La polyneuropathie héréditaire du léonberg - Le Point Vétérinaire n° 299 du 01/10/2009
Le Point Vétérinaire n° 299 du 01/10/2009

GÉNÉTIQUE CANINE

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Marie Abitbol

Fonctions : Unité pédagogique de génétique médicale et moléculaire, ENV d’Alfort, 7, avenue du Général-de-Gaulle, 94704 Maisons-Alfort m.abitbol@vet-alfort.fr

La polyneuropathie du léonberg est une maladie dégénérative héréditaire des nerfs périphériques qui provoque une atrophie de la musculature atteinte.

Les neuropathies périphériques sont des maladies humaines et animales, acquises ou héréditaires, qui se caractérisent par une atteinte des nerfs autonomes (système neurovégétatif), sensitifs ou moteurs, seuls ou en association.

Des neuropathies périphériques mixtes et héréditaires ont été décrites dans plusieurs races de chiens, mais peu de données sont disponibles [1]. La polyneuropathie du léonberg, décrite depuis 1965, a été étudiée de façon détaillée en 2003, aux États-Unis [5]. Depuis, des chiens malades ont été décrits dans plusieurs pays, et des programmes de recherche sont en cours, en France, en Suisse, aux États-Unis, afin de caractériser le mode de transmission de cette affection et d’identifier le ou les gènes en cause [4].

Diagnostic

Signes cliniques et examen neurologique

• Les léonbergs atteints de polyneuropathie héréditaire sont généralement présentés à la consultation entre 1 et 3 ans. Quelques cas tardifs (chiens âgés de 5, 7 et 9 ans) ont été rapportés aux États-Unis et en France. Les animaux malades présentent le plus souvent une faiblesse générale, une intolérance à l’exercice, une démarche au pas de l’oie des membres postérieurs, une atrophie des muscles distaux des membres, une hyperflexion de la hanche et du grasset et un défaut de flexion du tarse (photo). Mais les symptômes les plus fréquents et constituant un signal d’appel de la maladie sont respiratoires : respiration bruyante, essoufflement à l’effort, dyspnée. Les propriétaires de léonbergs atteints ont également rapporté une fréquente modification de la voix de leurs animaux. D’autres signes, inconstants, ont été notés chez quelques chiens : ataxie, paralysie faciale.

• L’examen neurologique des chiens malades a révélé une diminution des réflexes spinaux, de la proprioception, et une parésie ou une paralysie laryngée. Quelques individus ont présenté une paralysie du nerf facial, une diminution du réflexe nauséeux, des tremblements des membres postérieurs, une palmigradie ou encore une augmentation du réflexe patellaire [4, 5].

Examens complémentaires

• Les résultats des examens hématologiques et biochimiques et des tests thyroïdiens réalisés chez les chiens malades sont dans les normes.

• À l’électromyographie, les animaux atteints ont présenté des activités spontanées d’intensité et de localisation variables. Des potentiels de fibrillation ont été observés dans les muscles interosseux des membres et les muscles laryngés. Des ondes positives lentes et des décharges répétitives complexes ont également été notées. L’étude de la conduction nerveuse motrice a révélé un déficit majeur des potentiels d’action composés musculaires (potentiels musculaires générés par la stimulation nerveuse) dans les muscles interosseux des membres postérieurs (nerf tibial) et antérieurs (nerf ulnaire). Lorsque ces potentiels sont présents, leur amplitude et la vitesse de conduction nerveuse sont inférieures aux valeurs de référence chez le chien.

• L’étude de biopsies musculaires de léonbergs atteints a révélé une atrophie musculaire, la présence de fibres de calibre variable, d’adipocytes remplaçant les fibres musculaires et parfois des images de fibres nécrotiques. Ces anomalies sont caractéristiques de lésions de dénervation, ce qui concorde avec la diminution importante du nombre de fibres nerveuses myélinisées observée dans les rameaux nerveux intramusculaires et la présence de tissu fibreux et adipeux dans l’endonèvre.

• L’analyse histopathologique de biopsies du nerf fibulaire de chiens atteints a mis en évidence des images de neuropathie dégénérative avec une perte de fibres nerveuses modérée à marquée selon les chiens. L’atrophie des faisceaux nerveux est associée à une fibrose de l’endonèvre et à une surcharge lipidique du périnèvre. La densité en fibres myélinisées et le diamètre moyen des axones des chiens atteints sont réduits, comparés à ceux des témoins indemnes de polyneuropathie.

