ÉTAPE 1 : Réalisation d’un tableau de constantes radiographiques - Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010
Le Point Vétérinaire n° 308 du 01/09/2010

En 10 Étapes

Auteur(s) : Sylvain Manville*, Marion Fusellier**

Fonctions :
*Service d’imagerie
médicale CHUV Oniris,
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706 44307 Nantes
**Service d’imagerie
médicale CHUV Oniris,
Atlanpôle La Chantrerie
BP 40706 44307 Nantes

Indispensable à la bonne utilisation des appareils radiographiques, le tableau de constantes doit être modifié lors de tout changement de matériel.

Un tableau de constantes répertorie les constantes radiographiques à utiliser, en fonction de la région et de son épaisseur. Il permet de réaliser des clichés de qualité correcte et reproductible en choisissant les réglages adaptés, mais ne s’applique qu’à une installation donnée (tube, cassettes, grille antidiffusante et écrans renforçateurs constants). Lors de changement du tube radiogène ou du passage à la radiographie numérique, il convient de savoir réaliser un nouveau tableau de constantes.

LA RADIOGRAPHIE IDÉALE

Lorsque le praticien réalise une radiographie, son objectif est d’obtenir l’image véhiculant un maximum d’informations de la région concernée en rendant le plus visibles possible les structures la composant.

La “radiographie idéale” se définit par :

– une bonne exposition : un noircissement suffisant pour voir les éléments traversés par le faisceau de rayons X ;

– un bon contraste : un noircissement différent pour des structures de densité proche, les rendant distinctes ;

– une bonne résolution : des contours bien délimités et de fins détails.

Les caractéristiques du faisceau de rayons X sont les éléments principaux intervenant sur la qualité d’une radiographie qui peuvent être réglés.

RAPPELS

Le principe de la radiographie est la production de rayons X qui traversent un corps et impressionnent un film. L’image obtenue correspond aux variations d’exposition, qui n’est autre que le noircissement du film par les rayons X, ceux-ci étant atténués différemment par les structures traversées, selon leur matière, leur composition et leur épaisseur.

La production de rayons X s’effectue dans le tube de l’appareil radiographique, au niveau du foyer, par interaction d’un faisceau d’électrons avec les noyaux des atomes d’une plaque de tungstène (figure).

L’intensité, la puissance et la durée d’émission du faisceau de rayons X dépendent de trois paramètres appelés “constantes” :

– la tension en kilovolts (kV) détermine l’énergie des rayons X. Plus elle est élevée, plus leur pouvoir de pénétration augmente et moins le contraste entre deux structures de densité proche est visible ;

– l’intensité en milliampères (mA) caractérise indirectement le nombre de rayons X. Plus l’intensité s’accroît, plus le nombre de rayons X traversant les structures est important, mais ils ne sont pas plus puissants. En augmentant les mA, le film est davantage noirci, l’exposition s’élève, sans en modifier le contraste ;

– le temps d’exposition en millisecondes (ms) définit la durée d’émission de rayons X. Plus il augmente, plus le nombre de rayons X atteignant le film radiographique, donc l’exposition, est important, mais le risque de flou cinétique lié aux mouvements s’accroît.

Le choix de ces trois constantes est primordial, car elles définissent les caractéristiques du faisceau de rayons X, déterminant ainsi la qualité de l’image radiographique.

Un autre paramètre influence également la qualité du cliché : le rayonnement diffusé. Une partie des rayons X est déviée de sa trajectoire initiale. Cela entraîne une perte d’information, puisque les rayons X n’interviennent plus dans la bonne construction de l’image, et même une dégradation de celle-ci dans la mesure où ils “polluent” le cliché en noircissant le film radiographique de manière aléatoire.

Le nombre de rayons X diffusés augmente avec l’épaisseur de la région à radiographier. Au-delà de 10 cm, ils dégradent l’image radiographique de manière rédhibitoire, et une grille antidiffusante est alors nécessaire. Cette dernière est composée de fines lamelles de plomb orientées selon le même axe que le faisceau primaire de rayons X. Elle laisse passer les rayons X qui restent dans l’axe et arrête ceux qui suivent une autre trajectoire. Ainsi, elle bloque une grande partie des rayons X diffusés. La grille antidiffusante atténue également le faisceau primaire, ce qui impose d’augmenter les constantes radiographiques.

Au final, le choix des constantes radiographiques varie selon la région et son épaisseur. En effet, en fonction des structures radiographiées, le praticien privilégie le contraste ou la résolution, et, selon l’épaisseur, il utilise une grille antidiffusante ou non.

CONCEPTION DU TABLEAU

Pour concevoir un tableau de constantes, il convient d’effectuer des radiographies d’une région d’épaisseur connue avec des constantes prédéfinies. Selon la qualité de l’image obtenue, les constantes sont modifiées jusqu’à obtenir la “radiographie idéale”. Il est ensuite possible d’extrapoler les résultats aux différentes épaisseurs.

