Première consultation d’un chiot : aspect comportemental - Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010
Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010

COMPORTEMENT DU CHIEN

Dossier

Auteur(s) : Nicolas Massal*, Édith Beaumont-Graff**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
344, boulevard de la paix 64000 Pau
**Clinique vétérinaire
145, route d’Avignon 30000 Nîmes

La consultation comportementale du chiot est fondée sur l’évaluation de quatre axes : attachement, anxiété, autocontrôles et agressivité. Elle mêle observation, manipulation du chiot et questionnement du propriétaire.

La consultation du chiot est un exercice délicat qui englobe médecine somatique, médecine préventive et dépistage des troubles comportementaux du développement [2].

Cet article est consacré à la partie comportementale préventive : repérer les troubles du développement, favoriser les apprentissages, aider à des relations harmonieuses entre le chien et la famille, prévenir les troubles de l’attachement et de la hiérarchie.

1 Les « 4 A »

Le développement du chiot est évalué selon quatre axes principaux : attachement, autocontrôles, anxiété, agressivité [d’après Claude Béata, communication personnelle].

Attachement

L’attachement est une fonction vitale. Sans attachement, un chiot ne peut grandir, explorer, développer des comportements affiliatifs, ni communiquer avec ses congénères [4].

L’attachement débute dès la naissance. Un lien individualisé et personnalisé avec la mère se met en place au moment de l’ouverture des yeux aux alentours du 15e jour (figure). Lors de l’adoption, le chiot recrée un lien d’attachement avec ses nouveaux maîtres, qui deviennent l’indispensable base de sécurité apaisante à partir de laquelle il peut explorer et réaliser de nouveaux apprentissages.

Le détachement est un processus actif initié par la mère, qui s’achève entre 4 et 8 mois. Le chiot devient autonome émotionnellement, dispose d’un registre de communication adulte et s’attache au groupe. Si ce détachement n’est pas pratiqué, il persiste dans ses conduites infantiles et développe un hyperattachement conduisant à l’apparition de troubles anxieux lors de séparations [5].

Anxiété

Les conditions de développement du chiot établissent son seuil d’homéostasie sensorielle. Il s’agit du niveau de stimulation qui déclenche des réactions de peur. Les expériences des trois premiers mois sont déterminantes. Un seuil élevé permet au chiot d’explorer les lieux inconnus, de découvrir des objets ou des personnes sans être paralysé par ses émotions.

Un développement dans un environnement pauvre (chenil en campagne, pièce isolée de la maison, cave, etc.) favorise l’émergence du syndrome de privation sensorielle [5]. Le chiot présente alors de nombreuses réactions de peur, tolère mal les situations nouvelles et éprouve beaucoup de difficultés à effectuer des apprentissages (notamment l’acquisition de la propreté).

Autocontrôles

Dès la fin de la quatrième semaine, les autocontrôles s’acquièrent durant les jeux sociaux au cours desquels la mère ou des adultes éducateurs régulent les comportements excessifs des chiots en leur imposant l’immobilité. Lors des jeux entre chiots, les cris de celui qui est mordu provoquent l’intervention de l’adulte. Celui-ci vient bloquer l’animal mordeur sur le dos et le maintient jusqu’à qu’il se calme.

La morsure inhibée est ainsi acquise à l’âge de 8 semaines et doit être entretenue. Si elle n’est pas apprise, le chien risque de développer un “syndrome hypersensibilité et hyperactivité” (HSHA), caractérisé par une hypersensibilité (HS) aux stimuli extérieurs et une hypertrophie du comportement moteur (HA : hyperactivité), sans signal d’arrêt (les comportements ne sont pas spontanément interrompus). Ces chiots sont excessivement réactifs et mordillent au point de faire mal [5].

Agressivité

Le chiot apprend les postures d’apaisement et de soumission lors des interactions avec des chiens adultes au cours de la période de socialisation. La hiérarchisation alimentaire est inculquée lors du sevrage. Le chiot apprend à s’approcher de la nourriture des adultes en exécutant un rituel d’apaisement, sous peine de se voir sanctionné durement.