Ainsi, les signes cliniques, les résultats électromyographiques et l’analyse histopathologique de biopsies nerveuses et musculaires de léonbergs atteints de polyneuropathie héréditaire sont caractéristiques d’une dégénérescence axonale à prédominance distale, rétrograde, accompagnée d’une démyélinisation secondaire [4, 5].

Évolution

La variété et la sévérité des symptômes sont différentes d’un individu à l’autre. La maladie a parfois évolué vers une tétraparésie et la bronchopneumonie est une complication fréquente. Lors de paralysie laryngée, la laryngoplastie par latéralisation des cartilages arythénoïdes a amélioré la respiration des animaux opérés. Certains chiens ont été euthanasiés seulement 8 mois après la découverte des premiers signes cliniques et d’autres sont morts naturellement parfois à plus de 11 ans [4, 5]. Il n’existe pas de traitement curatif de la polyneuropathie du léonberg.

Mode de transmission

• Aux États-Unis, en 2003, Shelton et coll. ont analysé les données de pedigree de 9 portées de léonbergs apparentés à divers niveaux. 14 mâles et 1 femelle étaient atteints de polyneuropathie parmi les 54 frères et sœurs. Pour 6 des 9 portées, les deux parents étaient indemnes de la maladie. Ces données sont en accord avec un mode de transmission récessif lié à l’X [5].

• À l’ENV d’Alfort, en 2006, 7 familles ont été reconstituées, comprenant 16 parents et 62 descendants (29 mâles et 33 femelles). Parmi ces descendants, 6 mâles et 10 femelles étaient atteints. Aucun des parents n’était malade. Ces données suggèrent un mode de transmission autosomique récessif de la maladie en France [4].

• En mars 2006, aux États-Unis (université du Minnesota), le docteur Patterson a récolté 150 ADN de léonbergs américains et européens et a observé un ratio de 3 mâles atteints pour 1 femelle. Le génotypage des chiens pour 98 marqueurs génétiques situés sur le chromosome X n’a pas permis de mettre en évidence une association significative avec la maladie. En avril 2007, la révision des données des animaux de cette cohorte a établi un ratio de 2 mâles atteints pour 1 femelle. Un mode de transmission lié à l’X n’a plus semblé être l’hypothèse la plus probable [2].

En juillet 2008, l’équipe du docteur Patterson a publié un rapport de recherche, à la suite de l’obtention d’une subvention par la Leonberger Health Foundation et l’American Kennel Club, indiquant que le mode de transmission de la polyneuropathie du léonberg reste inconnu et que plusieurs hypothèses sont à envisager : une transmission liée à l’X, autosomique récessive ou polygénique [3].

Ainsi, le mode de transmission exact de la polyneuropathie du léonberg reste sujet à controverse. Il semble cependant qu’en France et en Suisse il soit autosomique récessif et que cette hypothèse soit la plus plausible au regard des données de pedigree révisées des chiens américains [2, 4]. Dans ce mode de transmission, mâles et femelles sont atteints avec un ratio de 1 pour 1, lequel peut cependant varier sous l’influence de facteurs hormonaux. Il existe des porteurs sains et l’accouplement de deux chiens porteurs sains produit en moyenne 25 % d’animaux qui développent la maladie (tableau).

Recherche du gène en cause

Deux programmes de recherche sont en cours, en France (ENVA, Drs Blot et Abitbol) et aux États-Unis (universités du Minnesota et de Californie, Drs. Patterson et Shelton), afin d’identifier le ou les gènes en cause dans la polyneuropathie du léonberg. Malgré un nombre important de marqueurs génétiques utilisés dans les deux pays et la quantité de cas recrutés aux États-Unis (55 chiens atteints génotypés), aucun locus n’a pu être identifié de façon significative jusqu’à présent. En France, le programme de recrutement des cas se poursuit afin de compléter la cohorte de léonbergs génotypés, qui reste bien plus faible qu’aux États-Unis, ce qui limite la puissance de détection du ou des gènes causals.

Références

  • 1 – Coates JR, O’Brien DP. Inherited peripheral neuropathies in dogs and cats. Vet. Clin. Small Anim. 2004;34:1361-1401.
  • 2 – International Union for Leonberger Dogs : http://leonbergerunion.com
  • 3 – Leonberger Health Foundation : www.leonbergerhealth.com
  • 4 – Riché C. Contribution à l’étude de la polyneuropathie héréditaire du Léonberg : caractérisation clinique, électromyographique et génétique. Thèse de doctorat vétérinaire, Alfort. 2006:106p.
  • 5 – Shelton GD, Podell M et coll. Inherited polyneuropathy in Leonberger dogs : a mixed or intermediate form of Charcot-Marie-Tooth disease? Muscle Nerve. 2003;27:471-477.
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