Chirurgie du chien et du chat
Mise à jour
CONDUITE À TENIR
Auteur(s) : Anne-Laure Brami*, Diego Rossetti**, Stefano Scotti***
Fonctions :
*Clinique vétérinaire
43, avenue du Chemin-Vert
95290 L’Îsle-Adam
**Clinique vétérinaire
43, avenue du Chemin-Vert
95290 L’Îsle-Adam
***Clinique vétérinaire
43, avenue du Chemin-Vert
95290 L’Îsle-Adam
En présence d’une tumeur buccale, le diagnostic, le bilan d’extension et le traitement doivent être réalisés au plus vite afin d’offrir le meilleur pronostic pour l’animal.
Chez les carnivores domestiques, la cavité buccale est le quatrième site en termes de fréquence de survenue des tumeurs [6]. Le chien est 2,6 fois plus touché par ce phénomène tumoral que le chat. Bien que les tumeurs de la bouche s’expriment cliniquement selon un schéma souvent commun, elles diffèrent par leur nature, leur agressivité locale et leur capacité ou non à métastaser. Elles sont classées en tumeurs bénigne (épulis fibromateux ou ossifiant), bénigne à comportement malin (améloblastome, épulis acanthomateux) et maligne (mélanome, carcinome épidermoïde, fibrosarcome, ostéosarcome) [5].
La taille tumorale, la détermination d’un envahissement ganglionnaire local et la présence ou non de métastases permettent d’établir un bilan d’extension selon le principe du diagnostic “TNM” (foyer tumoral primaire, nœud lymphatique, métastases secondaires) et de donner un pronostic.
Lors de tumeur buccale, plus le diagnostic, le bilan d’extension et le traitement sont précoces, meilleur est le pronostic pour l’animal.
Les tumeurs buccales les plus rostrales peuvent être identifiées par le propriétaire et constituer un motif de consultation [3]. La plupart sont toutefois découvertes au cours d’un examen rigoureux de la bouche (photo 1).
L’anamnèse joue un rôle important dans la démarche diagnostique. Ainsi, les animaux concernés par les tumeurs de la cavité buccale présentent fréquemment une halithose, un ptyalisme, une dysphagie, un amaigrissement dû à une perte de la capacité de préhension alimentaire, une hématémèse, voire une déformation des segments osseux. De plus, une exérèse dentaire trop aisée peut elle aussi impliquer une atteinte tumorale du tissu parodontal.
L’inspection buccale constitue une étape décisive car elle conditionne la précocité du diagnostic et le pronostic.
Certains éléments cliniques permettent d’avancer des hypothèses sur le caractère bénin ou malin de la tumeur. Une atteinte osseuse, une ulcération ou une hyperpigmentation sont, en général, les signes d’un processus tumoral malin (photo 2).
Lorsque l’inspection complète de la bouche se révèle difficile, une anesthésie générale est parfois nécessaire [4].
Souvent, l’examen clinique ne permet pas à lui seul d’établir un diagnostic de certitude, et des examens complémentaires sont alors nécessaires.
La cytoponction d’une masse à l’aiguille fine permet d’obtenir une identification cytologique dans 90 à 98 % des cas en médecine vétérinaire, contre 97 à 98 % des cas en médecine humaine [8]. La sensibilité de cet examen est élevée, mais sa spécificité est décevante.
Pour obtenir un diagnostic exact de la tumeur, la biopsie reste donc l’examen de choix (photo 3) [8]. Elle doit être réalisée à l’aide d’une lame de scalpel ou d’un trocart afin de préserver la morphologie tissulaire nécessaire à l’analyse histologique. L’usage du bistouri électrique est réservé au traitement chirurgical, voire à la cautérisation des tissus après la biopsie, car il entraîne des altérations tissulaires importantes [3].
Le prélèvement doit être suffisamment profond et le plus large possible. Le mieux est d’obtenir de nombreux échantillons à localisations multiples. Cependant, il est préférable de ne pas extraire un élément situé au centre de la lésion car il s’agit bien souvent d’un tissu nécrotique non représentatif [1].
Lorsque la masse est petite et pédiculée, la biopsie consiste en l’exérèse [3].
Un examen immunohistologique (IHC) est parfois requis pour le diagnostic des tumeurs peu différenciées.
Ces analyses incluent la recherche de :
– la cytokératine, constituant des tonofilaments des cellules épithéliales, pour les carcinomes ;
– la vimentine, constituant des filaments intermédiaires des cellules conjonctives, pour les sarcomes ;
– la mélanine A, la tyrosinase (enzyme participant à la synthèse de ce pigment) ou une protéine multifonctionnelle dite “S100”, responsable de la fixation intracellulaire du calcium, pour les mélanomes malins (MM).
