Bonnes pratiques d’antibiothérapie en médecine interne : le consensus du Gemi - La Semaine Vétérinaire n° 1550 du 06/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1550 du 06/09/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson*, Juan Hernandez**

Fonctions :
*diplomate Acvim, praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne). Pour le comité scientifique du Gemi1. Article tiré d’une conférence présentée au congrès du chat d’Arcachon, en mai 2013.

POINTS FORTS

– Il est recommandé de limiter l’antibiothérapie probabiliste à l’usage des antibiotiques de première catégorie.

– Les nouvelles données, issues de la médecine par les preuves, encouragent à “taper fort”, mais moins longtemps.

– L’antibiogramme devrait être requis plus souvent.

– Un sondage urinaire, réalisé dans des conditions strictes d’asepsie, ne nécessite pas d’antibiothérapie.

Rendez-vous rituel du Groupe d’étude en médecine interne (Gemi) de l’Afvac, la réunion de consensus a clos, cette année, le congrès du chat d’Arcachon. Comme à chacun de ses groupes d’étude, l’Afvac a demandé un travail sur l’usage des antibiotiques. Juan Hernandez a ainsi rappelé que « sa prescription n’est plus un acte anodin. Elle a des conséquences à l’échelle de l’individu, mais également au plan environnemental ».

En tant que vétérinaire “antibio-citoyen”, il convient de revoir ses schémas thérapeutiques en médecine interne. L’antibiothérapie constitue un facteur de risque de développement d’une infection à un germe résistant. Or la présence d’un germe multirésistant n’est plus anecdotique. Il s’agit d’un problème de santé animale et humaine avec, dans ce dernier cas, la mise en évidence de bactéries totorésistantes. En référence au slogan bien connu, l’usage des antibiotiques n’est pas non plus automatique en médecine interne vétérinaire.

RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES

Afin de limiter le développement des résistances, le consensus du Gemi1 propose de reprendre les propositions du référentiel du Gedac (voir encadré ci-dessus) et recommande plusieurs précautions.

> Réduire l’utilisation des antibiotiques aux seules situations où une infection est probable.

> Limiter l’antibiothérapie probabiliste (sans antibiogramme) aux seuls antibiotiques de catégorie 1.

> Réserver l’usage des antibiotiques de catégorie 2 aux seules situations où un antibiotique de catégorie 1 n’est pas possible : justification bactériologique, échec du traitement avec un antibiotique de catégorie 1, impératif pharmacologique.

> Ne pas confondre colonisation bactérienne et infection : par exemple, lors d’un sondage urinaire chez un animal, une colonisation est fréquente, mais sans infection. Une antibiothérapie est contre-indiquée dans ce cas.

> Ne jamais sous-doser un antibiotique. C’est pourquoi le praticien ne doit pas hésiter à associer plusieurs présentations pour arriver au plus près de la dose adaptée au poids.

> Traiter juste le temps nécessaire. Augmenter la durée du traitement ne fait plus partie des recommandations.

En cas d’infections à germes hautement résistants, il est indispensable d’informer par écrit le propriétaire sur le risque encouru par les personnes immunodéprimées et celles qui doivent subir une intervention chirurgicale, ainsi que sur les mesures de prévention du manuportage.

ANTIBIOTHÉRAPIE ET URONéPHROLOGIE

Le Gemi ne recommande pas d’antibiothérapie au cours du maintien d’une sonde urinaire à demeure. La colonisation bactérienne est fréquente (un tiers des cas), mais transitoire. En revanche, il convient de respecter les règles strictes d’asepsie et de privilégier un circuit fermé pour le recueil des urines. Un examen cytologique de ces dernières est conseillé quotidiennement, à partir du troisième jour de sondage. La culture bactérienne ne doit être réalisée que par cystocentèse, car la sonde est toujours contaminée. En présence d’une bactériurie après le retrait de la sonde, mais sans signe clinique, une antibiothérapie n’est pas recommandée.

A contrario, dans un contexte de suspicion d’une pyélonéphrite ou d’une insuffisance rénale chronique, notre consœur Christelle Maurey conseille la prescription d’un antibiotique. L’utilisation d’une fluoroquinolone ou de céfovécine est déconseillée en première intention lors d’une infection sans complications. Le choix doit se porter sur un sulfamide, l’association amoxicilline-acide clavulanique ou la céfalexine en présence de bacilles, et sur l’amoxicilline ou la céphalexine face à des coques, sur une durée de sept jours. Néanmoins, « il vaut mieux utiliser la céfovécine plutôt qu’un antibiotique mal administré à l’animal (donc sous-dosé) ».

Lors d’infection urinaire avec complications (voir encadré ci-dessus), un examen cytobactériologique des urines (ECBU) doit être réalisé, associé à un antibiogramme. Les causes sous-jacentes sont à rechercher afin d’être prises en charge en parallèle. Ainsi, lors de prostatite, les quinolones sont recommandées : enrofloxacine (dose minimale de 5 mg/kg/j, en une prise chez le chien uniquement), marbofloxacine (dose minimale de 2 mg/kg/j, en une prise) et pradofloxacine (6 mg/kg/j, en une prise) pour une durée de trois à six semaines. Un ECBU de contrôle est recommandé une semaine après la fin du traitement.

