Étiologie et pathogénie de la péritonite septique - Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010
Le Point Vétérinaire n° 304 du 01/04/2010

Médecine interne du chien et du chat

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Guillaume Ragetly*, Chantal Ragetly**

Fonctions :
*Département de médecine clinique vétérinaire
Université de l’Illinois, Urbana
Illinois 61802, États-Unis
gragetly@yahoo.fr

La péritonite septique est la forme la plus commune d’inflammation péritonéale. Ses conséquences cliniques sont graves et le taux de mortalité est souvent élevé.

La péritonite septique est une inflammation du péritoine secondaire à une contamination bactérienne de l’abdomen (encadré 1). C’est la forme la plus commune de péritonite chez le chien [7]. L’évolution clinique, variable, dépend de l’animal, de la cause et de la sévérité de l’infection. La péritonite septique peut produire une défaillance multisystémique de l’organisme entraînant des taux de morbidité et de mortalité élevés.

Classification et étiologie

1. Classification

Deux formes de péritonite septique existent, selon qu’elle est localisée ou diffuse. La forme localisée a pour origine une faible contamination à partir d’un organe abdominal, une intervention chirurgicale ou un processus infectieux sous-jacent. Une contamination plus large ou la progression d’une péritonite septique localisée peuvent entraîner une forme diffuse.

2. Étiologie

La péritonite septique est le plus souvent la manifestation secondaire d’une affection primaire chez le chien et le chat, mais peut aussi être primitive, notamment chez le chat (encadré 2) [3,10]. Le terme de péritonite septique tertiaire correspond à une péritonite septique persistante ou récurrente malgré la mise en place d’un traitement adapté.

La cause la plus fréquente est une perte de l’intégrité gastro-intestinale (53 à 75 % des cas), généralement due à un corps étranger, à un ulcère perforant ou à la déhiscence d’une plaie chirurgicale (photo 1) [2,3,5,8]. La fréquence de déhiscence après une entérotomie varie de 3 à 12 % selon les études [12]. Une péritonite septique peut également être secondaire à une contamination chirurgicale, à une perforation abdominale (iatrogénique, corps étranger, blessure ou morsure), à une rupture du système urogénital ou d’un organe infecté (foie, pancréas, prostate) (photo 2). Un uropéritoine traumatique entraîne une péritonite septique seulement si l’urine est déjà infectée au moment du traumatisme [7].

Lors de péritonite septique primitive, le mode de contamination est rarement connu, mais une dissémination bactérienne hématogène (origine buccale ou autres) ou lymphatique et une migration transmurale (cause gastro-intestinale ou génitale chez les femelles) sont des motifs souvent suspectés [4,11].

L’infection est souvent polybactérienne. La plupart des espèces bactériennes isolées sont Escherichia coli, Bacteroides spp., Clostridium spp., Klebsiella spp. et Enterococcus spp. [3,5,8]. Escherichia coli est associé à une mort rapide en raison de la circulation d’endotoxines et est également plus souvent isolé chez les animaux atteints de péritonite septique d’origine biliaire [9].

Pathogénie

Les manifestations locales et systémiques dépendent de la cause et de la gravité de l’infection. Les dysfonctionnements locaux affectent le péritoine, le système immunitaire et l’appareil digestif, alors que les troubles systémiques concernent les appareils cardiovasculaire, urinaire, respiratoire et endocrinien.

1. Dysfonctionnements locaux

L’épanchement abdominal provient du système vasculaire. Le liquide péritonéal produit est trouble en raison de l’afflux de protéines, de macrophages et de granulocytes neutrophiles. Des anticorps et le complément sont activés. La présence de micro-organismes et de leurs endotoxines provoque de grands dommages au péritoine. De nombreuses cytokines sont libérées, telles que le facteur de nécrose tumorale, les interleukines 1 et 6, la prostaglandine E2 et le facteur d’agrégation plaquettaire. De la fibrine se dépose au sein du péritoine.

Un certain nombre de substances intrapéritonéales (mucine gastrique, sels biliaires, hémoglobine) sont des activateurs connus de la péritonite. Elles aggravent la réponse inflammatoire locale ou systémique. Un épanchement de volume important réduit l’élimination bactérienne en diminuant la clairance péritonéale ou la phagocytose et les mécanismes de défense de l’organisme [7].

L’omentum peut isoler la source de la contamination, augmenter le nombre de cellules inflammatoires et l’absorption de bactéries et de débris, ainsi que la concentration en oxygène [7]. Un iléus secondaire à l’inflammation de la cavité péritonéale est parfois présent. Il induit une diminution de la perfusion gastro-intestinale, une ischémie et une translocation bactérienne. Cependant, il s’agit avant tout d’un mécanisme protecteur limitant la propagation des bactéries dans l’ensemble de l’abdomen.

2. Dysfonctionnements systémiques

Hypotension

L’hypotension est une manifestation systémique fréquente qui résulte de la diminution du volume vasculaire, de la vasodilatation et de la libération d’endotoxines. Elle peut conduire à une hypoxie tissulaire par déficit perfusionnel dans différents organes, notamment les reins. Une réduction du débit de filtration glomérulaire entraîne une accumulation de toxines, de potassium et d’ions hydrogène (H+).

Coagulation intravasculaire disséminée

La présence de bactéries et de leurs endotoxines, ainsi que de cellules inflammatoires et de leurs cytokines entraîne des dommages sur l’endothélium vasculaire et l’expression de facteurs tissulaires, ce qui active la cascade de la coagulation. Une thrombose et une fibrinolyse sont parfois associées à la perte d’antithromboxane III dans l’abdomen, et peuvent initier un état de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD).

