Première consultation d’un chaton : aspect comportemental - Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010
Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010

COMPORTEMENT DU CHATON

Dossier

Auteur(s) : Édith Beaumont-Graff*, Nicolas Massal**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire
145, route d’Avignon 30000 Nîmes
**Clinique vétérinaire
344, boulevard de la paix 64000 Pau

La consultation comportementale du chaton explore les quatre piliers du développement et leur degré d’acquisition : attachement, milieu de vie, socialisation, autocontrôles. Elle mêle questions, observations et manipulations.

Si de nombreux troubles du comportement du chat sont dus à la gestion de son territoire, d’autres sont intimement liés à ses conditions de développement [3]. Or le développement comportemental du chaton est extrêmement bref [5]. L’essentiel des acquisitions s’effectue avant l’âge de 2 mois. Pour corriger d’éventuelles lacunes, une prise en charge précoce est requise.

Une première consultation a pour objectifs de :

– détecter le plus tôt possible les troubles du comportement ;

– prévenir ces anomalies par des mesures ou des conseils appropriés ;

– répondre aux questions spécifiques que se posent les propriétaires.

1 Accueil et premières questions

Les quatre piliers du développement réussi d’un chaton sont l’attachement, la socialisation, le milieu de vie et les autocontrôles. Ces éléments interdépendants correspondent à des acquisitions distinctes du développement (figure).

L’âge et la provenance du chaton, ainsi que ses conditions de développement et sa destination future sont des informations, connues ou évaluées, qui permettent d’analyser les observations faites au cours de la consultation (photo 1).

Attachement

À quel âge le chaton a-t-il été séparé de sa mère ? S’il est orphelin, vit-il en compagnie d’autres chats adultes ou de son âge ? L’attachement est le fondement même du développement émotionnel du chaton. La mère procure nourriture, apaisement et sécurité. Elle assure de nombreux apprentissages : autocontrôles, communication, propreté, etc. Sa présence est indispensable jusqu’à l’âge de 2 mois. Si elle est absente, le chaton doit trouver un être capable de lui fournir les mêmes apports. À ses 2 mois, dans des conditions favorables, le chaton est autonome.

En revanche, sans lien d’attachement de bonne qualité, une exploration difficile (accès de panique, agressivité ou, à l’inverse, forte inhibition), des retards d’apprentissage (propreté, exploration, etc.), de mauvais autocontrôles (hyperactivité, maladresse, hyposomnie, boulimie, etc.) ou une communication mal établie sont observés.

Socialisation

Quel est l’âge du chaton ? Depuis combien de temps est-il arrivé à la maison ? Quels types de contacts a-t-il (avec des chats, des humains, d’autres espèces) et comment se passent-ils ? Se cache-t-il ? Se laisse-t-il prendre ou caresser facilement ? Par qui ?

Le développement du chaton au sein de la portée et en présence d’adultes est un gage de qualité de la socialisation à son espèce.

La socialisation aux autres espèces n’est possible qu’à un moment précis de son développement. Chez le chat, cette période de socialisation se situe entre 2 et 7 semaines [1]. Les contacts, fréquents et agréables, avec une autre espèce doivent être répétés pour assurer la qualité de la socialisation et le développement de compétences relationnelles. Le défaut de socialisation, ou son manque d’entretien, entraîne des intolérances au contact, des attitudes d’évitement plus ou moins prononcées, parfois des accès de panique ou d’agressivité, accompagnés ou non de symptômes neurovégétatifs (tremblements, polypnée, salivation, vomissements, ondes d’horripilation sur le dos) qui sont des manifestations d’une phobie sociale. Des signes d’anxiété (agressions par irritation et par peur, marquage déstructuré, boulimie, léchage, manifestations neurovégétatives, etc.) peuvent survenir lorsque la cohabitation est imposée.

Milieu de vie

Dans quel environnement le chaton est-il né ? Quelles expériences a-t-il déjà faites ? Manifeste-t-il des réactions de crainte ?

