CHIRURGIE HÉPATO-BILIAIRE
Analyse d’articles
Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand
Fonctions : Clinique vétérinaire de la Plage
1, promenade Pompidou
13008 Marseille
Une mucocèle biliaire (MB) survient lorsque la vésicule biliaire se distend de façon anormale à la suite de l’accumulation excessive de mucus dans sa lumière [3]. Elle représente une cause majeure d’obstructions des voies biliaires extra-hépatiques (OVBEH), avec les pancréatites, les cholangio-hépatites (nouvellement dénommées “cholangites”), les maladies inflammatoires chroniques intestinales et les néoplasmes (pancréatiques, gastriques ou biliaires). Des auteurs ont récemment rapporté que plus de 50 % des OVBEH sont provoquées par des MB [1, 9].
La MB résulte d’un dysfonctionnement et d’une hypertrophie/hyperplasie des glandes à mucus de la muqueuse de la vésicule biliaire [1]. L’origine de cette hypertrophie/hyperplasie est inconnue et probablement multifactorielle. Chez 10 % des chiens, les MB sont dues au dépôt de mucus et de sels biliaires dans le col de la vésicule biliaire, ce qui entraîne une obstruction sur le trajet du canal cystique [1, 8]. Certains MB sont associées à une infection bactérienne de la bile [2]. Enfin, la surreprésentation des cockers spaniels et des shetlands dans plusieurs études semble indiquer une composante génétique [1, 2, 8].
Les deux chiens de cette étude présentent une hypercholestérolémie. Ces données sont en accord avec celles d’essais précédents dans lesquels 70 à 72 % des individus sont atteints d’une hypercholestérolémie et 14 % d’une hypothyroïdie [2]. Dans une autre série de cas, 23 % des chiens avec une MB présentent un hyperadrénocorticisme (7 % ayant reçu une corticothérapie à long terme), associé à une hypercholestérolémie [9]. Des études réalisées chez des chiens de prairie et chez l’homme démontrent une corrélation positive entre les taux de cholestérol sanguin et de mucine dans la bile [6]. Plus la cholestérolémie augmente, plus le taux de cholestérol dans la bile s’élève. Le cholestérol et la mucine se lient pour former des cristaux de cholestérol qui augmentent la viscosité de la bile, retardant la vidange de la vésicule biliaire. De plus, chez l’homme, le rat et le porc, la T4 produit un relâchement du sphincter d’Oddi. La perte de cet effet chez les animaux hypothyroïdiens contribue à retarder la vidange de la vésicule biliaire et à augmenter le risque de développer une MB [4, 5].
Malgré une résolution de la MB dans les deux cas présentés, le traitement de choix reste la chirurgie, principalement par cholécystectomie en raison du risque de rupture de la vésicule biliaire. Le site le plus fréquent de rupture est le fundus. Dans une étude, une nécrose murale microscopique est notée dans 71 % des cas alors que la paroi de la vésicule biliaire apparaît macroscopiquement normale. La gestion médicale des MB reste, à ce jour, relativement obscure et associée à des complications potentielles de péritonite biliaire. Le traitement médical repose sur l’utilisation d’antibiotiques (sur la base de cultures aérobie et anaérobie de la bile) et de cholérétiques, sous réserve qu’une OVBEH ait été préalablement écartée (bilirubinémie normale, absence de distension des voies biliaires extra-hépatiques à l’échographie abdominale). Le choix du traitement médical requiert donc une sélection préalable des candidats et un suivi rigoureux et régulier (biochimie sanguine et échographie abdominale toutes les 4 à 6 semaines).
Préalablement à la cholécystectomie, le chirurgien doit vérifier la perméabilité des voies biliaires. Lors de MB, la vésicule biliaire contient une bile épaisse et gélatineuse pouvant présenter des extensions “en doigts” dans les canaux hépatiques et cholédoque, à l’origine d’un degré variable d’OVBEH. La perméabilité des voies biliaires est obtenue idéalement en cathétérisant le canal cholédoque par voie rétrograde (depuis la papille duodénale majeure après une duodénotomie). De plus, ce cathétérisme permet un flushing du canal cholédoque pour déloger des agrégats biliaires obstructifs. La cholécystectomie peut être réalisée par laparotomie médiane ou par cœlioscopie en établissant quatre voies portales [7].
Cette série de deux cas est la première qui rapporte la résolution d’une MB par un traitement médical, suggérant que la chirurgie n’est peut-être pas à considérer de façon systématique. Cependant, la décision de traiter par des médicaments doit se prendre à partir de critères stricts (absence de signes biochimiques ou échographiques évoquant une OVBEH). En raison de l’association fréquemment mentionnée entre les différentes endocrinopathies (diabète sucré, syndrome de Cushing, hypothyroïdie) et les MB, une prise en charge de celles-ci doit s’inscrire dans le plan de traitement médical. Dans l’attente d’études portant sur un plus grand nombre de cas, une gestion chirurgicale des MB semble prudente et conseillée.
DESCRIPTION DES CAS
Une mucocèle biliaire (MB) est diagnostiquée chez 2 chiens. Pour chacun d’eux, une résolution médicale sans geste chirurgical est rapportée.
SIGNES CLINIQUES
Une femelle schnauzer nain âgée de 12 ans (chien 1) est présentée pour une anorexie, un amaigrissement, des vomissements et une diarrhée depuis 2 mois. L’analyse biochimique sanguine révèle une élévation des phosphatases alcalines (3 320 U/l) et des alanines aminotransférases (4 395 U/l). L’examen échographique abdominal démontre une MB. Une hypothyroïdie est également diagnostiquée. Le second chien (chien 2), un mâle croisé castré de 6 ans, est présenté pour une diarrhée chronique intermittente. Une hypercholestérolémie (10,55 mmol/l) et une éosinophilie (1,1 x 109 éosinophiles/l) sont mises en évidence, ainsi qu’une MB et une hypothyroïdie.
TRAITEMENT ET DEVENIR
Le premier chien est traité avec du s-adénosyl-méthionine, des acides gras oméga 3, de la famotidine, de l’ursodiol et de la lévothyroxine. Une régression significative des symptômes gastro-intestinaux et une résolution complète de la MB (sur la base d’une échographie abdominale) sont obtenues en 3 mois. Le second chien reçoit du fenbendazole, de l’ursodiol, de la lévothyroxine, et est nourri avec une alimentation hypoallergénique. L’examen échographique après 1 mois de traitement révèle une résolution complète de la MB (confirmée 1 et 3 mois plus tard par une échographie).
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