Prévention néonatale des infections des caprins - Le Point Vétérinaire n° 302 du 01/01/2010
Le Point Vétérinaire n° 302 du 01/01/2010

Maladies infectieuses et néonatalogie des caprins

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Christophe Chartier*, Carine Paraud**, Pascale Mercier***, Nathalie Franquet****, Stephen Valas*****

Fonctions :
*Afssa Niort
60, rue de Pied-de-Fond, BP 3081, 79012 Niort Cedex
**Afssa Niort
60, rue de Pied-de-Fond, BP 3081, 79012 Niort Cedex
***Afssa Niort
60, rue de Pied-de-Fond, BP 3081, 79012 Niort Cedex
****Afssa Niort
60, rue de Pied-de-Fond, BP 3081, 79012 Niort Cedex
*****Afssa Niort
60, rue de Pied-de-Fond, BP 3081, 79012 Niort Cedex

La mise en place de mesures spécifiques dès la naissance des chevreaux permet de limiter la transmission d’agents pathogènes ayant un impact majeur à l’âge adulte.

La période néonatale chez le chevreau est particulièrement propice à l’expression de maladies digestives, respiratoires, articulaires, méningées ou de type septicémique. Ces affections sont le plus souvent multifactorielles (multiples agents infectieux, statut immunitaire, conduite de l’élevage). Les agents pathogènes peuvent connaître plusieurs portes d’entrée : orale (colostrale, lactée), respiratoire, ombilicale, etc. Le taux de mortalité est autour de 10 à 15 % pendant les 2 premières semaines de vie et représente plus de 90 % de la mortalité totale de la première année [27].

De manière encore plus importante, mais moins directement perceptible par l’éleveur, la période néonatale représente également une phase de très grande réceptivité vis-à-vis de certains agents pathogènes qui peuvent ne pas évoluer (portage) ou évoluer très lentement, et qui ne se traduisent cliniquement qu’à l’âge adulte (encadré 1).

Dans cette catégorie de maladies, un certain nombre de syndromes sont impliqués dans les causes de mortalité ou de réforme chez la chèvre adulte :

– les mammites cliniques ou, plus encore, subcliniques avec un tableau dominant d’agalactie : une implication des mycoplasmes est probable dans un certain nombre de cas [4, 15] ;

– le syndrome “chèvre maigre” expliqué en grande partie par la paratuberculose [7] ;

– les troubles locomoteurs, et en particulier le syndrome “gros genoux” dont l’AECV (arthrite-encéphalite caprine virale) est responsable en quasi-totalité [19].

Ces trois affections sont davantage impliquées dans les causes de réforme que dans celles de mortalité, ce qui suggère une importance économique particulièrement lourde (figure). Par ailleurs, d’autres affections chroniques comme le complexe “maladies des abcès” présentent de fortes prévalences dans certains troupeaux caprins avec plus de 30 % des chèvres adultes présentant des lésions [5].

Ces différentes affections chroniques s’exprimant chez la chèvre adulte peuvent résulter d’une transmission à tout âge, mais elles peuvent être acquises au très jeune âge : c’est le cas principalement avec la paratuberculose et l’AECV, mais aussi pour la lymphadénite caséeuse et les mycoplasmoses [18]. Dans ce dernier cas, c’est l’épidémiologie très particulière de ce groupe d’affections chez la chèvre (importance du lait dans la transmission et contamination probable au jeune âge, expression clinique non systématique bien que fréquente chez le jeune et importance du portage) qui permet de suspecter un rôle possible de l’infection au jeune âge sur une expression clinique ou une excrétion ultérieures [4]. Ainsi, le contrôle des maladies infectieuses en élevage caprin commence invariablement par une stratégie d’élevage du jeune. Elle vise à réduire sa contamination précoce vis-à-vis d’agents pathogènes pour lesquels les seules possibilités de maîtrise ultérieure portent sur l’expression clinique. Par exemple, la séparation immédiate des jeunes par rapport aux mères et l’utilisation de colostrum traité thermiquement restent une des approches majeures pour maîtriser les infections par le virus de l’arthrite-encéphalite caprine bien que cette procédure n’ait pas rencontré à ce jour le succès attendu dans les troupeaux caprins en France. Dans certaines conditions, cette approche peut également être profitable vis-à-vis des infections à Mycobacterium avium paratuberculosis (paratuberculose), à mycoplasmes, voire à Corynebacterium pseudotuberculosis (lymphadénite caséeuse qui fait partie du complexe maladie des abcès). Toutefois, cette réduction de la contamination précoce des jeunes n’est évidemment pas suffisante. Elle doit s’accompagner tout au long de l’élevage de mesures complémentaires fondées sur les grands principes que sont le dépistage des animaux infectés, leur séparation ou leur réforme, associées à des mesures générales d’hygiène (locaux et traite notamment) (encadrés 2 et 3).