Pour ces derniers, l’examen immunohistologique est d’autant plus utile qu’il existe des MM amélanotiques (absence de granulation typique de ce type de cellule) [3].
Dans un premier temps, un bilan local est établi. La région suspecte est radiographiée pour mettre en évidence une éventuelle atteinte osseuse et pour délimiter l’infiltration tissulaire (photos 4 et 5) [1]. Les tumeurs malignes se caractérisent par une lyse osseuse importante et irrégulière, et les processus bénins, par une prolifération osseuse. Toutefois, la sensibilité d’un cliché radiographique est telle qu’une perte d’au moins 30 à 50 % de la minéralisation de l’os est nécessaire pour qu’une lésion soit détectée [8]. Cet examen a tendance à sous-estimer l’envahissement tumoral des tissus durs et mous.
Dans un second temps, des clichés thoraciques permettent d’identifier la présence ou non de métastases pulmonaires (détection à partir de 0,5 cm environ), afin d’établir le bilan d’extension. Dès lors, trois incidences doivent être réalisées : deux vues de profil (droite et gauche) et une vue ventro-dorsale [3].
Tandis que les mélanomes et les carcinomes épidermoïdes ont tendance à infiltrer rapidement les nœuds lymphatiques, les poumons ou d’autres organes, les fibrosarcomes et les ostéosarcomes ne métastasent que chez 30 % animaux atteints [8]. Quelle que soit la tumeur, la présence d’une métastase est toujours de valeur négative.
Les nœuds lymphatiques régionaux sont palpés [3]. Leur degré de mobilité, leur taille et une éventuelle induration sont évalués.
Cependant, l’absence d’anomalie à la palpation n’implique pas qu’ils soient sains. Une ponction doit donc être pratiquée, soit lors de la phase de diagnostic en vue d’une analyse histologique, soit pendant l’exérèse chirurgicale de la masse primitive [6].
Si l’examen radiographique se révèle (presque) suffisant pour les tumeurs situées en région craniale de la cavité buccale, en revanche, pour les masses caudales, il ne permet pas d’obtenir une image nette en raison de la superposition avec d’autres structures. Dans ce cas, les examens tomodensitométrique (scanner) ou par résonance magnétique (IRM) sont essentiels dans la planification de l’acte chirurgical en vue d’obtenir une marge saine lors d’exérèse (photos 6 et 7).
De plus, la sensibilité du scanner permet de détecter une différence de densité à partir de 0,5 %, contre 10 % pour un cliché radiographique [8]. Ainsi, pour les masses de petites tailles, le scanner et l’IRM fournissent des détails invisibles à l’examen radiographique. L’IRM présente une meilleure définition pour les tissus mous et le scanner est plus intéressant pour les structures osseuses.
Lorsque des métastases sont détectées, un bilan plus complet est indispensable (analyses hématologiques, biochimiques, d’urine, etc.) afin de vérifier si et dans quelle mesure le métabolisme global de l’animal est concerné. Toute anomalie supplémentaire assombrit le pronostic.
Le “staging tumoral” (gradation de la tumeur) est l’étape finale du diagnostic. Pour cela, le système TNM (T pour tumeur primaire, N pour nœud lymphatique régional, M pour métastase ou foyer cancéreux secondaire) de l’Organisation mondiale de santé (OMS) est actuellement le plus utilisé. Cette classification tient compte de la taille, du degré d’infiltration de la tumeur primaire, ainsi que de l’atteinte des nœuds lymphatiques régionaux et de la présence ou non de métastases (tableau).
Lorsque les ganglions sont infiltrés, le pronostic est assombri. Ainsi, l’étude de White a montré que le taux de survie à un an des chiens atteints d’une tumeur buccale maligne avec une infiltration des nœuds lymphatiques est de l’ordre de 35 %. Il est d’environ 75 % dans le cas contraire [2].
Dès que des métastases à distance sont détectées, l’espérance de vie se réduit à quelques mois, voire quelques semaines [4].
Chez le chien et le chat, la plupart des tumeurs buccales sont malignes [7]. Certaines présentent une agressivité locale (épulis acanthomateux, améloblastome, carcinome épidermoïde et fibrosarcome) tandis que d’autres métastasent à distance (mélanome malin). Le diagnostic repose sur une exploration rigoureuse de la bouche associée à un examen histologique d’une biopsie des lésions buccales. La classification TNM de la tumeur découle du bilan d’extension complet, à la fois local et systémique, conditionne le choix de la thérapie et le pronostic à long terme(1).
(1) Voir l’article “Le traitement des tumeurs de la cavité buccale chez le chien et le chat” des mêmes auteurs, dans ce numéro.
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