Enregistrement des potentiels évoqués auditifs chez le furet : intérêt et méthode - Le Point Vétérinaire n° 298 du 01/09/2009
Le Point Vétérinaire n° 298 du 01/09/2009

Nouveaux animaux de compagnie

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FOCUS

Auteur(s) : Stéphanie Piazza*, Laurent Cauzinille**

Fonctions :
*Centre hospitalier vétérinaire 43, avenue A.-Briand 94110 Arcueil s.piazza@wildcats-ferrets.com
**Centre hospitalier vétérinaire 43, avenue A.-Briand 94110 Arcueil lcauzinille@fregis.com

La surdité chez le furet est un sujet d’actualité et semble liée à la couleur blanche du pelage. L’enregistrement des PEA est la seule méthode objective permettant de la diagnostiquer.

Le furet est un animal domestique très présent dans les foyers. Les propriétaires et éleveurs sont très documentés, notamment en ce qui concerne la reproduction et les maladies congénitales telles que la surdité. Les tests traditionnels réalisés en clinique sont difficiles à mettre en œuvre chez un animal aussi actif, et sont inappropriés quand il s’agit de diagnostiquer une surdité unilatérale. Récemment, des diagnostics “inattendus” de surdité ont été établis grâce à l’enregistrement des potentiels évoqués auditifs (PEA) chez des furets testés en routine, mais non cliniquement suspects. Le furet, largement utilisé en recherche biomédicale, est un modèle pour l’étude de la physiologie auditive, et l’enregistrement des PEA est un outil fréquemment employé.

Principe du test

Les PEA se fondent sur l’enregistrement de la réponse électrique induite par un stimulus sonore calibré et correspondent au cheminement de l’influx nerveux dans les voies auditives (encadré).

En stimulation mono-aurale, une oreille est testée après l’autre. Un masque ou “bruit blanc” pour limiter l’interaction bi-aurale (réponse électrique controlatérale produite par conduction du son au niveau des os du crâne) est utilisé. Cela permet la détection des surdités unilatérales.

Modalités d’enregistrement

Stimulation

Le stimulus est une succession de “click” appliqués par un écouteur à l’oreille du furet. Les émetteurs sont de plusieurs types : écouteurs placés sur le pavillon externe ou émetteurs tubulaires glissés à l’intérieur du conduit auditif (diaporama disponible sur www.WK-Vet.fr) [2, 7]. Ces derniers semblent être plus adaptés à de jeunes furets en raison de l’étroitesse du canal auriculaire (observation personnelle).

Le seuil de détection d’un tracé PEA chez le furet se situe entre 37 et 39 dB selon les études et les individus [4-6]. En pratique, des stimuli de 90 dB sont utilisés pour une courbe de référence, comme chez le chien [1, 8]. Afin de réduire le bruit de fond (activités cérébrale et musculaire, environnement, etc.), la courbe finale représente la moyenne d’une répétition de 500 à 1 000 enregistrements successifs [1, 2, 6, 8].

Enregistrement

Pour l’enregistrement, 3 ou 4 électrodes sont placées sous la peau. L’électrode positive est positionnée au sommet du crâne (vertex), une ou deux électrodes négatives en région mastoïdienne à la base du conduit auditif et, enfin, l’électrode de masse dans des régions variables selon les auteurs (membre thoracique, ligne du dos ou du cou) [1, 2, 4, 5, 6, 8]. La réponse électrique du tronc cérébral se matérialise par un tracé comprenant une succession d’ondes dont la morphologie, l’amplitude, la latence sont interprétées pour évaluer la fonction auditive de l’animal.

Conditions d’enregistrement

Des études sur la maturation de la fonction auditive montrent que les potentiels évoqués sont présents et reproductibles chez les furetons vers l’âge de 27 jours [4-6]. La maturation est atteinte entre 34 et 40 jours selon les études et les individus [4-6]. Le test peut donc être réalisé à l’âge d’adoption (vers 8 semaines) à l’aide d’écouteurs de taille adaptée. En raison du comportement très actif du furet, une anesthésie est nécessaire. En pratique, il convient d’utiliser les agents anesthésiques les plus sûrs, tel l’isoflurane délivré au masque. Le test étant rapide, la durée d’anesthésie est courte (une dizaine de minutes).

Il est primordial d’éviter le refroidissement corporel de l’animal, non seulement pour le bon déroulement de l’anesthésie, mais aussi pour ne pas modifier les potentiels [2, 6]. Il est recommandé de ne pas avoir recours aux tapis chauffants électriques qui parasitent le tracé.

Morphologie et identification des ondes

La réponse électrique aux stimuli acoustiques est représentée par une courbe comprenant 4 ou 5 ondes reproductibles [2, 4-6]. Ces ondes sont relativement similaires à celles des autres mammifères et ont probablement la même origine. L’onde I correspond à la première onde positive, généralement la plus haute. Elle est produite par la portion extracrânienne du nerf VIII [1, 2, 5, 7, 8]. L’onde II est vraisemblablement générée par le noyau cochléaire ipsilatéral [1, 2, 8]. À partir de l’onde III, l’origine neuro-anatomique varie considérablement selon les auteurs.

Pour une intensité de 84 dB, une étude montre une latence moyenne de 1,07 ms pour l’onde I et des amplitudes de 1,35, 1,35, 0,85 et 0,95 µV respectivement pour les ondes I à IV [2]. Actuellement, aucune norme n’existe pour ces paramètres chez le furet.