1. Régions considérées

Il existe trois grandes régions à radiographier :

– le thorax qui possède un contraste naturel important entre l’air alvéolaire et les tissus mous pulmonaires et cardiaques ;

– l’abdomen dont tous les organes présentent une densité identique de type liquidien ;

– les structures osseuses qui présentent un excellent contraste avec les tissus mous en raison de leur importante différence de densité naturelle (encadré). Ainsi, chacune de ces trois régions doit être prise en compte, avec ou sans grille antidiffusante, et il convient de créer un tableau de constantes distinguant au moins ces six zones.

Cet article expose la procédure à mettre en œuvre pour le thorax, laquelle est transposable aux autres régions.

2. Choix des constantes initiales

Des animaux témoins sont utilisés : un chien moyen ayant un thorax de 18 à 20 cm d’épaisseur, de type médioligne (épagneul) et un petit chien ou un chat de 7 à 8 cm d’épaisseur (tableau 1). Il convient de mesurer avec exactitude l’épaisseur de la région à radiographier pour concevoir le tableau de constantes et le mettre en œuvre de façon performante ensuite. Par conséquent, une toise est un instrument essentiel à conserver en radiographie. Comme le contraste naturel du thorax (air/tissus mous) est déjà bon, la résolution est privilégiée. Une tension importante est utilisée, sans craindre de diminuer la qualité du cliché. Cela permet de traverser les structures osseuses sans qu’elles masquent les organes internes. Une tension de 60 à 70 kV est utilisée pour une épaisseur inférieure à 10 cm. Si celle-ci est supérieure à 10 cm, une tension supérieure à 80 à 100 kV, avec une grille antidiffusante, est requise.

Pour prévenir le flou cinétique dû aux mouvements cardiaques et respiratoires, le temps d’exposition doit être le plus court possible, habituellement inférieur à 60 ms.

L’intensité et le temps d’exposition sont alors réglés de façon à obtenir une constante inférieure à 4 mAs.

Un premier cliché est réalisé d’après ces règles. Selon la qualité de celui-ci, les constantes de départ sont modifiées.

3. Modifications des constantes

L’exposition est jugée en premier lieu (l’image est-elle suffisamment noire ?), puis le contraste du cliché obtenu (les différents organes sont-ils distinguables les uns des autres ?) et, enfin, sa résolution (les structures sont-elles floues ?). Dans le cas d’une radiographie thoracique de profil de bonne qualité, les espaces intervertébraux caudaux doivent être visibles alors que les espaces intervertébraux craniaux se distinguent peu et que les côtes superposées au cœur sont également peu apparentes. Sur une projection de face, les espaces intervertébraux superposés au cœur ne doivent pas être visibles. Sur les deux incidences, les structures vasculaires des lobes pulmonaires caudaux sont bien identifiables jusqu’en périphérie du champ pulmonaire.

Pour corriger une image sous-exposée (image “trop blanche”), il convient d’augmenter la tension ; une image surexposée (“trop noire”) nécessite de diminuer l’intensité ou le temps d’exposition, si cela est encore possible. Lorsque le contraste est trop important (image en “noir et blanc” sans suffisamment de niveaux de gris), la tension doit être augmentée et l’intensité diminuée en compensation (photos 1, 2, 3 et tableau 2). L’exposition et le contraste sont alors corrigés. Le flou souvent lié aux mouvements respiratoires altère la résolution : pour le limiter, un temps d’exposition faible est requis.

Le cliché radiographique idéal est obtenu par tâtonnements : les constantes employées sont notées dans le tableau de constantes en regard de l’épaisseur du thorax radiographié.

4. Extrapolation aux autres épaisseurs

À partir de ce cliché idéal, les constantes sont extrapolées pour les autres épaisseurs de thorax. Elles sont augmentées ou diminuées de :

– 2 kV par cm entre 50 et 70 kV ;

– 3 kV par cm entre 70 et 85 kV ;

– 4 kV par cm entre 85 et 100 kV ;

– 5 kV par cm au-delà de 100 kV.

À la suite de la réalisation de ce tableau théorique, des clichés radiographiques de thorax d’épaisseurs différentes sont effectués au cours de l’exercice quotidien avec les constantes extrapolées. Les corrections nécessaires sont alors apportées selon les mêmes principes.

Progressivement, le tableau de constantes est rectifié jusqu’à ce qu’il soit complet. Lorsque l’extrapolation entraîne des kV trop faibles pour le thorax (< 70 kV), il est possible d’appliquer une méthode de conversion qui permette de conserver un noircissement équivalent tout en maintenant un contraste faible : une augmentation du kilovoltage de 15 % est compensée par une division des mAs par 2.

5. Transposition à l’abdomen et aux os

La même procédure s’applique à l’abdomen et aux structures osseuses, avec quelques adaptations liées aux contrastes naturels spontanément différents.

L’abdomen présente un contraste naturel pauvre (tissus de densité identique), seule la graisse faisant la différence. Il n’est donc pas possible d’utiliser une tension élevée qui diminuerait encore le contraste. Une tension basse est programmée : 50 à 60 kV pour un abdomen d’épaisseur inférieure à 10 cm, 60 à 75 kV lors d’utilisation d’une grille antidiffusante.

