« La seule structure qui s’impose à nous » - La Semaine Vétérinaire n° 1551 du 13/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1551 du 13/09/2013

Entretien avec Stéphane Martinot

Dossier

Auteur(s) : SERGE TROUILLET

Les conclusions de votre rapport de mission, soumises à l’analyse de vos collègues, suscitent parmi certains une première interrogation : ne seraient-elles que l’habillage d’une réflexion déjà aboutie de la DGER ?

À la différence de bien d’autres précédents rapports, qui ont pu être rédigés sans grande concertation avec les acteurs concernés, j’ai souhaité travailler à partir d’échanges avec de nombreuses personnes, notamment au sein des établissements. Nous avons produit ensemble un certain nombre d’idées auxquelles j’ai donné corps en y apportant ma touche personnelle. Concernant la méthode, j’ai commencé par travailler sur le plan d’actions, qui a été affiné au fur et à mesure des discussions, avant d’aborder l’aspect de la structure.

Concernant l’enseignement, quel a été le ressort de vos propositions ?

L’objectif était d’enrichir et d’adapter l’offre de formation. Le point majeur de cette partie tient donc dans la transformation de notre référentiel en un référentiel de compétences, à la fois modernisé et mis en cohérence avec les référentiels internationaux, qui ne s’appuient que sur les compétences acquises au terme du cursus, puis leur évolution tout au long de la vie professionnelle.

La durée du cursus sera-t-elle modifiée ?

En relation directe avec les accréditations internationales, le cursus doit être maintenu sur cinq ans dans les écoles. Et cela pendant une période suffisamment longue pour que nous puissions adapter les formations et procéder à l’évaluation de leurs effets. Rappelons qu’au niveau mondial, il est demandé de sept à dix ans entre deux périodes d’évaluation des établissements, ce qui permet un retour sur les programmes et leur évolution.

PAS DE SPÉCIALISATION PAR CAMPUS

Chacune des écoles continuera-t-elle à dispenser l’ensemble des formations du tronc commun ?

Le rapport indique clairement qu’il n’y aura pas de spécialisation par campus. Selon les normes internationales, le tronc commun est polyspécifique ; en restant opéré dans chaque école, il répond à cette préoccupation. Cela n’empêche nullement, en 5e année, la mutualisation de filières rares, telles que l’aquaculture ou la pathologie des abeilles, ou encore de filières moins rares, comme l’équine aujourd’hui, qui bénéficie d’une organisation interécoles. L’essentiel est de prendre en compte les surcoûts potentiels pour les étudiants.

En dehors des filières, le principe de mutualisation concerne-t-il également les programmes ?

Pour répondre à la volonté d’adapter l’offre de formation, nous avons identifié le besoin de développer des parcours pédagogiques communs qui ne sont pas forcément directement liés à l’activité clinique. En particulier ceux qui, de la 1re à la 5e année, ont trait aux connaissances professionnelles. Certains sont déjà mis en place dans des établissements. Ils ont vocation, si l’on veut que les compétences des étudiants soient comparables, à être réfléchis et construits en commun.

UNE ÉVALUATION DES COMPÉTENCES COMPARABLE DANS CHAQUE ÉTABLISSEMENT

L’évaluation de la formation restera-t-elle l’apanage de chacune des écoles ?

C’est un point majeur. Le seul élément qui a été souhaité, en relation avec les normes internationales, concerne la nécessité d’élaborer un référentiel qualité de l’évaluation, de façon à ce que chaque établissement puisse certifier les compétences acquises de façon comparable suivant une norme de qualité. Ce passage à une qualité standard est fortement sollicité par les accréditations européennes.

Qu’en est-il de l’évaluation de la 5e année ?

La question est d’évaluer les compétences acquises en 5e année. Il ne s’agit pas de faire une évaluation globale de la formation sous la forme d’un concours de sortie. Il est évident que si une filière est menée en commun entre plusieurs écoles, l’évaluation doit être effectuée en commun. En revanche, les filières menées dans une école restent évaluées dans cette école. Le point le plus important est d’obtenir une évaluation des acquis comparable dans chacun des établissements, pour pouvoir justifier, au niveau international, que les vétérinaires titulaires d’un diplôme français possèdent des compétences équivalentes.

Quid de l’internat ?

Le concours de recrutement, l’organisation et le référentiel de l’internat sont communs entre les quatre écoles. Comme le diplôme est national, il n’est pas totalement irréaliste d’imaginer une évaluation de sortie commune. Pour autant, il n’est pas question de supplanter les enseignants des écoles avec une structure qui aurait en charge d’évaluer, de façon totalement déconnectée de ce qui se passe dans les établissements. Les jurys sont composés d’enseignants des ENV qui participent à l’enseignement, mais il n’y a pas besoin d’avoir quatre jurys pour quatre écoles. Il en est déjà ainsi pour certains diplômes.

Les écoles seront-elles toujours maîtresses de leurs choix en matière de formation continue ?

La force de la formation continue dans les écoles s’appuie sur leur aspect pratique, avec des acteurs compétents sur des sites adaptés. En revanche, sa faiblesse tient dans la difficulté des relations, en particulier avec les partenaires privés. Il s’agit en conséquence de mettre en place des relations-cadres en commun, avec les partenaires institutionnels et privés, pour que chaque établissement opère la formation de son choix en s’appuyant sur une convention-cadre qui lui évitera, par exemple, d’avoir à négocier à chaque fois son indépendance pédagogique.

