effectué par deux veines situées à chaque pôle de la thyroïde.

ÉTAPE PRÉOPÉRATOIRE

La principale question préopératoire en cas de thyroïdectomie est de savoir si l’euthyroïdie peut être bien supportée par le chat (encadré). En effet, dans l’ensemble des perturbations métaboliques que présente un animal hyperthyroïdien, il convient de considérer l’augmentation du débit de filtration glomérulaire, et cela à cause de l’hypertension systémique que la thyrotoxicose induit. Cette hausse peut alors masquer une atteinte rénale sous-jacente. Il est alors essentiel de prescrire un traitement réversible (carbimazole, méthimazole) afin d’obtenir un état euthyroïdien avant l’intervention et de stabiliser l’animal(1). De plus, de forts taux d’hormones thyroïdiennes circulantes sont associés à des risques anesthésiques accrus. Dès lors, l’intérêt du traitement médical est double [2, 3]. Dans l’hypothèse où un chat sous traitement médical n’est pas euthyroïdien préalablement à l’intervention chirurgicale, il est probable qu’un trouble d’observance soit en cause et une hospitalisation est alors envisagée.

Un bilan sanguin et urinaire préanesthésique complet avec une mesure de la pression artérielle préopératoire est recommandé, en raison des modifications qu’entraîne la thyrotoxicose, de l’âge souvent avancé des animaux atteints et du risque de décompensation rénale. Le système cardiaque est le deuxième point essentiel à évaluer afin de minimiser les risques anesthésiques. En effet, il est reconnu que l’hyperthyroïdie peut entraîner une forme de cardiomyopathie dilatée [8].

1. Anesthésie

Afin de réduire le plus possible le stress, l’animal est hospitalisé et cathétérisé idéalement la veille de l’opération. Une fluidothérapie de maintenance à base de 2,5 ml/kg/h de cristalloïde isotonique de lactate de Ringer (perfusion de Hartmann’s) peut alors être démarrée. Le matin de l’intervention, l’animal reçoit un dernier traitement de méthimazole et il est ensuite prémédiqué avec une association de butorphanol (Dolorex®) et de diazépam (Valium®(2)) à la dose de 0,2 mg/kg chacun par voie intraveineuse. Différents protocoles anesthésiques peuvent être employés, aucune supériorité clinique n’ayant été démontrée pour l’un d’eux. Cependant, en raison des perturbations que le système cardiovasculaire subit, il est reconnu que l’usage de kétamine devrait être proscrit pour ses effets arythmogènes et que celui de l’atropine est réservé aux situations d’urgence.

L’induction peut se réaliser avec un agent injectable du type propofol (2 à 4 mg/kg par voie intraveineuse, Propoclear®), qui n’entraîne qu’une faible dépression cardiovasculaire, ou grâce à un agent volatil à action rapide comme le sévoflurane. Le chat est ensuite intubé et maintenu anesthésié à l’aide d’un agent volatil, tel que l’isoflurane.

Une fois le chat anesthésié, le débit de perfusion peut être augmenté jusqu’à 10 ml/kg/h de cristalloïde isotonique de lactate de Ringer (perfusion de Hartmann’s) afin de maintenir la pression sanguine et la perfusion rénale.

Afin d’assurer une anesthésie la plus stable et la plus sûre possible, l’utilisation d’un électrocardiogramme et d’un tensiomètre est recommandée. Associés, ces deux appareils permettent un suivi attentif du système cardiovasculaire et des perturbations qu’il peut subir (arythmies, chute de tension, etc.). L’anesthésiste doit aussi veiller à la normothermie du chat.

Le contrôle de la douleur est réalisé généralement à l’aide d’opioïdes (buprénorphine, morphine), les anti-inflammatoires non stéroïdiens étant à proscrire en raison du risque d’atteinte rénale.

2. Technique chirurgicale

Après avoir installé l’animal en décubitus dorsal avec la nuque surélevée, la zone chirurgicale est rasée et préparée aseptiquement (photos 1 et 2).