L’absence d’apprentissage des codes sociaux se traduit par le syndrome de dyssocialisation, caractérisé par des conduites agressives non régulées et non contrôlées, à chaque fois que le chien se sent frustré ou contraint [5]. Le chiot dyssocialisé est incapable d’adopter une posture de soumission ou d’émettre des signaux d’apaisement, et ne les respecte pas chez ses congénères.

Chez le chien, la période de socialisation aux autres espèces se situe entre 3 et 12 semaines. Les contacts fréquents et agréables doivent être maintenus par la suite pour entretenir la qualité de la socialisation.

Le défaut de socialisation aux hommes ou son manque d’entretien conduisent à des attitudes d’évitement ou d’agressivité, accompagnées ou non de signes neurovégétatifs (tremblements, polypnée, salivation) qui sont des manifestations de phobie sociale [4].

2 Consultation (observations, questions, conseils)

Avec les quatre principes généraux en mémoire, le praticien aborde la consultation du chiot. Il observe et interroge, interagit avec l’animal, puis fournit les indications nécessaires ou demandées pour parfaire l’éducation du jeune.

Les observations et les conseils qui en découlent dépendent de l’âge du chiot (vérifié par l’examen de la dentition) (tableau).

Attachement

OBSERVATIONS

Un chiot attaché à son propriétaire a tendance à se réfugier spontanément vers lui lorsqu’il a peur (photo 1). La proximité de son maître l’apaise et il explore la pièce en revenant fréquemment vers lui. La disparition de ce dernier l’inquiète et il manifeste du plaisir à son retour.

QUESTIONS

Le chiot a-t-il vécu avec sa mère ? Si oui, jusqu’à quel âge ?

Comment réagit-il s’il est laissé seul ? Est-il plus proche d’une personne en particulier ?

CONSEILS

Un attachement de bonne qualité exige d’être présent et d’assurer au chiot un environnement apaisant et rassurant. Les premiers jours qui suivent l’adoption sont consacrés à cette mise en confiance indispensable avant tout apprentissage.

L’isolement du chiot la nuit n’est ni nécessaire ni souhaitable [1]. Les maîtres peuvent materner librement l’animal, tout en prévoyant de modifier leur attitude vers l’âge de 4 mois, période à laquelle le détachement doit être pratiqué.

L’apprentissage de la solitude se réalise par petites étapes, en organisant des absences dont la durée s’allonge progressivement. La prescription de phéromones d’apaisement (DAP®), sous forme de collier ou de diffuseur, facilite cette acquisition [2].

Anxiété

OBSERVATIONS

Le vétérinaire s’accroupit, appelle le chiot, l’invite au jeu. L’animal “normal” s’approche facilement, répond à ces incitations, explore l’environnement, se couche et peut même s’endormir (photo 2).

Les signes de crainte sont notés : tachycardie, tachypnée, tremblements, salivation, mictions émotionnelles, tentatives de fuite.

QUESTIONS

Dans quel environnement le chiot est-il né ? Quelles expériences a-t-il déjà faites ? A-t-il eu de nombreux contacts positifs avec des humains, des adultes ou des enfants, ou d’autres espèces ?

Dans quelles circonstances manifeste-t-il des réactions de crainte ? Où est-il destiné à vivre ? Avec qui ? À quel usage est-il destiné ?

CONSEILS

Si le chien semble anormalement craintif, il est recommandé aux maîtres de le placer fréquemment dans des situations nouvelles (sorties, rencontres, etc.) en alternant le connu et l’inconnu, et en veillant à l’exposer aux nouveaux stimuli de manière graduelle (encadré 1). Cet exercice n’est profitable que si un attachement de bonne qualité est préalablement mis en place. Les activités ludiques et l’imitation de chiens adultes à l’aise dans tous les environnements sont encouragées.

Le port d’un collier DAP®, qui facilite l’attachement du chiot, est indiqué. Le Zylkène® (alphaS1-casozépine) peut également être prescrit à la dose de 15 mg/kg/j en une prise, pendant 2 à 3 mois.

Autocontrôles

OBSERVATIONS

L’exploration du chiot est rapide et désordonnée. Il réagit excessivement à la moindre stimulation et ne reste pas en place. Jouer avec l’animal permet de tester la qualité de son contrôle moteur.

Les mains ou les bras des maîtres peuvent présenter des traces de morsures en cas d’absence d’autocontrôles.