Cet article envisage quelques maladies infectieuses des caprins à transmission périnatale majeure. En revanche, bien que la contamination au jeune âge soit un des facteurs importants d’une transmission, puis d’une évolution clinique ultérieure de la tremblante, il n’évoque pas celle-ci en raison de sa très grande rareté chez la chèvre [25].

Arthrite-encéphalite caprine virale

1. Épidémiologie

L’AECV est une infection lentivirale qui se traduit chez l’adulte par un syndrome d’expression clinique très polymorphe. Elle associe signes articulaires, mammaires (pis de bois, mamelles déséquilibrées) ou pulmonaires, et chez la chevrette, de manière plus exceptionnelle, des troubles nerveux (encéphalomyélite de la chevrette) (photos 1 et 2). Chez près de 70 % des animaux, elle peut également évoluer de manière latente et asymptomatique [22]. La prévalence et l’importance économique de l’AECV sont particulièrement grandes : 70 à 150 l de lait perdus lors d’arthrites chroniques, 40 l lors de mamelles déséquilibrées, 10 à 20 % lors d’infections subcliniques, etc. [19, 21]. Les pertes indirectes sont également très importantes et comprennent les réformes anticipées, les coûts des mesures de contrôle et la moindre valeur des reproducteurs.

Les cellules hôtes principales du virus sont les cellules de la lignée monocyte/macrophage et les cellules dendritiques, ainsi que les cellules épithéliales du tractus respiratoire, de la glande mammaire, de la membrane synoviale et du plexus choroïde. Le virus se réplique surtout lors de la maturation des monocytes en macrophages au cours de leur passage dans les tissus. Dans ceux-ci, une infiltration massive de cellules mononucléées se produit (lymphocytes et monocytes/macrophages).

Le virus de l’AEC est essentiellement transmis par voies orale (colostrum, lait) et respiratoire (sécrétions, aérosols). Cependant, la maîtrise de la voie colostrale par le traitement thermique du colostrum, bien que réduisant fortement les séroconversions ultérieures, n’empêche pas certains animaux de séroconvertir, et notamment ceux issus de mères positives. Ainsi, la transmission transplacentaire (ou utérine, lors de la mise bas) de l’AECV est suspectée bien qu’à ce jour non formellement démontrée [10]. À titre d’exemple, sur 39 fœtus issus de 31 chèvres séropositives vis-à-vis de l’AECV, aucune polymerase chain reaction (PCR) effectuée sur le sang de cordon n’a été positive (tableau 1) [Franquet, Valas, Chartier, données non publiées]. Pour un autre lentivirus très voisin, le Visna-Maedi, la transmission prénatale de la brebis à l’agneau a été estimée comme non négligeable (jusqu’à 10 %) [6]. Par ailleurs, la possibilité de transmission par voie mammaire, lors de la traite (phénomène d’impact), a été démontrée expérimentalement chez les carprins [11]. Une fois infectés, les animaux le restent de façon permanente.

La variabilité de ces modes de transmission rend compte de la complexité des mesures de prévention à mettre en place pour contrôler l’AECV. Le principe du programme de contrôle de l’AECV en exploitation caprine s’appuie sur quatre points [22] :

– la “cueillette” des chevreaux à la naissance, c’est-à-dire la séparation immédiate du chevreau de sa mère (limitation maximale des contacts chevreau/ mère et chevreau/environnement) ;

– l’administration de colostrum traité thermiquement ;

– l’administration de lacto-remplaceurs ou de lait de chèvre pasteurisé ;

– la séparation des jeunes vis-à-vis des adultes.