Au cours de son rapide développement, le chaton intègre les éléments de son environnement et établit un référentiel de choses connues. Il édifie son seuil d’homéostasie sensorielle, c’est-à-dire la limite entre ce qui est “normal” et ce qui nécessite une réaction (émotionnelle et/ou motrice), une esquive, une défense ou une attaque. Les expériences des 3 premiers mois sont déterminantes, tout comme les réponses de la mère chatte.

Les événements négatifs sont ancrés, parfois définitivement, ce qui explique certains accès de panique ou de fuite en présence d’éléments qui rappellent ces situations.

Le niveau de stimulation durant cette phase détermine les besoins ultérieurs du chaton. S’il se développe dans un environnement très stimulant, tel qu’un jardin, son besoin d’activité sera peu compatible avec la vie en appartement.

Autocontrôles

Comment se déroulent les jeux ? Le chaton est-il brutal ? Fait-il mal avec ses dents ou ses griffes ? Ses propriétaires présentent-ils des marques sur les bras ? A-t-il des moments de repos ? Est-il agile ? Fait-il tomber des objets ? A-t-il un tempérament destructeur ?

La mise en place des autocontrôles s’effectue au cours des jeux sociaux et des expériences individuelles du chaton. Un animal qui grandit isolé, peu ou mal materné, sans possibilité de s’exercer, présentera un déficit des autocontrôles. Dès l’âge de 2 mois, le chaton est capable de maîtriser ses gestes. Les déficits d’acquisition des autocontrôles peuvent aller de simples maladresses jusqu’à des destructions parfois importantes. Ils s’accompagnent souvent de morsures et de griffures vulnérantes.

2 Test de portage

Ce test peut se pratiquer chez des chatons jusqu’à l’âge de 4 mois environ. Le réflexe disparaît ensuite progressivement. L’animal est pris délicatement par la peau du cou et soulevé en l’air lentement. La tête bascule sur le côté, les yeux sont mi-clos, les pattes antérieures se replient et pendent mollement, les postérieures se plient également, les genoux remontent, enfin, la queue vient se placer contre le ventre. Le chaton se détend et ne bouge plus (photo 2). Certains chatons se tortillent, se débattent, se raidissent et miaulent. Dans ce cas, un déficit de maternage est suspecté. Un réflexe de portage efficace et rapide signifie que le chaton a été materné, que sa mère a activé et entretenu la réponse innée. Des mères absentes ou incompétentes (trop jeunes, trop stressées, etc.) portent peu ou mal leurs chatons. Elles n’entretiennent pas cette réponse innée, qui ne perdure pas. Un chat qui inhibe ses mouvements lorsqu’il est suspendu a commencé l’apprentissage de ses autocontrôles [4]. En revanche, un test de portage “réussi” ne donne que peu d’indications sur la qualité de la socialisation aux humains, même si la manipulation elle-même révèle les émotions du chaton au contact. Cette manipulation est aussi l’occasion de s’assurer du sexe du chaton, souvent mal identifié par les propriétaires.

3 Observation et analyse des interactions

Le chat est lâché sur la table. S’il n’est pas trop craintif, il est laissé libre d’arpenter la salle de consultation.

L’animal s’approche-t-il ? Se laisse-t-il toucher, attraper et soulever ?

L’approche spontanée vers les étrangers ou les familiers, la tolérance au contact, depuis la main simplement posée sur le chat jusqu’à la manipulation vigoureuse, indiquent le degré de socialisation à l’homme et la qualité des autocontrôles.

Où se dirige le chaton si quelqu’un ou quelque chose lui fait peur (par exemple en claquant les mains) ?

Si l’attachement au propriétaire est bon, en situation de stress, le chaton se réfugie spontanément vers lui. Un bon attachement rend l’exploration plus facile.

Immédiatement, ou après un temps d’observation, le chaton explore la pièce (photos 3a et 3b).

L’exploration est-elle désordonnée ou méthodique, rapide ou lente ? Le praticien note les marquages, les éliminations éventuelles, les vocalises. Il évalue le degré de crainte du chat à différents stimuli, sa curiosité, sa capacité d’autocontrôles.

Le chaton accepte-t-il de jouer avec le praticien ou avec des objets ?