QUESTIONS

Le chiot a-t-il été élevé avec des chiens adultes ? Combien de chiots y avait-il dans la portée ?

Est-il brutal au cours des jeux ? Fait-il mal en mordillant ? Détruit-il des objets ?

A-t-il des moments de repos ? Aboie-t-il beaucoup ?

CONSEILS

Le praticien fait la démonstration du contrôle du chiot en consultation, pour en tester et en montrer la difficulté. L’objectif est de lui apprendre le calme et la maîtrise de soi. Dès le début de l’excitation, le vétérinaire intime un arrêt à l’animal par un ordre sec et sonore (« Non ! »), puis il le bascule fermement sur le dos et l’y maintient avec souplesse, les mains ouvertes, sans parler ni le regarder, jusqu’à ce qu’il se détende [6]. L’ordre sec joue ensuite progressivement le rôle de signal d’arrêt : le chiot s’immobilise spontanément en l’entendant. Il s’agit d’apprentissage, d’éducation, et non de punition ni de soumission (encadré 2).

Un document écrit détaillant les points clés est utile. Une consultation de contrôle est programmée après 15 jours car ces apprentissages doivent être mis en place sans délai. Les propriétaires ont besoin d’être assistés et encouragés.

Agressivité

OBSERVATIONS

Lors d’un examen, le chiot agressif se débat, grogne et mord. Il ne tolère aucune contrainte (photo 3, encadré 3).

QUESTIONS

Comment le chiot réagit-il lorsqu’il est réprimandé ? Et lorsqu’il subit une contrainte ?

Comment se comporte-t-il autour de la nourriture ? Quelle est son attitude avec les autres chiens ?

CONSEILS

L’accent est mis sur le caractère urgent et indispensable de la mise en place de mesures permettant à l’animal de communiquer et d’inhiber ses comportements agressifs (encadré 4). Si le chiot a plus de 3 mois, une prise en charge spécifique est proposée.

3 Apprentissages de base

De manière générale, la correction de comportements acquis est toujours beaucoup plus problématique que leur apprentissage.

Le chien exécute spontanément un certain nombre d’ordres : rappel, assis. Le propriétaire peut exploiter cette tendance en récompensant son attitude et en l’accompagnant dans l’exécution de l’ordre [4].

Lors de la première consultation, l’apprentissage de la propreté est une demande fréquente des maîtres. Modèle de la relation, de la compréhension, de la punition, c’est bien l’étape à travailler (encadré 5).

Conclusion

La consultation du chiot est ici envisagée exclusivement sous l’angle comportemental. Elle comporte également des aspects de médecine préventive qui justifient qu’elle soit scindée en plusieurs parties. L’abord comportemental doit être traité dès le départ car cela permet de mettre en place des corrections précoces, et d’assurer un suivi de l’évolution lors des visites vaccinales suivantes ou de la consultation pubertaire. Le client débordé et retenant difficilement la somme de conseils délivrés apprécie les supports écrits.

Références

  • 1. Beaumont-Graff E, Massal N. Guide pratique du comportement du chien. Eyrolles, Paris. 2006:286.
  • 2. Gazzano A, Mariti C, Alvares S et coll. The prevention of undesirable behaviors in dogs : effectiveness of veterinary behaviorists’ advice given to puppy owners. J. Vet. Behav. Clin. Applic. Res. 2008;3:125-133.
  • 3. Harvey CE, Emily PE. Function, formation, and anatomy of oral structures in carnivores. In : Harvey CE, Emily PE, eds. Small Animal Dentistery. Mosby, Saint Louis. 1993:1-18.
  • 4. Mège C, Beaumont-Graff E, Béata C et coll. Pathologie comportementale du chien. Masson, Issy-les-Moulineaux. 2003:314.
  • 5. Pageat P. Pathologie du comportement du chien. 2e éd. Le Point Vétérinaire, Maisons-Alfort. 1998:377.
  • 6. Villars AM. Conseils d’éducation dès la première visite d’un chiot. Point Vét. 2004;35(n° spéc.):126-130.
ENCADRÉ 1

Conditions de l’habituation

→ L’habituation n’est possible que si trois conditions sont respectées :

– exposition à un stimulus de faible intensité ;

– répétition de cette exposition ;

– possibilités d’évitement ou de mise en retrait.