Interprétations

Les anomalies de la fonction auditive peuvent se classer selon le déterminisme, le moment d’apparition, la gravité, la symétrie et l’étage anatomo-fonctionnel atteint [9]. La surdité peut en effet être génétique ou environnementale, congénitale ou acquise. L’audition peut être diminuée ou totalement absente, unilatérale ou bilatérale. L’enregistrement des PEA permet d’identifier quel étage anatomo-fonctionnel est atteint et, parfois, de conclure sur le type de surdité.

Surdités de conduction

La surdité de conduction (ou de transmission) correspond à une atteinte se produisant en amont de la cochlée. Elle est due à une mauvaise propagation du son dans le conduit auditif externe ou l’oreille moyenne [11]. Les causes possibles sont un bouchon de cérumen, une otite externe ou moyenne, une rupture tympanique, une sclérose ou fracture des ossicules, un processus néo-plasique [1].

Les surdités d’origine inflammatoire, comme les otites, sont des causes fréquentes de surdité acquise chez le chien et le chat [9]. Elles sont en général unilatérales et partielles. Les otites à Otodectes cynotis étant fréquentes chez le furet, il est probable que cette affection ait un impact sur l’audition [3]. Pour cette raison, il convient de toujours effectuer un examen du conduit auriculaire et du tympan avant la réalisation d’un test PEA [1, 2]. La surdité de conduction se caractérise, sur la courbe, par un allongement des latences et une réduction de l’amplitude des ondes [1, 11]. Dans ce cas, il s’agit d’hypoacousie.

Les surdités neurosensorielles

La surdité neurosensorielle (ou de perception) correspond à une atteinte de l’oreille interne ou des voies sensorielles de l’audition [1]. L’anomalie congénitale est la cause la plus fréquente de surdité chez le chien et le chat [9]. Elle correspond à une agénésie ou à une dégénérescence cochléaire héréditaire [1]. Elle est toujours totale, uni- ou bilatérale [9]. Elle est décrite chez de nombreuses races de chiens et de chats, et les individus à robe blanche ou possédant des marques blanches sont les plus touchés [12]. Il semble que cela soit également le cas chez le furet [3, 10].

En cas de surdité congénitale, l’enregistrement des PEA est caractérisé par une absence des quatre pics attendus (figure).

Il existe également des cas de surdité neurosensorielle acquise. Ils peuvent être secondaires à une otite interne, à une inflammation, à un processus tumoral ou à une atteinte vasculaire du système nerveux central [9]. Ce type d’atteinte s’accompagne généralement d’un déficit nerveux, d’un syndrome vestibulaire, d’une paralysie faciale, etc. [1]. L’ototoxicité de certains produits (aminosides par exemple) peut entraîner une surdité acquise ou congénitale (par action sur les fœtus), et une atteinte vestibulaire est généralement présente [1, 11].

L’enregistrement des PEA est un examen électrodiagnostique simple, objectif et peu invasif qui permet d’évaluer la fonction auditive du furet. Cette méthode audio-métrique présente un intérêt certain dans le dépistage de la surdité congénitale qui semble fréquente chez les furets. C’est un sujet très débattu pour lequel un très grand nombre de théories circulent, mais aucun état des lieux ni aucune étude clinique n’ont été réalisés. La surdité chez le furet pourrait être similaire au syndrome de Waardenburg connu chez l’homme et liée aux marquages blancs, comme c’est le cas chez d’autres espèces [3, 10]. Certains éleveurs de furets, un peu partout dans le monde, écartent systématiquement de leurs lignées les individus présentant des marquages blancs car la surdité pourrait n’être qu’une partie des nombreuses affections engendrées par des anomalies de développement de la crête neurale [10]. La surdité étant présente chez les furets, le praticien doit en informer les propriétaires pour qu’ils adaptent leur éducation, mais aussi les éleveurs afin qu’ils puissent mettre en place une sélection de leurs reproducteurs pour diminuer la prévalence de cette tare.

Encadré : Anatomie et physiologie de l’audition

• L’anatomie de l’oreille du furet est globalement comparable à celle du chien [3]. L’oreille moyenne fait suite au conduit auditif externe et comporte, après le tympan, trois osselets : le marteau, l’enclume et l’étrier. L’oreille interne est formée de trois structures :

– les canaux semi-circulaires ;

– l’ensemble vestibule et utricule, essentiel pour l’équilibre ;

– la cochlée, qui contient les organes sensoriels de l’audition.

Les voies auditives passent via le nerf vestibulo-cochléaire (nerf crânien VIII) par une série de noyaux dans le tronc cérébral, puis dans le cortex et parviennent aux aires corticales sensorielles.

• Les ondes sonores sont captées par le pavillon auriculaire, conduites par le méat acoustique externe et transmises par le tympan et la chaîne des osselets vers la cochlée. Les mouvements des milieux liquidiens de cette dernière aboutissent à la stimulation des cellules sensorielles ciliées de l’organe de Corti qui transforment le signal sonore en un potentiel d’action. Il s’agit de la transduction d’un phénomène mécanique en un phénomène électrique [11]. Le message électrique remonte alors les voies sensorielles du nerf VIII et les noyaux du tronc cérébral vers le cortex sensitif auditif controlatéral où ont lieu l’intégration et l’interprétation des afférences.

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