PLUTÔT UNE LOGIQUE BOTTOM-UP QUE TOP-DOWN

Vous proposez de cartographier les compétences scientifiques existantes dans les établissements. Ne sont-elles pas connues ?

C’est un souhait de nos partenaires scientifiques1 (CNRS, Inserm, Institut Pasteur, Inra, Anses, etc.) qui mettent souvent en avant la difficulté pour eux de savoir exactement à qui s’adresser pour lancer un programme sur tel ou tel axe. Ce n’est pas une question de quantité, mais de lisibilité, en raison des différences de signatures des établissements. Il faut rendre plus lisibles les productions réalisées au sein des écoles, en tenant compte des règles appliquées par les sites universitaires. Il en est de même de l’utilisation des plates-formes de recherche où le défaut de lisibilité du potentiel disponible conduit parfois nos partenaires industriels à opter pour l’étranger.

Est-ce aussi une meilleure structuration de la recherche clinique que vous visez ?

Sans aucun doute. L’objectif n’est pas d’imposer des thématiques, bien au contraire. Il s’agit de faire émerger celles qui sont déjà présentes dans les établissements, en répondant à des appels d’offres à partir d’un cadre commun qui sera mis en place. Nous sommes plutôt dans une logique bottom-up que top-down, mais avec une structuration commune, de façon à ce que les enseignants chercheurs n’aient pas à rechercher un positionnement selon leur établissement.

Que proposez-vous pour l’accueil des étudiants étrangers ?

Nous devons définir un mode de recrutement spécifique et proposer une offre française, avec un diplôme, qui serait construite sur la base de compétences issues des quatre écoles. Il s’agit d’éviter de multiplier les relations et les programmes avec les établissements étrangers. Quant à la question de savoir où accueillir ces étudiants, ce n’est pas le sujet du rapport. Nous pouvons cependant imaginer qu’une partie de l’augmentation du nombre d’étudiants qui a été décidée soit transférée sur des étrangers.

UNE STRUCTURE COMPLÉMENTAIRE, LA PLUS LÉGÈRE POSSIBLE

Comment les fonctions supports seront-elles revisitées ?

L’idée est de pouvoir construire et utiliser nous-mêmes les outils dont ont besoin les écoles, en articulation avec le ministère. N’oublions pas que nous sommes des opérateurs. C’est d’ailleurs une bonne liaison avec le schéma du cahier des charges global : il s’agit bien d’avoir une structure où il est possible de réfléchir en commun à la stratégie avec les différents partenaires institutionnels (DGAL2, DGER, institutions de recherche, ministères, etc.) ou privés, pour qu’ensuite les écoles, à partir de ces éléments stratégiques, puissent dégager des éléments opérationnels et proposer les meilleures réponses. C’est dans cet esprit que sont construites les propositions.

L’option “zéro création d’une nouvelle structure” a-t-elle été envisagée ?

Nous avons étudié la possibilité de nous en tenir à une simple convention entre les écoles, mais cela se fait déjà aujourd’hui et nous en voyons les limites. Nous avons également examiné l’éventualité de rejoindre Agreenium, mais trois écoles sur quatre ne le souhaitent pas. La dimension agronomique, autour de laquelle Agreenium mutualise des réflexions, ne correspond en effet qu’à une partie de l’activité des ENV. Pour tout ce qui a trait à la santé humaine et à la santé animale, nous entretenons des relations fortes avec d’autres partenaires. L’institut, s’il est créé, pourra donc être membre d’Agreenium, afin de bien coordonner nos objectifs dans le domaine agronomique, mais il devra également être présent auprès d’autres partenaires.

Cet institut sera-t-il une structure de plus ?

Dès lors que l’on met en avant la nécessité de réaliser quelque chose en commun et qu’il est absolument non souhaitable de fusionner et de faire disparaître les quatre écoles, la piste de créer une structure complémentaire est la seule qui s’impose à nous. Elle doit être la plus légère possible, sans doublonner avec les différentes structures présentes, et répondre aux besoins d’une programmation stratégique commune. Bien entendu, si le ministre souhaite lancer cet institut, nous devrons évaluer le rapport bénéfice/coût qui s’y rattache.

Est-ce un progrès pour la profession ?

J’en suis persuadé. J’estime qu’aujourd’hui, nous sommes au bout de ce que l’on peut faire sans formalisation, même si nous avons déjà lancé des réflexions et des travaux concertés entre les écoles. Nous avons commencé à lancer ensemble de nombreux projets, par exemple la formation en stages tutorés, qui sera expérimentée cette année. Nous l’avons construite en commun, mais si elle prend de l’ampleur - ce que nous souhaitons -, cela nécessitera une coordination plus structurée. Si nous voulons avoir une traduction pleinement opérationnelle des relations avec nos différents partenaires (ministère, profession, industrie) et proposer des solutions, je ne vois pas comment nous pourrons le faire efficacement sans nous appuyer sur une nouvelle organisation au service des projets communs.

  • 1 Centre national de la recherche scientifique, Institut national de la santé et de la recherche médicale, Institut national de la recherche agronomique, Agence nationale de sécurité sanitaire.

  • 2 Direction générale de l’alimentation.

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