Enquête sur les risques zoonotiques liés aux NAC - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Zoonose et NAC

Mise à jour

ÉTUDE CLINIQUE

Auteur(s) : Anne Praud*, Barbara Dufour**, François Moutou***

Fonctions :
*1, square Jean-Bouin
91300 Massy
**UP maladies contagieuses
ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94700 Maisons-Alfort
***Unité d’épidémiologie
AFSSA-Lerpaz
23, avenue du Général-de-Gaulle
94706 Maisons-Alfort

Si certaines espèces de NAC ne représentent, en règle générale, pas de risque sanitaire majeur, d’autres, prélevées parmi la faune sauvage, peuvent transmettre des zoonoses graves.

Les nouveaux animaux de compagnie (NAC) sont de plus en plus répandus dans les foyers. Ils sont considérés comme des animaux de compagnie à part entière [2, 5, 6]. Leur essor pose un problème sanitaire en raison des risques zoonotiques qu’ils engendrent [1, 8, 9]. L’importation d’animaux exotiques, légale et illégale, est en augmentation ces dernières années [3, 4, 6, 7].

Bon nombre de vétérinaires reçoivent des NAC dans leur clientèle et ont déjà été confrontés à des animaux d’origine illégale susceptibles de transmettre des zoonoses. Pour tenter de mesurer ce phénomène, une enquête a été conduite auprès de 140 vétérinaires. Elle a permis de constater que 97 % (± 3 %) des vétérinaires pour animaux de compagnie voient régulièrement des NAC en consultation [10]. 34 % (± 8 %) des vétérinaires canins ont été confrontés à un ou des NAC d’origine illégale au cours des 5dernières années et 35 % (± 8 %) d’entre eux ont rencontré au moins un cas de zoonose durant cette même période. Il s’agit néanmoins, le plus souvent, d’affections bénignes.

Matériel et méthode

1. Contexte

Cette enquête a été réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat vétérinaire et avait pour objectif de dresser un tableau de la situation des importations illégales de NAC au cours des 5 dernières années et d’évaluer les risques zoonotiques liés à ces NAC exotiques [10].

Les données ont été collectées par courrier électronique entre décembre 2007 et février 2008. 650 vétérinaires exerçant dans les grandes villes françaises ou dans leur périphérie ont été sollicités, parmi lesquels 140 ont répondu.

2. Questionnaire

Le questionnaire utilisé abordait plusieurs thématiques :

- le profil professionnel du participant (domaine et nombre d’années d’exercice, fréquence des NAC en consultation) ;

- le recensement des animaux exotiques d’importation illégale rencontrés au cours des 5 dernières années par le praticien (espèces concernées, nombre d’animaux, attitude adoptée par le praticien face au propriétaire et à l’animal) ;

- les zoonoses ou envenimations dues à des NAC observées durant les 5 dernières années par le praticien (espèces en cause, maladies transmises, personne contaminée, gravité de l’affection engendrée).

Il était proposé à chaque participant de renvoyer le questionnaire par courrier électronique ou de répondre sur un serveur Internet.

3. Collecte des données

140 réponses exploitables ont été réunies. Une quarantaine d’autres réponses émanaient de confrères ayant quitté la clientèle depuis plus de 10 ans ou exerçant une activité très spécialisée.

Résultats

1. Profil des participants à l’enquête

Le questionnaire en ligne a permis de collecter une grande partie des réponses puisque 106 participants (76 %) ont répondu sur le serveur Internet.

La majorité des participants (88 %) sont des vétérinaires canins “purs”. 8 vétérinaires sur 140 (6 %) pratiquent en clientèle canine avec une orientation plus poussée dans le domaine des NAC (2 d’entre eux exercent exclusivement avec les NAC). 8 autres vétérinaires (6 %) exerçent en clientèle mixte.

Parmi les 96 vétérinaires ayant accepté de donner leur identité (69 % des participants), la plupart exercent en Ile de France (67 vétérinaires soit 70 %). Les autres sont, sauf exception, installés dans les grandes villes françaises ou dans leur périphérie (Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Strasbourg, etc.).

Enfin, les praticiens ayant répondu le plus massivement ont plus de 10 ans de clientèle à leur actif (44 %), ou moins de 5 ans d’exercice (35 %).

2. Place des NAC exotiques dans les clientèles vétérinaires

La quasi-totalité des vétérinaires canins (97 %) des grandes villes disent recevoir des NAC plus ou moins souvent en consultation. 33 % des vétérinaires interrogés ont été confrontés à des NAC d’origine illégale au cours des 5 dernières années. Parmi eux, 22 % estiment à plus de 10 ce nombre d’animaux. Pour 7 d’entre eux (tous vétérinaires orientés “NAC”), ce nombre est supérieur à 50. Il apparait également que dans plus de la moitié des cas (55 %) ces animaux sont des reptiles (tortues mauresques et caméléons) (tableau 1). Ils sont suivis par les oiseaux (perroquets) et les primates (macaques) (15 %). Parmi les pays d’origine mentionnés, l’Afrique du Nord est le plus cité (tableau 2).