Seul un chat détendu est capable de jouer chez le vétérinaire (photos 4a et 4b). Un individu hyperactif est facilement distrait et “saute” d’un stimulus à un autre.

Quelle est la réaction du chaton à un bruit inhabituel, tel un claquement ?

Les réactions aux bruits vont du simple sursaut à la crise de panique. Une absence de réactivité aux bruits doit faire l’objet d’une recherche de surdité. La capacité de l’animal à recouvrer rapidement son calme après des stimuli est de bon pronostic.

4 Conseils ciblés

Selon les observations faites, les demandes des propriétaires, leur motivation et leur compétence, des conseils spécifiques sont délivrés.

Dans les situations critiques, convaincre les maîtres de médicaliser précocement leur animal est parfois difficile. Il est donc judicieux de leur donner un délai à partir duquel un traitement devient indispensable et de convenir des signes qui forceront cette décision.

Défaut d’attachement, chaton orphelin

En cas de carence de la mère, un autre chat adulte peut assumer ce rôle de maternage, à condition qu’il soit apte à le remplir (développement correct) et disposé à le faire (les réponses sont très variables). Adopter pour un temps les frères et sœurs de la même portée peut être une autre solution.

L’entretien du réflexe périnéal est primordial pour la survie du chaton de moins de 3 semaines, et ce geste est expliqué aux propriétaires.

Le maternage précoce est délicat et à réserver à des personnes expérimentées. Le risque d’attachement excessif est réel. Un chat adulte reste le seul capable d’apprendre au jeune les règles de communication de l’espèce.

Déficit de socialisation

Il est plus facile d’habituer progressivement un chat aux humains lorsqu’il est jeune et qu’il vit en milieu fermé. Les contacts doivent être fréquents, rapprochés et agréables, par exemple au moment de la distribution alimentaire ou lors de jeux adaptés. L’habituation est à étendre à un grand nombre de personnes. Le chat doit avoir la possibilité de se cacher, mais l’évitement permanent ne facilite pas les apprentissages. Les espaces de fuite doivent permettre l’observation à distance.

Les cris, les contacts forcés, brutaux ou imprévisibles sont à proscrire. La présence d’enfants turbulents qui, de plus, courraient un risque de blessures est donc bannie.

Adéquation du milieu de vie

Pour les chats qui proviennent de milieux hypostimulants, il est proposé aux maîtres d’enrichir le lieu de vie, de familiariser progressivement le chaton à différents bruits, d’utiliser le jeu pour l’accoutumer à des stimuli variés d’intensité graduée.

Pour les chats de l’extérieur destinés à vivre en appartement, les propriétaires doivent être informés des risques potentiels. L’environnement de l’animal est alors enrichi et étendu, et de nombreuses activités sont proposées. L’acquisition d’un second chat est envisageable si de longues heures de solitude et d’inactivité sont prévues.

Autocontrôles

En cas de déficit des autocontrôles, les jeux doivent être didactiques. Il s’agit de stimuler le chat, puis, lorsqu’il s’excite, de suspendre le jeu jusqu’à ce qu’il se calme. L’activité est alors reprise et interrompue à nouveau dès l’excitation, car c’est la répétition qui est pédagogique. Si d’autres chats cohabitent avec le chaton, il doit interagir avec eux. Ils se chargent alors de son éducation. Les propriétaires sont encouragés à surveiller, mais à ne surtout pas intervenir.

Un accès à l’extérieur est d’une grande aide pour le développement des autocontrôles. Des jeux d’adresse et d’équilibre peuvent aussi être proposés au chaton.

Si le chat semble hyperactif, une consultation de contrôle est proposée dans un bref délai, 2 semaines plus tard par exemple.

5 Conseils généraux

Cette consultation est le moment idéal pour montrer les gestes de base : donner un comprimé, brosser, couper les griffes, prendre la température. Chez un chat jeune, ces manipulations sont essentielles et doivent être répétées.

Cette rencontre est aussi l’occasion d’aborder des points qui intéressent fréquemment les maîtres [2].

