Œufs fonctionnels : de leurs atouts pour la santé à leur mauvaise image

Aujourd’hui, il est universellement reconnu que l’œuf apporte une diversité équilibrée de nutriments rarement obtenue avec d’autres aliments. Ce dernier souffre toutefois d’une mauvaise réputation, liée en particulier au risque d’allergie alimentaire et à sa teneur en cholestérol.

En variant l’alimentation des poules pondeuses, il est démontré que la répercussion sur la composition de l’œuf est effective. Les formulations alimentaires établies par les nutritionnistes sont désormais bien connues et reproductibles, et de nombreux travaux s’attachent à améliorer et à promouvoir la valeur des œufs dits fonctionnels (dont le contenu est enrichi en éléments présentant un intérêt pour l’homme). Les avantages de divers niveaux d’incorporation ont déjà été étudiés pour plusieurs éléments tels que les vitamines A, D3 et K, les acides foliques, le fer, etc. Les travaux de Vincent Guyonnet (Burnbrae Farms Ltd) et Yves Nys (Inra de Nouzilly), présentés aux dernières Journées de la recherche avicole et de palmipèdes à foie gras à La Rochelle, se sont intéressés en particulier aux forces et aux faiblesses des œufs enrichis en oméga 3 (acide gras) pour la santé humaine.

DES ATOUTS MULTIPLES POUR LA SANTÉ

En 1991 déjà, une étude¹ montrait que les taux sanguins de cholestérol et de low density lipoprotein (LDL), dans un groupe témoin nourri pendant quatre semaines avec quatre œufs classiques par jour, augmentaient significativement par rapport à un autre groupe nourri dans les mêmes conditions, mais avec des œufs enrichis en ω3, chez lequel ces taux restaient stables. La triglycéridémie dans le lot ω3 tendait de surcroît à diminuer et les taux plasmatiques en high density lipoprotein (HDL) à augmenter. Depuis, de multiples études sont venues confirmer et étayer ces observations.

Le plus souvent, l’apport en w3 dans la ration est réalisé par l’ajout d’acide alphalinoléique (ALA) issu des graines et de l’huile de lin. La poule convertit l’ALA en acide éicosapentaénoique (EPA) et en acide docosahéxaénoique (DHA), avec une efficacité beaucoup plus élevée que l’homme. Les œufs ainsi enrichis présentent de multiples avantages pour les patients qui souffrent d’hypercholestérolémie. En 2000, Lewis et coll. mettent en évidence que la consommation d’œufs enrichis en ALA et en DHA chez de tels sujets (cholestérolémie supérieure à 5,2 mmol/l) permet de diminuer de 15 % la triglycéridémie. Les avantages en termes de prévention des risques cardiovasculaires sont d’autant plus grands que la cholestérolémie est élevée. Si des mères consomment des œufs enrichis en DHA au cours du troisième tiers de leur grossesse, il est montré que la durée de cette dernière s’allonge de six jours en moyenne, avec un poids, une taille, et une circonférence de la tête du nouveau-né augmentés (Smuts et coll., 2003). De plus, une telle pratique se répercute sur la composition du lait maternel en acides gras essentiels, dans des proportions fortement liées aux taux sanguins d’acides gras polyinsaturés (AGPI) chez la mère. Chez l’enfant, donner des œufs enrichis en DHA (l’un des acides gras indispensables pour une croissance normale) se traduit par des concentrations érythrocytaires majorées de 30 à 40 %, sans modification de la cholestérolémie. En outre, Hoffman et coll. (2004) ont mis en évidence une meilleure acuité visuelle, équivalente à 1,5 ligne supplémentaire sur le tableau optométrique, chez des nourrissons nourris avec de tels œufs.

DES EFFORTS DE COMMUNICATION

Mais avec la multiplication des scandales alimentaires, les consommateurs sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des informations qui émanent des producteurs et des distributeurs. Les œufs n’y échappent pas. De plus, il n’existe pas encore de véritable différenciation visuelle entre les œufs standard et les œufs enrichis, ce qui n’est pas à l’avantage de ces derniers.

Par ailleurs, de nombreux médecins et personnels soignants, par manque de connaissance ou d’intérêt, dissimulent mal leur scepticisme sur les aliments fonctionnels. À cela s’ajoute la mauvaise publicité dont ont souffert les œufs dans les années 70. À cette époque, il était conseillé de limiter leur consommation pour prévenir les problèmes de cholestérol, à hauteur de 210 mg par œuf. Toutefois, les œufs fonctionnels ont l’avantage d’être perçus comme issus d’un processus de transformation relativement naturel, la poule agissant comme un “bioconvertisseur et condenseur” de nutriments. De gros efforts de communication envers les consommateurs et les professionnels de santé sont donc à faire pour changer les mentalités et dissiper les a priori, notamment pour les œufs enrichis. En effet, ils représentent aujourd’hui des armes efficaces dans la lutte contre ce qui est appelé « la pandémie du manque nutritionnel en ω3 », une conséquence de nos habitudes alimentaires qui éliminent trop souvent le poisson.

À partir de 2014, les œufs enrichis en ω3 seront concernés par la réglementation européenne sur les allégations de santé des denrées alimentaires.

• 1 S.Y. Oh et coll. American Journal of Clinical Nutrition, 1991, 54, pp. 689-695.