2. Maîtrise de l’infection du jeune à partir de la naissance

La mesure essentielle est la séparation du jeune de sa mère dès la naissance avant tout contact (léchage, tétée), suivie d’une désinfection du cordon, d’un séchage du chevreau et d’une administration de colostrum non infectieux par l’éleveur (tableau 2). Cette mesure ne garantit pas l’absence totale de contamination du chevreau. En effet, l’infection prénatale ne peut être écartée formellement de même que l’infection au cours de la mise bas. Ne pas garder de chevreaux issus de mères positives constitue une mesure additionnelle drastique qui peut limiter fortement ces possibilités de contaminations pré- et périnatale.

L’induction de la parturition peut être une mesure limitant le nombre de naissances en dehors du contrôle de l’éleveur.

Trois procédures permettent d’obtenir un colostrum non infectieux en prévention de l’AECV :

– la production d’un colostrum de chèvre thermisé ;

– l’utilisation d’un colostrum de bovin ;

– l’emploi de préparations colostrales du commerce (encadré 4).

Pour ces dernières, il convient cependant de se montrer très prudent tant sur les teneurs “garanties” en IgG, pas toujours très précises, que sur les aspects sanitaires eux-mêmes pour lesquels l’information peut être absente.

L’administration de colostrum doit être précoce (première buvée avant 4 à 6 heures, seconde buvée avant 12 heures, le total des deux buvées représentant 100 ml/kg de poids vif). La qualité du colostrum peut être évaluée indirectement par un pèse-colostrum bovin (densité), mais son usage nécessite une prise en compte de la température du colostrum. L’estimation de la concentration en immunoglobulines semble assez imprécise dans le cas du colostrum de chèvre [23].

Le traitement thermique, 56 °C pendant 1 heure, est souvent associé à la congélation afin de pouvoir conditionner et stocker les différents lots traités pour un usage ultérieur (photos 3a et 3b). La répétition des cycles de congélation/décongélation affecte progressivement la concentration des IgG, quel que soit le système de décongélation (bain-marie, + 4 °C, + 27 °C, four à micro-ondes). Toutefois, les valeurs ne baissent qu’à partir du troisième ou du quatrième cycle [2]. La traçabilité des opérations est une mesure essentielle : protocoles écrits, appropriation par le personnel, entretien et vérifications des matériels, procédure de thermisation donnant lieu à de nombreux contrôles (pesée du colostrum, relevés de température, nettoyage, etc.), vigilance sur les risques de contamination croisée entre colostrums non thermisé et thermisé (notamment lors de procédures distinctes entre chevrette de renouvellement et chevreau de boucherie), identification des lots de colostrum sachant que tout défaut d’exécution peut être à l’origine d’un échec sur une génération de chevrettes.

3. Mesures ultérieures de contrôle

L’élevage des jeunes avant puis après le sevrage s’effectue séparément des adultes jusqu’à la première mise bas. L’ensemble de cette démarche peut faire passer le taux d’infection des chevrettes à 1 an de 44 à 9 %, ce qui est encourageant [20].

La conduite des adultes, afin de minimiser l’infection des animaux sains, doit prendre en compte les deux voies de transmission majoritaires : les voies respiratoire et mammaire. La première ne peut être maîtrisée valablement qu’en séparant les animaux infectés (positifs) des animaux sains : séparation physique des lots avec une impossibilité de contact, soit une distance d’au moins 2 à 3 m, voire des bâtiments spécifiques. La seconde consiste à traire les chèvres dans un ordre d’infection croissant, soit les animaux séronégatifs en premier. Si l’âge est le seul indicateur disponible, le chantier de traite doit commencer par les plus jeunes (photo 4).

L’emploi d’aiguilles à usage unique et la désinfection du matériel de tatouage sont nécessaires.