Les lobes thyroïdiens sont exposés grâce à une incision ventrale et médiale de la zone cervicale, s’étendant du larynx jusqu’au manubrium sternal (photo 3). Les thyroïdes seront visualisées à la suite d’une dissection mousse des tissus environnants (photos 4, 5 et 6). Puis les parathyroïdes sont identifiées afin de les préserver. Les vaisseaux sanguins sont cautérisés ou ligaturés. Le pôle caudal des thyroïdes est disséqué progressivement grâce à l’utilisation de ciseaux à iris et de cotons-tiges humidifiés (photos 7 et 8). Une fois la majorité de la glande séparée du fascia cervical, seule une dissection mousse à l’aide de cotons-tiges est indiquée pour séparer les glandes thyroïdes et parathyroïdes tout en préservant l’intégrité capsulaire (photos 9, 10a et 10b). Une fois la séparation achevée, la thyroïde est alors retirée et la zone est inspectée afin de détecter d’éventuels tissus restants (photos 11, 12, 13 et 14).

ÉTAPE POSTOPÉRATOIRE

1. Gestion de la phase postopératoire

En phase postopératoire, le chat est laissé sous fluidothérapie en réduisant le volume à 2 à 4 ml/kg/h pendant 12 à 24 heures, toujours pour soutenir la fonction rénale. Et, comme pour toute convalescence postopératoire, il convient de prévenir tout risque d’hypothermie jusqu’au réveil complet de l’animal et son retour à la normothermie (photo 15).

2. Complications

En raison du partage de la vascularisation et de la proximité anatomique avec les glandes thyroïdes, les glandes parathyroïdes externes risquent d’être lésées lors de ce type d’intervention. La complication la plus sérieuse de la thyroïdectomie bilatérale est l’hypocalcémie postopératoire.

En effet, malgré la présence de tissu parathyroïdien ectopique chez 35 à 50 % des chats (fascia péritrachéal, médiastin, péricarde), ce tissu à lui seul ne peut réguler la calcémie [4, 12]. Il est dès lors essentiel de préserver au moins une des deux glandes parathyroïdes tant dans sa structure que dans sa vascularisation.

La revascularisation d’une glande nécessite au moins 14 jours, avant de retrouver un apport sanguin correct qui, de plus, n’a pas toujours lieu. Il est alors conseillé, en cas d’altération évidente, d’effectuer une autotransplantation de la glande parathyroïde. Cette procédure consiste à placer des morceaux de la glande d’un diamètre inférieur à 3 mm au sein de tissus musculaires avoisinants disséqués dans le sens des fibres [3, 8]. Les muscles permettent alors un nouvel apport sanguin et le diamètre réduit des fragments évite une nécrose glandulaire centrale.

La normocalcémie se définit, chez le chat, comme une concentration en calcium comprise entre 8,8 et 10,4 mg/dl. De signes d’hypocalcémie apparaissent chez le chat au-dessous de 6,5 mg/dl. Celle-ci se manifeste, en général, dans les 5 jours postopératoires, et se caractérise par une anxiété, une inappétence, des arythmies et un prurit facial. Elle peut évoluer jusqu’à la tétanie [9].

Si la calcémie reste dans les normes dans les 24 heures postopératoires, le risque qu’une hypocalcémie se développe est très faible [3]. À l’opposé, si l’hypocalcémie dure plus de 2 semaines, les chances de récupération sont faibles [3].

En moyenne, une hypocalcémie est rapportée chez 5,8 % des animaux opérés bilatéralement [7]. Une administration de calcium est alors requise, en attendant une éventuelle récupération fonctionnelle (tableau). Plus l’hypocalcémie est importante, plus le recours à la voie intraveineuse l’est aussi. Cependant, un contrôle ECG (électrocardiogramme) doit être mis en place pour déceler d’éventuelles arythmies ou bradycardies.

Il convient de diminuer, voire d’arrêter la médicalisation en pratiquant en parallèle des contrôles de calcémie sérique pour évaluer le retour de l’activité parathyroïdienne et la nécessité ou non d’une complémentation pour l’animal.

Autres complications

La deuxième complication de la thyroïdectomie est la récidive de l’hyperthyroïdie, due à l’hypertrophie du tissu adénomateux rémanent, laissé en place ou transplanté involontairement en même temps qu’un fragment de parathyroïde. La rechute peut survenir jusqu’à 3 ans après l’opération et peut atteindre 36 % des cas [9].