Dans 89 % des cas, le vétérinaire a choisi de soigner l’animal en informant le propriétaire de l’illégalité de la situation (figure 1). Trois ont soigné l’animal sans fournir d’explications au propriétaire. Un seul a mentionné avoir songé à assurer sa protection personnelle avant toute chose.

Il semble que les praticiens soient plus enclins à réagir énergiquement lorsque l’animal est un primate. Les vétérinaires qui ont refusé d’apporter des soins à l’animal ou qui ont contacté la Direction départementale des services vétérinaires étaient confrontés à des singes, et l’euthanasie concernait un macaque rhésus devenu agressif.

3. Risques zoonotiques liés aux NAC exotiques

Parmi les vétérinaires ayant participé à l’enquête, 35 % ont été confrontés à au moins un cas de zoonose due à un NAC au cours des 5 dernières années (figure 2).

Dans 84 % des cas, un rongeur ou un lagomorphe est à l’origine de la contamination (tableau 3). Dans 52 % des cas, il a transmis la teigne.

Dans la majorité des cas (81 %), le propriétaire ou un membre de son entourage est la seule personne contaminée par l’animal (figure 3). Dans 15 % des cas cités, la maladie s’est déclarée chez un membre de l’équipe soignante. Il s’agit le plus souvent du vétérinaire (11 % des cas) et plus rarement d’un auxiliaire de santé vétérinaire ou d’un autre membre du personnel (4 % des cas) [10].

Dans 90 % des cas cités, l’affection contractée est bénigne (tableau 4). Seulement 6 % des cas ont nécessité une hospitalisation. Les zoonoses incriminées sont alors l’ornitho-psittacose, la staphylococcose à Staphylococcus aureus et la salmonellose. Aucun vétérinaire n’a relaté de mort consécutive à une zoonose transmise par un NAC.

Un seul vétérinaire, spécialisé dans les reptiles, a rapporté deux cas d’envenimation, qui ont entraîné l’hospitalisation des propriétaires.

Discussion

1. Place des NAC d’origine illégale dans les clientèles vétérinaires

Cette enquête a permis d’estimer que 97 % (± 3 %) des vétérinaires pour animaux de compagnie exerçant dans les grandes villes reçoivent des NAC. Ils peuvent donc être confrontés à des animaux exotiques d’origine illégale. Dans plus de la moitié des cas, ces animaux sont des reptiles (tortues mauresques et caméléons). Ils sont suivis par les oiseaux (perroquets) et les primates (macaques). La majorité d’entre eux provient d’Afrique du Nord.

Le nombre d’animaux exotiques d’origine illégale est probablement sous-estimé pour deux raisons :

- le questionnaire ne renseigne pas sur l’attitude du vétérinaire face aux animaux exotiques (vérification des papiers de l’animal, sensibilisation des propriétaires, etc.) ;

- il n’est pas forcément évident pour un vétérinaire non spécialisé de réaliser une diagnose précise pour chaque espèce, ni de connaître la législation en vigueur à son sujet. Si la diagnose peut être considérée comme fiable lorsqu’elle émane de vétérinaires orientés “NAC”, la reconnaissance des espèces d’origine illégale par les praticiens canins “purs” pose des difficultés car les critères utilisés n’ont pas été mentionnés.

2. Risques de zoonoses liés aux NAC et en particulier aux NAC exotiques

Plus d’un tiers des vétérinaires a rencontré un cas de zoonose lié à un NAC. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un cas de teigne transmis par un NAC domestique. Cette proportion est à mettre en relation avec le grand nombre de rongeurs et de lagomorphes au sein des NAC. Les lapins et les cochons d’Inde sont des animaux facilement manipulables par les enfants. Ces derniers sont contaminés par un contact étroit avec leur animal de compagnie(1). La gale, les ectoparasitoses et les zoonoses plus graves (salmonelloses, ornitho-psittacose, streptobacillose, staphylococcose à S. aureus) sont citées moins fréquemment.

Les données sur la nature des zoonoses rencontrées ont été traitées en fonction du nombre de citations. Il en résulte très probablement une sous-estimation du nombre de cas.

3. Limites et biais de cette étude

Les limites de l’étude sont celles d’une étude par questionnaire fondée sur le volontariat. Les vétérinaires contactés ont été tirés au sort parmi une population générale de vétérinaires praticiens, afin de garantir la représentativité de l’échantillonnage. Toutefois, les participants sont probablement ceux qui se sentent les plus concernés par la problématique des NAC.