En 2007, un peu moins de 400 troupeaux ont adhéré au contrôle sanitaire officiel (CSO) AECV, soit 1,35 % des élevages. Parmi ceux-ci, seuls 188 troupeaux ont bénéficié du statut officiellement indemne. La faiblesse de ces chiffres indique clairement un échec de la mise en œuvre du CSO AECV.

L’analyse de cet échec fait apparaître des difficultés d’observance des mesures proposées, considérées comme trop lourdes, en particulier lors de la cueillette et du traitement thermique du colostrum, ainsi qu’au niveau de la régularité des contrôles sérologiques et de l’élimination rapide des animaux positifs [19]. Il en résulte souvent un relâchement, voire une résignation des éleveurs vis-à-vis des mesures de prophylaxie, ce qui constitue un véritable risque de résurgence clinique de la maladie [24].

Mycoplasmoses

1. Épidémiologie

Les mycoplasmoses caprines sont un groupe d’infections dues à plusieurs espèces de Mycoplasma se traduisant par des symptômes d’expression et de gravité très variables, mais souvent dommageables sur le plan économique (diminution de la production laitière, mortalité, réformes, coûts de traitement). L’évolution au sein d’une exploitation peut aller du portage inapparent (7 % des laits de tank tout-venant sont positifs en bactériologie vis-à-vis des mycoplasmes) à une catastrophe sanitaire, en raison de facteurs mal identifiés (souches virulentes, facteurs de réceptivité/sensibilité, etc.).

Les principaux mycoplasmes pathogènes affectant les caprins sont au nombre de 4 : Mycoplasma agalactiae, Mycoplasma mycoides mycoides biotype LC, Mycoplasma capricolum capricolum et Mycoplasma putrefaciens. Les trois dernières espèces appartiennent au groupe “mycoides” et, à ce titre, ont des relations antigéniques étroites. Par ailleurs, les trois premières espèces sont considérées comme des agents pathogènes majeurs, M. putrefaciens comme un agent pathogène intermédiaire. Il existe à l’opposé des mycoplasmes opportunistes non pathogènes (comme M. arginini). Cela plaide, lors d’un isolement de mycoplasme dans une exploitation, pour une étape ultérieure d’identification. Selon le prélèvement réalisé, la fréquence d’isolement des différentes espèces de mycoplasmes chez la chèvre varie (tableau 3).

Les sources et les voies d’infection sont très variées : voies digestive avec le lait des mères (jeunes qui révèlent ainsi un portage inapparent des mères), respiratoire, oculaire, mais aussi mammaire indirecte entre adultes lors de la traite. La voie génitale est mal documentée, mais probablement accessoire. Le rôle des acariens auriculaires dans la transmission d’un animal infecté à un animal sain est suspecté, mais non établi formellement. La transmission in utero de la mère au fœtus est possible et peut, dans certains cas, conduire à des avortements ou à la naissance à terme de chevreaux présentant des arthrites. La survie des mycoplasmes dans le milieu extérieur est limitée, mais non nulle.

2. Maîtrise de l’infection du jeune à partir de la naissance

La séparation des jeunes de leurs mères dès la naissance (avant la première buvée) et l’administration de colostrum thermisé (un chauffage à 56 °C pendant 20 minutes est suffisant) représentent des mesures majeures pour limiter les possibilités de transmission précoce, donc pour prévenir, notamment, les cas d’arthrite ou de pneumonie chez le chevreau (photo 5). Ces mesures peuvent en outre avoir un impact sur toutes les formes d’infection autres que cliniques (portages, infections subcliniques) pouvant exister lors de mycoplasmoses des petits ruminants et l’éventuelle persistance de l’infection dans le troupeau adulte [4].