→ À l’inverse, si le stimulus est trop important, s’il se produit de manière fortuite ou que l’animal n’a pas la possibilité de fuir, le processus de sensibilisation (phénomène inverse de l’habituation, au terme duquel la peur qu’éprouve le chien est de plus en plus intense et se déclenche de plus en plus vite) se met en place.

→ En pratique, les premiers contacts avec les éléments motivant la peur ont lieu à une distance permettant l’observation sans que le chiot se sente menacé. La distance est réduite par étapes, au fur et à mesure que le chiot n’exprime plus d’émotion particulière. Toute réaction de peur impose un retour en arrière.

ENCADRÉ 2

Conseils éducatifs pour l’acquisition des autocontrôles

→ Favoriser l’éducation avec des chiens adultes équilibrés ; observer comment ils s’y prennent sans intervenir.

→ Éviter les jeux de balle ou tout objet roulant, ainsi que ceux de tiraillement, car ils entretiennent l’excitation. Préférer des jouets qui s’immobilisent (balles carrées), imposant au chiot un ajustement de ses gestes.

→ Ne pas laisser le chiot mordre sous prétexte qu’il « fait ses dents ».

→ Ne pas attendre que le chien apprenne spontanément en grandissant : plus il est âgé, plus l’apprentissage est difficile !

ENCADRÉ 3

Test de tolérance à la contrainte

→ Le chiot est basculé doucement sur le dos, puis maintenu dans cette position par pression douce (photos 4a, 4b et 4c). S’il se débat, crie, urine ou mordille, la pression est accentuée. L’exercice peut durer plusieurs minutes. Le praticien a intérêt à commenter ses gestes pour les propriétaires, souvent inquiets, à insister sur le caractère non violent de la manipulation et sur la précision des mouvements effectués car les maîtres devront ? procéder de même une fois chez eux [4].

→ Si le chiot a été éduqué par des chiens adultes, il a acquis la capacité à se contrôler et il identifie la demande de celui qui lui impose cette résignation, qu’il considère comme un individu adulte et protecteur. Dans le cas contraire, il est envahi par la peur et se défend.

Le test de tolérance à la contrainte révèle donc à la fois le niveau de socialisation, par la connaissance des attitudes des adultes, et l’acquisition des autocontrôles, par la capacité à inhiber sa motricité.

Cette manipulation est particulièrement intéressante avant toute contrainte (examen précis d’une région du corps ou injection) car le chiot est alors placé dans une situation de résignation qui limite fortement ses réactions.

Conseils

ENCADRÉ 4
Conseils aux propriétaires pour inhiber les comportements agressifs du chiot

→ Apprentissage des règles d’accès à la nourriture (hiérarchisation alimentaire) : lors de la distribution des repas (après celui des maîtres), le chiot est invité à s’asseoir et à attendre. Toute manifestation agressive ou tentative de s’approcher de la gamelle avant que l’autorisation n’en soit donnée est sévèrement réprimandée.

→ Mise en place des autocontrôles.

→ Encourager les interactions avec des chiens adultes équilibrés (individus connus, fréquentation de clubs canins).

Conseils

ENCADRÉ 5
Conseils généraux en vue de l’apprentissage de la propreté

→ Ne pas oublier qu’un contrôle correct des sphincters n’apparaît qu’après l’âge de 3 mois.

→ L’élimination d’urine et de selles suivant toujours de peu le réveil et les repas, sortir le chien systématiquement à ces moments-là, de préférence toujours au même endroit, au calme, et en l’accompagnant. Ne pas le rentrer tant qu’il n’a pas uriné ou déféqué, le mettre en confiance.

→ Faire de même dès que le chiot tourne et cherche à se poser.

→ Ne pas le gronder avant de le sortir car il serait inhibé. Ne jamais le punir a posteriori, il ne comprendrait pas et ne chercherait qu’à dissimuler ses déjections.

→ Le féliciter par des caresses ou des récompenses.

→ Le journal ou la serpillière sont des sources de retard à la propreté (le chiot doit ensuite apprendre à ne pas y faire ses besoins).

→ Les récompenses sont toujours plus efficaces que les punitions.

→ Ne pas nettoyer avec des produits ammoniaqués, lesquels attirent le chiot.

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