À épaisseur égale, l’atténuation des rayons X est plus importante au niveau de l’abdomen qu’à celui du thorax, car ils doivent traverser plus de matière (l’air des poumons n’atténue pas les rayons X). L’intensité doit alors être accrue. Le temps de pose peut être légèrement augmenté, mais les mouvements respiratoires déplaçant les organes abdominaux, il doit rester faible. L’intensité est donc réglée à 10 à 20 mAs.

L’image abdominale idéale est aussi contrastée que possible. Sur un cliché d’abdomen de bonne qualité, les contours des organes sont les plus identifiables et l’architecture osseuse des vertèbres lombaires peu visible. Un contraste trop faible (image “grise”, sans distinction des organes) se corrige en diminuant la tension et en augmentant l’intensité. Dans le cas d’une sous-exposition, les mAs sont augmentés ; pour une image surexposée, les kV sont diminués (photo 4).

Le praticien extrapole ensuite aux autres épaisseurs par la formule utilisée précédemment et complète le tableau de constantes au fur et à mesure de la pratique.

Comme les structures osseuses ont une épaisseur moins importante que l’abdomen et le thorax et qu’elles ont un contraste naturel très prononcé, une tension faible est utilisée : soit une tension inférieure à 55 kV pour une épaisseur de moins de 10 cm, entre 55 et 70 kV pour des épaisseurs de plus de 10 cm, avec une grille antidiffusante. L’os possédant une densité élevée, il convient d’employer une intensité ou un temps d’exposition élevés pour bien distinguer la trame osseuse. Comme les structures radiographiées sont souvent éloignées des mouvements respiratoires, le risque de flou cinétique est faible.

Un cliché de bonne qualité d’un os doit montrer la structure osseuse interne en rendant visible les trabécules et la distinction entre la corticale et la médullaire, tout en laissant apparaître les tissus mous périphériques. Pour la correction, le temps d’exposition ou l’intensité lors de sous-exposition sont augmentés, les kV sont diminués lors de surexposition.

Il convient de procéder de la même manière que pour le thorax ou l’abdomen pour concevoir un tableau de constantes complet par extrapolation. Si l’extrapolation conduit à des kV élevés pour l’abdomen ou l’os (> 70 kV), la règle de conversion est alors appliquée : un noircissement équivalent est obtenu en diminuant le kilovoltage de 15 % tout en doublant les mAs.

Le tableau ainsi terminé permet d’obtenir rapidement les constantes nécessaires selon la région à radiographier et son épaisseur.

Il existe une différence entre la radiographie argentique et la radiographie numérique. Pour la radiographie argentique, une image “trop blanche” est sous-exposée, une image “trop noire” est surexposée. Avec la radiographie numérique, cette appréciation n’est pas transposable, car le logiciel informatique réalise un traitement de l’image en prenant en compte l’exposition de la partie impressionnée par les rayons X et les zones de la cassette radiographique qui n’ont pas été atteintes par les rayons X. Le traitement informatique effectue une sorte de moyenne de l’image d’ensemble avec correction de son noircissement, qui ne correspond pas à la véritable exposition aux rayons X. Paradoxalement, un cliché numérique “trop blanc” est surexposé et un cliché “trop noir” est sous-exposé. Cependant, si le traitement informatique semble corriger un certain nombre d’erreurs d’exposition, il demeure nécessaire de travailler avec des tableaux de constantes rigoureusement établis de façon similaire à la radiographie argentique. En effet, les corrections informatiques trop importantes entraînent des dégradations rédhibitoires, notamment avec une perte de la résolution anatomique.

Conclusion

En suivant ce déroulement pratique, il est aisé de concevoir un tableau de constantes. Il est possible, voire indispensable, de remanier ce dernier au cours du temps afin qu’il reste adapté. En effet, il reste le même tant que l’installation demeure identique, en revanche, toute modification majeure de l’appareillage (notamment le changement de table radiographique ou de tube radiogène) nécessite de réaliser un nouveau tableau de constantes.

ENCADRÉ

Différentes régions considérées en radiographie

Thorax :

< 10 cm ;

> 10 cm : grille antidiffusante.

Abdomen :

< 10 cm ;

> 10 cm : grille antidiffusante.

Structures osseuses :

< 10 cm ;

> 10 cm : grille antidiffusante.

Points forts

→ Il existe six régions à radiographier avec des constantes différentes : thorax < 10 cm, thorax > 10 cm ; abdomen < 10 cm, abdomen > 10 cm ; structure osseuse < 10 cm, structure osseuse > 10 cm.

→ Il est indispensable de mesurer l’épaisseur de la région radiographiée.

→ Le thorax a un bon contraste naturel, contrairement à l’abdomen.

→ Pour diminuer le contraste, les kV sont augmentés et inversement.

→ Pour augmenter l’exposition, l’intensité ou le temps d’exposition sont augmentés.

→ Le temps d’exposition doit être le plus faible possible pour l’abdomen et le thorax.

→ Un tableau de constantes n’est valable que pour un appareil radiographique donné.

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