3. Mesures ultérieures de contrôle

Compte tenu de l’importance du portage auriculaire de mycoplasmes chez certaines chèvres, de l’impossibilité de traiter efficacement les animaux atteints cliniquement, qui deviennent ainsi, dans la majorité des cas, des excréteurs de bactéries, mais aussi des multiples voies de transmission, les mesures de contrôle ultérieures sont particulièrement complexes. Chez les ovins, pour lesquels M. agalactiae domine et où le portage inapparent semble peu important, la prophylaxie sanitaire fondée sur la maîtrise des introductions (statut sanitaire des troupeaux) ou de l’assainissement des troupeaux (sérologie, abattage) est appliquée et semble donner de bons résultats. Cela n’est pas envisageable en élevage caprin (sauf cas très particulier des foyers en Haute-Savoie à M. agalactiae).

Les méthodes de contrôle sont, dans la majorité des cas, mises en place à la suite de cas cliniques et associent soit :

– une antibiothérapie, en métaphylaxie ou en prophylaxie lors du tarissement ;

– un aménagement du chantier de traite (traite des malades en dernier, mise en lots selon les niveaux de numérations cellulaires individuelles ou selon un gradient d’âge en l’absence d’informations et traite des lots dans un ordre d’hygiène décroissant, renforcement des procédures sanitaires pour la traite elle-même) ;

– la réforme rapide des cas cliniques ;

– la séparation physique des malades.

La recherche positive de mycoplasmes pathogènes dans le lait de tank, même en l’absence de clinique évidente (les mycoplasmes non pathogènes sont rarissimes dans le lait, contrairement au poumon), doit conduire à une stratégie impliquant au minimum un traitement au tarissement. Celui-ci peut être effectué par voie générale ou locale et s’appuyer sur les familles suivantes : macrolides, tétracyclines ou fluoroquinolones [3, 15]. Toutefois, les informations manquent en termes d’efficacité et d’éventuelles résistances.

Paratuberculose

1. Épidémiologie

La paratuberculose affecte les ruminants domestiques et sauvages. Elle est due à la multiplication dans la muqueuse intestinale d’une mycobactérie, Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis (Map). La maladie, enzootique, se traduit par un amaigrissement irréversible et une diminution des performances. Chez la chèvre, la paratuberculose clinique n’est pas accompagnée de diarrhée (photo 6).

La paratuberculose est fréquente et présente une large distribution géographique en France (de 10 à 20 % des motifs d’autopsie de la chèvre adulte) [7]. Dans certaines régions, le pourcentage d’élevages infectés peut dépasser 65 % [14]. Les pertes économiques sont liées à celles de production laitière, aux réformes anticipées, à la mortalités, aux frais de renouvellement du cheptel, de dépistage et de prévention, le cas échéant. La difficulté du diagnostic clinique et l’absence de moyens efficaces de contrôle constituent deux écueils particuliers de cette maladie.

Map est résistante aux agents physico-chimiques, donc dans le milieu extérieur. Classiquement, Map pénètre dans l’organisme par voie orale, avec les aliments ou l’eau contaminée, puis est captée par les plaques de Peyer intestinales et transférée dans les macrophages. Des lésions granulomateuses apparaissent dans la muqueuse et les nœuds lymphatiques correspondants. Si l’infection se poursuit, l’infiltration cellulaire par les macrophages contenant Map s’étend à l’intestin et vers le torrent circulatoire (bactériémie) pour gagner des localisations extra-intestinales (mamelle et utérus). L’excrétion de Map dans les fèces devient parallèlement de plus en plus importante avec l’apparition des signes cliniques.

Le pouvoir pathogène dépend de facteurs liés :

– à l’animal. L’âge joue un rôle majeur. Plus il est infecté jeune (2 à 4 premières semaines de vie), plus la probabilité de développer une paratuberculose clinique est grande. Il existe aussi des facteurs génétiques de réceptivité/sensibilité encore mal connus ;

– à l’environnement. Le passage au stade clinique semble favorisé par des carences ou des déséquilibres alimentaires, la mise bas, le parasitisme digestif, l’hygiène de l’élevage et la nature des terrains (sols acides).

Les animaux atteints cliniquement, mais aussi ceux qui sont infectés inapparents contaminent l’environnement et les aliments par leurs fèces. Le colostrum, le lait, le sperme, le placenta peuvent naturellement contenir des bactéries.