Acidose et déséquilibres électrolytiques

L’acidose est une autre conséquence systémique. L’hypotension est responsable d’un métabolisme anaérobie et de la production d’acide lactique. La réduction du débit sanguin rénal limite l’élimination d’hydrogène par les reins. Parallèlement, le rejet respiratoire de dioxyde de carbone est également limité car la douleur viscérale et l’encombrement abdominal dû à l’épanchement empêchent une compensation respiratoire adéquate. Une hypocalcémie, une hyperkaliémie et une hypo-natrémie sont également fréquentes. Ces modifications électrolytiques peuvent entraîner une faiblesse musculaire et des signes nerveux.

La péritonite septique généralisée est une affection relativement commune chez les animaux de compagnie. L’infection est souvent polymicrobienne et d’origine intestinale. Le taux de mortalité est élevé car la péritonite septique induit une défaillance multisystémique de l’organisme.

Encadré 1 : Péritoine et cavité péritonéale

• Le péritoine est une séreuse composée d’une seule couche de cellules squameuses soutenue par du tissu conjonctif formant deux feuillets (l’un pariétal couvrant la paroi abdominale et l’autre viscéral appliqué aux organes abdominaux). Le péritoine représente environ 150 % de la surface cutanée.

• L’espace péritonéal absorbe activement ou accumule passivement les liquides à travers sa surface selon la pression hydrostatique dans l’abdomen. Une petite quantité d’épanchement abdominal y est présente à tout moment. Ce liquide abdominal physiologique migre ventralement vers la partie craniale de l’abdomen, puis est absorbé par le système lymphatique en moins de 15 minutes [7].

• L’omentum, ou épiploon, contient des agrégats cellulaires qui renferment de nombreux granulocytes neutrophiles, des macrophages et des lymphocytes. Ces agrégats sont un élément clé de la défense péritonéale (isolement de la source d’infection, absorption et activité angiogénique).

Encadré 2 : Causes de péritonite septique secondaire chez le chat et le chien

• Rupture intestinale :

– corps étranger perforant ;

– ulcère perforant ;

– déhiscence d’une incision chirurgicale ;

– rupture gastrique lors de syndrome dilatation-torsion de l’estomac ;

– perforation iatrogénique ;

– ischémie intestinale aiguë.

• Traumatisme abdominal perforant.

• Rupture urogénitale :

– rupture d’un pyomètre ;

– rupture d’un abcès prostatique ;

– rupture des voies urinaires lors d’infection urinaire.

• Pancréatite et abcès pancréatique.

• Abcès hépatique, hépatite, rupture d’une vésicule biliaire infectée.

• Abcès splénique.

• Abcès ombilical.

• Iatrogène :

– contamination chirurgicale ;

– contamination lors de dialyse péritonéale.

D’après [1, 3, 6, 8, 9].

POINTS FORTS

• La cause la plus fréquente de péritonite septique est une rupture intestinale.

• L’infection est souvent polybactérienne. Escherichia coli, Bacteroides spp., Clostridium spp., Klebsiella spp. et Enterococcus spp. sont fréquemment isolés.

• Escherichia coli est associé à une mort rapide en raison de la circulation d’endotoxines.

• Les manifestations cliniques d’une péritonite varient selon la cause et la gravité de l’infection.

• L’hypotension et la coagulation intravasculaire disséminée entraînent un taux de mortalité plus élevé.

Références

  • 1 – Anderson JR, Cornell KK, Parnell NK et coll. Pancreatic abscess in 36 dogs: a retrospective analysis of prognostic indicators. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2008;44(4):171-179.
  • 2 – Bentley AM, Otto CM, Shofer FS. Comparison of dogs with septic peritonitis: 1988-1993 versus 1999-2003. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2007;17:391-398.
  • 3 – Costello MF, Drobatz KJ, Aronson LR et coll. Underlying cause, pathophysiologic abnormalities, and response to treatment in cats with septic peritonitis: 51 cases (1990-2001). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2004;225(6):897-902.
  • 4 – Culp WT, Zeldis TE, Reese MS et coll. Primary bacterial peritonitis in dogs and cats: 24 cases (1990-2006). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2009;234(7):906-913.
  • 5 – Greenfield CL, Walshaw R. Open peritoneal drainage for treatment of contaminated peritoneal cavity and septic peritonitis in dogs and cats: 24 cases (1980-1986). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1987;191(1):100-105.
  • 6 – Hewitt SA, Brisson BA, Holmberg DL. Bile peritonitis associated with gastric dilation-volvulus in a dog. Can. Vet. J. 2005;46(3):260-262.
  • 7 – Kirby BM. Peritoneum and peritoneal cavity. In: Slatter, ed. Textbook of small animal surgery. Ed. Saunders, Elsevier Science, Philadelphia. 1993:407-430.
  • 8 – Lanz OI, Ellison GW, Bellah JR et coll. Surgical treatment of septic peritonitis without abdominal drainage in 28 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2001;37(1):87-92.
  • 9 – Ludwig LL, McLoughlin MA, Graves TK et coll. Surgical treatment of bile peritonitis in 24 dogs and 2 cats: a retrospective study (1987-1994). Vet. Surg. 1997;26(2):90-98.
  • 10 – Mueller MG, Ludwig LL, Barton LJ. Use of closed-suction drains to treat generalized peritonitis in dogs and cats: 40 cases (1997-1999). J. Am. Vet. Med. Assoc. 2001;219(6):789-794.
  • 11 – Ruthrauff CM, Smith J, Glerum L. Primary bacterial septic peritonitis in cats: 13 cases. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2009;45:268-276.
  • 12 – Shales CJ, Warren J, Anderson DM et coll. Complications following full-thickness small intestinal biopsy in 66 dogs: a retrospective study. J. Small Anim. Pract. 2005;46(7):317-321.
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