La vaccination sous pression et sans aiguille est efficace - Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010
Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010

Prophylaxie médicale en élevage

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Béatrice Bouquet

Fonctions : Cabinet vétérinaire
8, rue des Déportés, 80220 Gamaches

L’université de Hanovre a testé chez la vache un pistolet électronique transdermique pour administrer un vaccin BTV-8.

Menée dans l’urgence, la première campagne de vaccination des ruminants contre le sérotype 8 du virus de la blue tongue (BTV-8) apparu en Europe du Nord en 2006 s’est déroulée dans un contexte où des animaux pouvaient être infectés. La question d’une transmission iatrogène de ce virus (ou d’autres en voie d’éradication) par l’aiguille de vaccination sous-cutanée s’est donc posée d’une manière aiguë. Le besoin de systèmes d’injection sûrs sur le plan épidémiologique et à la fois rapides et efficaces s’est ravivé [8]. L’injection sous pression, sans aiguille, à travers le derme est possible. L’antigène vaccinal parvient jusque sous la peau, ce qui en fait une voie au moins équivalente à l’injection sous-cutanée avec ponction à l’aiguille. Il est plus largement mis en contact avec le plus grand organe immun de tout l’organisme : la peau. L’épiderme et le derme sont parsemés de cellules dendritiques présentatrices d’antigènes. La production d’anticorps est plus importante et plus variée comparativement à la voie intramusculaire, et équivalente, voire parfois supérieure selon les essais (surtout avec des vaccins vivants), à la voie sous-cutanée [1, 2, 3, 4, 6, 7, 8].

En médecine humaine, les dispositifs pour injection sous pression sans aiguille sont disponibles depuis les années 1930. Cependant, ils sont utilisés à grande échelle et un peu “à toutes les sauces” depuis cinquante ans seulement (encadré 1 complémentaire sur www.WK-Vet.fr) [1]. Dans l’Hexagone, en médecine vétérinaire, les pistolets mécaniques “historiques” Dermojet® conçus par le docteur Krantz restent disponibles pour un usage surtout canin, dermique et non vaccinal, mais sont tombés en désuétude (photos 1 et 2 complémentaires sur www.WK-Vet.fr). En élevage, un vaccin destiné aux lapins est administrable à l’aide de la version automatique de ce Dermojet® (Dercunimix® Merial, dont l’autorisation de mise sur le marché [AMM] date de fin 1998). Il s’agit d’un vaccin inactivé vis-à-vis du virus de la maladie hémorragique virale (VHD) et atténué pour la myxomatose. Ailleurs dans le monde, l’évolution technologique s’est poursuivie pour les injecteurs sans aiguille (encadré 2).

Un essai en Allemagne

La vaccination transdermique poursuit son approche en élevage bovin européen. Ainsi, l’efficacité d’Acushot® a été testée chez 29 vaches à l’école vétérinaire de Hanovre (Allemagne), pour l’administration d’un vaccin inactivé contre le BTV-8 commercialisé par une firme espagnole et utilisé un peu partout en Europe lors de la campagne vaccinale 2008 (Bluevac®, CZ Veterinaria). Les résultats, encourageants, ont été exposés au dernier forum européen de buiatrie à Marseille début décembre 2009. Une réponse immune plus rapide et des titres d’anticorps plus élevés comparativement à la vaccination avec aiguille ont été observés.

L’étude a été conduite sur des vaches de race holstein saines, non gestantes, hors lactation, âgées de 2 à 8 ans. Dans le groupe A (n = 10), le vaccin a été administré avec Acushot® en deux points juxtaposés de 5 cm (deux doses de 2 ml, le pistolet ne permettant pas d’injecter 4 ml). Dans le groupe B (n = 10), une seringue avec aiguille de 1,2 mm a été utilisée. Le groupe C (n = 9) a reçu une injection à l’aiguille de placebo (4 ml de NaCl). Toutes les vaches sont restées vironégatives. À 4 semaines après la vaccination (avec un rappel à 28 jours), une séroconversion a été notée chez 3 bovins du groupe A et chez 5 du groupe B. Toutes les vaches vaccinées ont présenté une séroconversion à 8 semaines. Les titres en anticorps sont alors significativement plus élevés chez les animaux vaccinés Acushot®. Aucune fièvre ni aucun abattement n’a été observé chez les vaches vaccinées, mais la procédure sans aiguille semble provoquer des réactions locales plus importantes, cependant légères et transitoires (3 semaines). Cette inflammation pourrait être bénéfique, renforçant la réaction immune selon divers auteurs [1, 2, 8].