La transmission est essentiellement horizontale par souillure des trayons, du lait, des aliments, y compris l’eau de boisson. Le colostrum et le lait, représentent donc des sources de Map soit par souillure fécale soit par présence directe dans le lait notamment dans les macrophages.

Une transmission verticale (in utero) est possible, en particulier à partir de mères atteintes cliniquement.

La maîtrise sanitaire de la paratuberculose conjugue une limitation de l’infection des jeunes et une diminution de la source de matières virulentes (excrétion des adultes, contamination des locaux).

2. Maîtrise de l’infection du jeune à partir de la naissance

Les jeunes doivent être séparés immédiatement des mères (cueillette), puis nourris au colostrum et au lait de remplacement dans des locaux spécifiques, distincts des adultes. Selon de Juan et coll., la séparation des chevreaux permet de faire passer le taux d’infection de ceux-ci de 73 à 26 % [8]. Dans la même étude, le taux global d’animaux séropositifs dans une exploitation passe en 3 ans de 30 à 13 % avec l’application de cette mesure.

Toutefois, le schéma utilisé pour détruire le virus de l’AECV dans le colostrum (à 56 °C pendant 1 heure) n’est probablement pas suffisant pour détruire Map. Les données sur le sujet proviennent d’études réalisées sur le colostrum bovin, avec différents couples température-temps (tableau 4). Ces résultats montrent qu’une température de 60 °C pendant 60 minutes pourrait représenter une option de traitement du colostrum sans que la stabilité de celui-ci soit notablement affectée. Cependant, dans cette dernière hypothèse, les conditions de montée en température et d’agitation sont particulièrement cruciales [Levieux, communication personnelle]. De plus, la garantie de la destruction des Map n’est pas totale. Il s’agit donc plus d’une procédure de forte réduction de l’exposition des jeunes que d’une sécurisation complète du colostrum.

Ainsi, de manière générale, les mélanges de colostrums représentent un risque évident de transmission de la paratuberculose, celui-ci étant particulièrement élevé pour les colostrums non traités thermiquement. La procédure, en amont, consistant à écarter tout animal suspect cliniquement, à la fois pour sa descendance et son colostrum, paraît ainsi indispensable pour diminuer le risque de transmission néonatale. Les solutions alternatives sont le colostrum (individuel de la mère) au biberon, le colostrum bovin (avec les réserves émises précédemment) ou les préparations commerciales, souvent insuffisantes en apport d’Ig.

3. Mesures de contrôle des adultes

En milieu infecté, la première approche est la réforme des chèvres atteintes cliniquement, ainsi que de leur descendance, qui constituent le risque de contamination (immédiat et potentiel) le plus important. Le second niveau de réforme peut être l’élimination des animaux excréteurs asymptomatiques. Ceux-ci peuvent être détectés par culture fécale ou PCR, mais le coût élevé et/ou le délai de ces analyses peuvent faire privilégier la sérologie bien que son positionnement par rapport à l’excrétion ne soit pas encore connu avec précision. Une attitude intermédiaire, pour les troupeaux ayant un fort taux de positivité, consiste à éliminer les chèvres positives dès la moindre baisse de l’état général (importance de la notation de l’état corporel) ou des performances.

L’hygiène générale de l’élevage doit de plus mettre l’accent sur la propreté des auges et des abreuvoirs, en chèvrerie comme à l’extérieur (souillures fécales), ainsi que sur l’interdiction d’épandage du fumier sur les pâtures des jeunes et un compostage de celui-ci en petits tas sur de longues périodes (1 an).

Tous les facteurs potentiels de déclenchement de la paratuberculose clinique doivent être évités : respect de l’équilibre alimentaire (cellulose, concentrés, minéraux, vitamines), contrôle des infestations parasitaires (en système pâturage).

Des mesures particulières sont à mettre en œuvre lors de la période périnatale afin de limiter le plus possible la transmission d’agents infectieux qui se révèlent particulièrement redoutables à l’âge adulte. Bien que contraignantes, elles sont indispensables, et le bénéfice attendu est considérable en raison de l’impact économique de ces maladies.

Références

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Encadré 1 : Principales affections pouvant être transmises au chevreau autour de la mise bas

Évolution aiguë ou suraiguë

• Arthrites infectieuses.