Le dernier risque spécifique, quoique plus rare, est une lésion du nerf laryngé récurrent, innervant de manière motrice les muscles du larynx. Ce nerf joue un rôle majeur dans la mobilité des cartilages lors de la respiration. Même si un traumatisme unilatéral n’entraîne pas d’altération respiratoire et est parfois temporaire, en cas de lésions bilatérales et de signes cliniques évocateurs, une latéralisation d’un des aryténoïdes est nécessaire afin de prévenir les troubles respiratoires.

Conclusion

La thyroïdectomie est une procédure chirurgicale accessible, curative pour la majorité des chats hyperthyroïdiens, et dont les complications peuvent être envisagées et maîtrisées. L’essentiel d’entre elles sont prévenues par une gestion adéquate des étapes pré- et postopératoires et leur fréquence d’apparition diminue avec l’expérience du chirurgien. Cette solution alternative ne doit cependant être réservée qu’à un nombre limité de chats : ceux pour qui un traitement définitif est possible et le protocole à l’iode radioactif indisponible. En effet, ce dernier reste le gold standard actuel, dans la mesure où il entraîne peu de complications, ses seules restrictions étant liées à l’utilisation de matériel radioactif.

REMERCIEMENTS

À Fergus Mac Ryan.

(1) Voir le tableau 4 de l’article “L’hyperthyroïdie féline : approche clinique et traitement médical” du même auteur, dans ce numéro.

(2) Médicament humain.

Références

  • 1. Birchard SJ. Thyroidectomy in the cat. Clin. Tech. Small Anim. Pract. 2006;21(1):29-33.
  • 2. Flanders JA. Surgical therapy of the thyroid. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1994;24(3):607-621.
  • 3. Flanders JA. Surgical options for the treatment of hyperthyroidism in the cat. J. Feline Med. Surg. 1999;1(3):127-134.
  • 4. Flanders JA, Neth S, Erb HN et coll. Functional analysis of ectopic parathyroid activity in cats. Am. J. Vet. Res. 1999;52(8):1336-1340.
  • 5. Kass PH, Peterson ME, Levy J et coll. Evaluation of environmental, nutritional, and host factors in cats with hyperthyroidism. J. Vet. Intern. Med. 1999;13(4):323-329.
  • 6. Mooney CT. Pathogenesis of feline hyperthyroidism. J. Feline Med. Surg. 2002;4(3):167-169.
  • 7. Naan EC, Kirpensteijn J, Kooistra HS et coll. Results of thyroidectomy in 101 cats with hyperthyroidism. Vet. Surg. 2006;35(3):287-293.
  • 8. Padgett Sheldon L, Tobias K, Leathers W, Wardrop Jane. Efficacy of parathyroid gland autotransplantation in maintaining serum calcium concentrations after bilateral thyroparathyroidectomy in cats. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1998;34:219-224.
  • 9. Radlinsky MG. Thyroid surgery in dogs and cats. Clin. Small Anim. 2007;37(4):789-798.
  • 10. Scarlett JM, Moise NS, Rayl J. Feline hyperthyroidism: a descriptive and case-control study. Prev. Vet. Med. 1988;(6):295-309.
  • 11. Trepanier L. Pharmacologic management of feline hyperthyroidism. Vet. Clin. Small Anim. 2007;37(4):775-788.
  • 12. Welches CD, Scavelli TD, Matthiesen DT et coll. Occurrence of problems after three techniques of bilateral thyroidectomy in cats. Vet. Surg. 1989;18(5):392-396.

ENCADRÉ Les trois étapes préopératoires d’une thyroïdectomie

→ Ramener le chat à un état euthyroïdien par l’action d’un traitement réversible (méthimazole).

→ Effectuer un bilan sanguin complet, afin de déceler toute maladie sous-jacente et notamment une insuffisance rénale jusqu’alors masquée.

→ Évaluer le système cardiaque en cas de doute (tachycardie, souffle, cardiomyopathie).

Points forts

→ Avant de réaliser une thyroïdectomie, il convient de ramener le chat à un statut euthyroïdien par un traitement médical, afin de le stabiliser.

→ La kétamine ne doit pas être utilisée lors de thyroïdectomie.

→ Les soins postopératoires et le nursing sont très importants après une thyroïdectomie.

→ Les principales complications de la thyroïdectomie sont l’hypocalcémie, une récidive de l’hyperthyroïdie et une lésion du nerf laryngé récurrent.

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