Une présentation antigénique optimale

La voie transdermique permet une grande surface de contact entre les antigènes et l’organisme par rapport à la voie sous-cutanée. Selon la pression, le site choisi, l’épaisseur cutanée et la viscosité du liquide, l’injection parvient à diverses épaisseurs tissulaires (du derme au muscle). Elle n’est jamais strictement intradermique [1]. Les données manquent sur la pression qui permet de pénétrer à telle épaisseur tissulaire, espèce par espèce et selon le site d’injection. Cela serait un préalable utile aux études de reproductibilité de l’immunité engendrée après injection transdermique.

L’équipe allemande aimerait tester à l’avenir l’efficacité d’une dose moindre du même vaccin BTV-8 (3 ml). Divers essais démontrent, en effet, qu’une dose d’antigène moitié, voire dix fois moindre qu’avec la voie intramusculaire suffit (cités par [1, 6], à partir de vaccins vivants, mais pas seulement).

Pour la vaccination BTV, il convient de confirmer qu’aucune maladie n’est effectivement transmise par le pistolet injecteur transdermique. En médecine humaine, le “nez” des injecteurs transdermiques est désormais à usage unique.

2 000 €, mais une voie “dans l’ère du temps”

Le coût du pistolet n’est pas négligeable, la version Acushot® de base coûtant, par exemple, 2 000 € (hors accessoires de type kit mains libres, porte-flacon ou modèle microdoses) [8]. Chase et coll. citent l’argument financier comme un frein majeur à la diffusion de la voie transdermique en médecine vétérinaire (porcine) [1]. Ils constatent néanmoins le retour en force récent de cette voie d’administration et la relient à deux éléments. D’une part, les progrès en immunologie gomment l’empirisme qui l’entachait, offrant des démonstrations scientifiques de son efficacité. D’autre part, les procédures d’assurance-qualité ont conduit à chercher à minimiser les lésions aux sites d’injection dues aux aiguilles brisées ou aux contaminations bactériennes [5]. Avec cette voie, plus besoin non plus de recourir à la filière d’élimination des tranchants (pas d’aiguilles à jeter). Le développement des préoccupations relatives au bien-être animal lui ouvre aussi un avenir, même s’il n’est pas scientifiquement établi que l’injection est moins douloureuse (il s’agit le plus souvent de constatations préliminaires comme dans [8]) (tableau).

La diversité des vaccins testés avec le pistolet à pression, ne serait-ce qu’en pratique porcine, s’est étendue (Mycoplasma hyopneumoniae, mais aussi Aujeszky, grippe, fièvre aphteuse, etc.). Chez les ruminants, en plus du BTV, des vaccins transdermiques contre la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), la leptospirose, la pasteurellose ou encore le piétin ont été mis en œuvre dans les élevages (ils ne sont pas autorisés en Europe).

Autre signe de la large place qu’elle pourrait occuper demain en vaccinologie, la voie transdermique a montré sa supériorité pour des vaccins de dernière génération à nanoparticules recouverts d’ADN, par rapport à la voie sous-cutanée avec aiguille.

Sans compter que la trans-dermo-injection permet non seulement l’administration de vaccins, mais aussi celle d’antibiotiques ou de fer en élevage.

Encadré 2 : Des pistolets à la pointe de la technologie

• Des pistolets non plus à ressort, comme les modèles “historiques”, mais pneumatiques ont été conçus. Les dispositifs initiaux, un peu lourds à utiliser, requièrent une source de gaz et restent cantonnés à quelques élevages industriels aux États-Unis (taux d’emploi à l’échelon national inférieur à 2 % chez le porc en croissance et à 5 % chez la truie en 2007).

• Dernièrement, des modèles sans gaz pneumatique sont arrivés sur le marché, comme le dispositif canadien Acushot® (photos 3 complémentaire sur www.WK-Vet.fr et 4) [a]. Précis (dosage électronique) et interactifs (un écran LCD et un système de “bip” permettent d’informer l’utilisateur sur le niveau de pression, la disponibilité en vaccin, les doses administrées, etc.), ils connaissent un essor international (la firme multiplie les accords commerciaux dans plusieurs pays, y compris sur le continent asiatique).

En Europe, Intervet propose aussi un appareil pneumatique sans gaz, baptisé IDAL® pour Intra Dermal Application of Liquids (photo 5 complémentaire sur www.WK-Vet.fr) [c]. La voie d’administration transdermique est, en effet, prévue dans l’AMM européenne de son vaccin contre le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin, Porcilis® PRRS (seulement la voie intramusculaire dans l’AMM française en 2009).

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