Par ailleurs, l’utilisation d’un questionnaire de type fermé présente l’avantage de fournir un bon taux de réponses car il est peu contraignant à renseigner, et de faciliter le traitement des données. Son principal inconvénient est la restriction du nombre et de la précision des informations collectées. Malgré la présence d’espaces vierges à la fin de chaque question devant permettre aux participants de compléter leurs réponses, la précision des informations collectées est très hétérogène.

L’utilisation d’un questionnaire en ligne comporte le risque de réponses multiples émanant d’une même personne (erreur de manipulation, panne informatique). Ce biais a été contrôlé en supprimant trois réponses émanant d’une même adresse mail à quelques minutes d’intervalle.

Les résultats de cette enquête permettent de constater que les NAC, et notamment les rongeurs et les lagomorphes, sont très présents dans la clientèle des vétérinaires pour animaux de compagnie. Ces derniers sont assez fréquemment confrontés à des NAC d’origine illégale, mais ils n’en n’établissent pas systématiquement le constat et omettent parfois d’en informer leurs clients.

Les cas de zoonoses sont assez rares, en dehors des mycoses cutanées bénignes provoquées par des NAC domestiques (lapins, cochons d’Inde) élevés en France. Le nombre réel de cas de zoonoses liées aux NAC, et en particulier aux NAC exotiques est toutefois sous-estimé en raison de l’importance du commerce illégal de ces animaux. L’hypothèse de l’introduction d’un animal atteint d’une zoonose plus sévère (notamment la rage) n’est pas à négliger. Elle pourrait avoir d’importantes répercussions, autant liées à son impact médiatique qu’à ses conséquences en matière de santé publique humaine.

Il importe donc d’évaluer les risques encourus par les personnes exposées et de les en informer. Les mesures de sensibilisation collective doivent s’accompagner de conseils personnalisés, afin de faciliter la prise de conscience des propriétaires.

  • (1) Les informations collectées au cours de l’enquête ne permettent pas de comparer la fréquence des cas de teigne zoonotique dus aux NAC avec celles qui ont pour origine les chiens et chats.

Références

  • 1 - Acha P, Szyfres B. Zoonoses et maladies transmissibles à l’homme et aux animaux. Volumes I à III. 3e éd. OIE (Organisation mondiale des maladies animales), Paris. 2005:1186p.
  • 2 - Bouvet L. Le transport aérien des nouveaux animaux de compagnie. Thèse Méd. Vét., Alfort. 2003;109:125p.
  • 3 - Direction générale des douanes et des droits indirects. Un aperçu de la douane : chiffres 2006. Brochure du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique. 2007:13p.
  • 4 - Engler M, Parry-Jones R. Opportunity or threat : The role of the European Union in global wildlife trade. TRAFFIC Europe, Bruxelles. 2007:56p.
  • 5 - Facco/TNS SOFRES. La population animale : combien d’animaux familiers en France ? Dans : Site du Syndicat des fabricants d’aliments préparés pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers. [en-ligne]. FACCO, Paris. Mise à jour Septembre 2006. [http://www.facco.fr/population_animal.htm], (consulté le 8 mai 2008).
  • 6 - Grandjean D. Vétérinaires sapeurs pompiers. Le trafic des animaux de compagnie : importance et risques associés. (Communication personnelle, 2006).
  • 7 - IFAW (International Fund For Animal Welfare) Caught in the web : wildlife trade on the Internet. IFAW, Londres. 2005:25p.
  • 8 - Moutou F. Faune sauvage et risques zoonotiques. Bull. Acad. Vét. France. 2004;157:95-99.
  • 9 - Moutou F. Biodiversité et zoonoses. Urgence pratique. 2008;87,21-23.
  • 10 - Praud A. Risques zoonotiques liés à l’importation de NAC. Thèse Méd. Vét., Alfort. 2009;35:233p.

Objectifs

Connaître la place des NAC (“exotiques” ou domestiques) dans les clientèles canines des grandes villes et mesurer le risque zoonotique lié à la présence de ces animaux.

Méthode

Enquête réalisée auprès de 140 vétérinaires canins exerçant dans les grandes villes de France entre décembre 2007 et février 2008.

Résultats

Presque tous ces vétérinaires reçoivent régulièrement des NAC en consultation. Environ un tiers de ces praticiens a déjà été consulté pour un NAC importé illégalement. 35 % des vétérinaires interrogés ont été confrontés à une zoonose liée à un NAC.

Conclusion

Les NAC et notamment les NAC “exotiques” sont de plus en plus nombreux dans les foyers français. En dehors des mycoses bénignes transmises par les NAC domestiques, les zoonoses ne sont pas aussi fréquentes que ce qui avait été craint.

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