• Colibacilloses.

• Septicémies.

• Pasteurelloses.

• Méningites (notamment Streptococcus spp.).

• Viroses (rotavirus, coronavirus, adénovirus).

• Cryptosporidiose.

Évolution lente et/ou expression clinique différée

• Arthrite-encéphalite caprine virale.

• Mycoplasmoses au sens large qui peut également

• être aiguë à suraiguë chez les jeunes).

• Paratuberculose (Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis).

• Lymphadénite caséeuse (Coryne bacterium pseudotuberculosis).

• Tremblante.

Encadré 2 : Les quatre piliers de la prévention des maladies infectieuses chez les nouveau-nés

• Maîtriser l’environnement (hygiène).

• Soustraire le nouveau-né de l’environnement contaminé.

• Augmenter la résistance non spécifique (colostrum).

• Augmenter la résistance spécifique (colostrum, vaccination).

Encadré 3 : Surveillance en routine des principales maladies en élevage caprin

• Autopsie régulière par sondage sur des animaux réformés ou morts.

• Établissement du statut vis à vis des minéraux et des oligo-éléments.

• Diagnostic sérologique sur tout ou partie du troupeau ou chez animaux introduits.

• Examens bactériologiques du lait (individuel ou tank) et numérations de cellules somatiques du lait.

• Évaluation de l’efficacité des protocoles de soins.

POINTS FORTS

• La prévalence et l’importance économique de l’arthrite-encéphalite caprine virale (AECV) sont très élevées.

• Les mycoplasmoses caprines provoquent des symptômes très variables, mais sont souvent dommageables sur le plan économique.

• Pour limiter la contamination des chevreaux, la mesure essentielle est de séparer le jeune de sa mère dès la naissance et de lui administrer du colostrum non infectieux.

Encadré 4 : Procédures pour obtenir un colostrum non infectieux en prévention de l’arthrite-encéphalite caprine virale (AECV)

Production d’un colostrum de chèvre thermisé (56 °C pendant 1 heure)

L’effet de ce traitement thermique sur l’infectiosité par le virus de l’AEC a été validé dès 1983 [1]. Les conséquences sur la qualité du colostrum sont considérées comme très limitées même si les données publiées sur ce sujet ne sont pas nombreuses et parfois contradictoires. Ainsi, Arguello et coll. rapportent une concentration d’IgG passant de 33,59 g/l avant traitement à 21,19 g/l après traitement [2]. Il existe des stérilisateurs à régulation électronique qui doivent être entretenus et vérifiés régulièrement (température +/- 2 °C). Ce colostrum de mélange peut être stérilisé à l’avance et congelé. Un traitement thermique voisin, mais moins contraignant, a été proposé au Canada : 57 °C pendant 10 minutes puis stockage dans une bouteille thermos (préchauffée avec de l’eau bouillante) pendant 1 heure. Dans certains programmes d’éradication en place dans des pays européens, la thermisation du colostrum n’a pas été retenue car elle n’était pas considérée comme assez fiable (observance de la thermisation). Lors d’administration de lait pasteurisé aux chevreaux (plus important pour les races non laitières), le traitement thermique recommandé est de 74 °C pendant 14 secondes.

Utilisation d’un colostrum de bovin

Cette solution alternative est possible ; la congélation et le stockage sont là aussi souvent nécessaires. Il convient de signaler, dans de très rares cas, la possibilité d’anticorps dirigés contre les hématies de chevreaux avec l’apparition d’un syndrome d’anémie hémolytique et une mortalité pouvant être importante. Le risque éventuel lié à la contamination par Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis et d’autres agents pathogènes (Salmonella spp, etc.) est également à souligner.

Emploi de préparations colostrales du commerce

Cette solution alternative intéressante est cependant plus coûteuse. Seules les préparations orales permettent d’obtenir des concentrations sériques en Ig satisfaisantes.

SOURCE

Ce travail a fait l’objet d’une présentation lors du congrès national des groupements techniques vétérinaires à Nantes,13-15 mai 2009.

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