Apprentissage de la propreté

Les chatons apprennent très vite, et souvent seuls, à utiliser une litière (ou tout autre lieu désigné pour l’élimination). À 3 mois, un chaton peut être propre. Cependant, des difficultés apparaissent dans un certain nombre de cas :

– le chaton n’a pas bénéficié d’un maternage efficace ;

– il n’a jamais vu de litière ;

– il est hyperactif ;

– il est peureux, et la litière est placée dans un endroit où il a été effrayé ou qui ne lui permet pas de se détendre, quelle qu’en soit la raison ;

– la litière est d’un accès peu aisé ou intermittent (porte fermée) ;

– la litière est située à proximité du lieu d’alimentation ;

– il existe d’autres endroits d’élimination très confortables, que le chaton choisit préférentiellement à la litière ;

– plusieurs chats utilisent la même litière ;

– le chaton présente une maladie digestive (diarrhée) ou urinaire.

Une restriction d’espace dans la ou les premières semaines qui suivent l’adoption est alors recommandée. L’emplacement de la litière, son accessibilité et sa propreté sont des facteurs majeurs dont dépend son emploi. L’attrait est augmenté par quelques gouttes d’eau de Javel, et les premiers mouvements pour recouvrir les déjections et les mictions peuvent être guidés par le propriétaire.

Distribution alimentaire

Une alimentation à base de croquettes de haute qualité distribuées en libre-service est idéale. Si plusieurs chats cohabitent, la nourriture des adultes est placée en hauteur, hors de portée du chaton, qui mange au sol. Les maîtres sont aussi rassurés sur l’absence de conséquence des échanges occasionnels de gamelles.

Âge des premières sorties

Un chaton peut être sorti rapidement, sans risque de se perdre, dès qu’il est parfaitement familiarisé à son lieu de vie et qu’il y semble à l’aise. Les sorties sont fortement conseillées en cas de suspicion de déficit des autocontrôles. Elles ne sont pas recommandées si le chaton est destiné à vivre ultérieurement dans un milieu confiné.

Cohabitation avec des chats adultes

La cohabitation avec des chats adultes est vivement encouragée car ces derniers (s’ils ont eux-mêmes acquis autocontrôles et compétences sociales) sont capables, bien plus que les humains, de faire acquérir des autocontrôles au chaton et de lui apprendre “les bonnes manières”. Le risque de blessure est minime. La présentation du nouveau venu doit être naturelle, en laissant au chat résident une totale liberté. La règle est la non-intervention.

Mise en place des règles de base

En plus de l’organisation du territoire et de l’enrichissement du milieu, les règles de base souhaitées doivent être mises en place précocement : interdictions d’accès, protection des fauteuils, objets interdits, etc. Le chaton apprend vite, très vite. Il convient de préférer les disruptions suivies d’une redirection du comportement vers une activité ludique plutôt que les punitions. Un chat “s’éduque”, mais les représailles ne donnent pas de bons résultats car il apprend seulement à éviter l’auteur des punitions.

Conclusion

La consultation du chaton est une occasion privilégiée pour le praticien de faire valoir son expertise. Elle représente une opportunité idéale de médicalisation et de fidélisation de la “clientèle féline”. Cela justifie une stratégie raisonnée pour mener l’entretien et l’examen, et rédiger des documents pédagogiques. Il convient de ne pas hésiter à consacrer à cette rencontre un temps plus important qu’aux autres consultations médicales.

Références

  • 1. Beaumont-Graff E, Massal N. Guide pratique du comportement du chat. Eyrolles, Paris. 2007;304p.
  • 2. Bouzick M. Le chat deviendrait-il une espèce sociale ? Thèse pour le doctorat vétérinaire, Alfort. 2007;22:125p.
  • 3. Dramard V. Vade-mecum de pathologie du comportement du chien et du chat. Ed’ Medcom, Paris. 2007;191p.
  • 4. Hofmans J. Étude clinique sur chatons. Inhibition du chaton à 6 semaines et son tempérament à 6 mois. Qu’en est-il ? Mémoire pour le diplôme de vétérinaire comportementaliste. 2001;22p.
  • 5. Karsh EB, Turner D. The Human-Cat relationship. In : Turner D, Bateson P, eds. The domestic cat : the biology of its behaviour. Cambridge University Press. 1988;159-177.
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