La queue levée : un indicateur de prédiction des vêlages dystociques

La détection des vêlages est un enjeu majeur de l’élevage bovin. Des moyens existent afin de surveiller les vaches, mais ils ne permettent pas de déterminer si une intervention humaine est nécessaire. Cette décision repose sur les épaules de l’éleveur et varie selon sa disponibilité et son degré d’interventionnisme.

Les résultats d’une étude¹ visant à déterminer des indicateurs éthologiques pour les vêlages dystociques ont été présentés lors des 19^e Rencontres autour des recherches sur les ruminants à Paris, en décembre dernier.

Observation du comportement prepartum

L’objectif de cette étude était de rechercher des indicateurs pour repérer précocement et spécifiquement les vêlages difficiles. 20 vaches laitières de race prim’holstein (10 multipares et 10 primipares) ont été suivies par vidéosurveillance afin d’analyser leurs comportements durant les 12 heures précédant la mise bas.

Un vêlage est considéré comme normal s’il se déroule sans aide et si le veau est expulsé moins de 30 minutes après l’apparition de ses pattes. Dans le cas contraire, il est classé comme dystocique. D’après cette définition, 7 mises bas sont jugées normales et 13 dystociques (intervalle entre l’apparition des pattes et l’expulsion complète compris entre 30 minutes et une heure pour 7 vaches, et supérieur à une heure pour les 6 autres). En outre, 6 vaches ont eu besoin de l’intervention (facile ou difficile) de l’éleveur, mais aucune de celle du vétérinaire. Un veau est mort-né. Les observations montrent que les différentes étapes de la mise bas – la phase de préparation, avec dilatation du col de l’utérus et contractions abdominales, et celles de l’expulsion, déterminées par les délais qui séparent l’apparition de la poche amniotique, puis celle des pattes, de l’expulsion complète du veau – sont significativement plus longues lors de vêlage dystocique (^{voir tableau}).

Des signes d’inconfort plus rapides

Un effet significatif du type de vêlage est relevé sur les comportements ponctuels des animaux. Le nombre moyen de contractions est plus élevé lors des vêlages dystociques, de même que leur durée moyenne (30 +/- 12 minutes, versus 14 +/- 4 minutes pour les vêlages normaux, p = 0,002). Les signes d’inconfort (transition debout/ couché, coups de patte, coups de tête vers le flanc, etc.) sont plus nombreux en cas de vêlage dystocique, et les vaches passent davantage de temps avec la queue levée (3h05 +/- 1h10, versus 1h20 +/- 0h28 lors de mise bas normale, p = 0,0006). Aucun effet significatif de la parité ou du sexe du veau n’est relevé sur le type de vêlage, ni sur la durée de ses différentes phases, ni sur les comportements exprimés.

Dans tous les cas, une agitation est observée au cours des six heures qui précèdent la mise bas, mais les signes d’inconfort et la proportion de temps passé la queue levée augmentent dans les quatre heures avant le vêlage lors de dystocie, au lieu de deux heures pour le vêlage normal, en moyenne. Un indicateur précoce et spécifique

Ces résultats concordent en partie avec ceux de la littérature² concernant l’intensification de l’activité des vaches, avec l’augmentation de la durée des contractions, des transitions de position debout/couché et des levers de queue six heures avant l’expulsion du veau, pour atteindre un pic deux heures avant lors de vêlages normaux. Dans le cas des vêlages dystociques, les changements de position debout/couché seraient plus fréquents, et le pic de contractions interviendrait environ quatre heures avant l’expulsion du veau.

Dans cette étude, l’analyse des associations comportementales (caractérisées sur la base de comportements observés simultanément) a permis de déterminer qu’un seuil de six épisodes (durant lesquels la vache reste avec la queue levée sans contraction visible), d’au moins quatre minutes chacun, prédit un vêlage dystocique avec une spécificité de 100 % et une sensibilité de 77 %.

L’observation d’indicateurs éthologiques est contraignante pour l’éleveur, mais cette étude peut servir de base scientifique au développement de technologies telles qu’un capteur “intelligent” qui détecterait les difficultés du vêlage.

• 1 J. Gatien, M. Le Broc, J.M. Philipot et coll. « Évolution des comportements dans les 12 heures précédant la mise bas et prédiction des vêlages dystociques chez des vaches prim’holstein », 3R. 2012; 19:337-340.

• 2 A.C. Barrier, E. Ruelle, M.J. Haskell et coll. « Effect of a difficult calving on the vigour of the calf, the onset of maternal behaviour, and some behavioural indicators of pain in the dam », Appl. Anim. Behav. Sci. 2012;103:248-256.

• H.M. Miedema, M.S. Cockram, C.M. Dwyer et coll. Appl. Anim. Behav. « Changes in the behaviour of dairy cows during the 24 h before normal calving compared with behaviour during late pregnancy ». Sci. 2011;131:8-14.