ANTIBIOTHÉRAPIE ET GASTRO-ENTÉROLOGIE

En gastro-entérologie, la mise en évidence d’une bactérie ne signifie pas qu’il existe une infection. Il convient de tenir compte du biotope, comme en pneumologie. Chez le chien, les entérites bactériennes sont rares et peu contagieuses, contrairement aux entérites virales ou parasitaires. Seul le jugement clinique doit guider le praticien.

Lors d’entérite aiguë, la réalisation d’une coproculture n’est pas recommandée. Un simple traitement symptomatique est indiqué, en association avec une diète hydrique de 12 à 24 heures et un pansement digestif (smectite), éventuellement un vermifuge à large spectre (fenbendazole, 50 mg/kg/j pendant cinq jours) selon les conditions de vie de l’animal. Lors de facteurs aggravants (syndrome fébrile, signe de choc septique, hémochézie ou méléna, suspicion d’occlusion intestinale), une antibiothérapie à large spectre (germes anaérobies compris) et à large diffusion est instaurée, en plus du traitement de soutien. En première intention, le choix se porte sur le métronidazole (15 mg/kg deux fois par jour) et l’association amoxicilline-acide clavulanique (12,5 mg/kg deux fois par jour) pendant cinq jours. En l’absence d’amélioration dans les 48 heures, outre la recherche d’un agent viral, une coproculture est indiquée pour rechercher une salmonellose, et une quinolone est ajoutée durant l’hospitalisation, pendant cinq jours au maximum. Lors de diarrhée chronique sans signe de gravité chez le chien, le Gemi s’accorde sur la démarche diagnostique et thérapeutique suivante :

– coproscopie (s) et vermifugation à large spectre ;

– puis recommandation d’un régime alimentaire hyperdigestible ou hypoallergénique ;

– puis essai d’une antibiothérapie (métronidazole) pendant 10 à 14 jours ;

– enfin, réalisation de biopsies digestives et mise en place d’un traitement immunomodulateur. Quelques exceptions à ces règles sont relevées : les colites histiocytaires du boxer et des races brachycéphales nécessitent un traitement à base de quinolone pendant six semaines.

Devant des signes de gravité, la démarche est accélérée, avec la mise en place d’une polythérapie (fenbendazole, métronidazole, alimentation, traitement immunomodulateur) et la réalisation de biopsies digestives d’emblée, dès que l’état de l’animal le permet.

En outre, le conseil scientifique du Gemi attire l’attention des praticiens sur le décalage éventuel entre certains anciens dossiers d’autorisations de mise sur le marché (AMM) et les actualités thérapeutiques. Beaucoup des schémas thérapeutiques actuels ne tiennent pas compte de la notion relativement nouvelle de concentration de prévention d’apparition des mutants résistants (CPM), qui amènent à revoir certains schémas en faveur d’une augmentation de la dose. Un appel est ainsi lancé aux industriels du médicament, les invitant à actualiser les schémas thérapeutiques proposés dans les résumés des caractéristiques des produits (RCP).

  • 1 Membres du Gemi : Dominique Blanchot, Yannick Bongrand, Luc Chabanne, Julie Gallay, Juan Hernandez, Patrick Lecoindre et Christelle Maurey. Invités : Alain Philippon, Christine Médaille, Henri-Jean Boulouis, Olivier Toulza, Drs Bernardin et Drut.

RÉFÉRENTIEL POUR UNE PRESCRIPTION RAISONNÉE DES ANTIBIOTIQUES1

Catégorie 1 : molécules de première intention utilisables sans antibiogramme, pour lesquelles le choix dépend de l’affection à traiter (céfalexine, amoxicilline-acide clavulanique, triméthoprime/sulfamides, etc.).

Catégorie 2 : molécules à utilisation restreinte, guidée par la réalisation d’un antibiogramme et/ou après l’échec d’une antibiothérapie de première intention (fluoroquinolones, céfovécine, etc.).

Catégorie 3 : molécules dont l’usage est déconseillé en médecine des carnivores domestiques en raison de résistances fréquentes, d’une mauvaise diffusion au niveau du site de l’infection, d’une toxicité (gentamicine), etc.

Catégorie 4 : molécules réservées à l’usage humain et/ou hospitalier (vancomycine, etc.).

1 D’après le Groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie (Gedac) de l’Afvac.

PRINCIPAUX CAS DE FIGURE LORS D’INFECTIONS URINAIRES COMPLIQUÉES

> Chien mâle non castré suspecté d’être atteint d’une affection prostatique.

> Chat : 19 % d’infections à germe multirésistant et 90 % de maladies concomitantes telles que l’insuffisance rénale chronique, le diabète, etc.

> Infection urinaire récidivante dans un court intervalle de temps ou qui ne répond pas au traitement de première intention (antibiotique de catégorie 1).

> Causes sous-jacentes identifiées : urolithiases, immunosuppression, glucosurie, tumeur, incompétence sphinctérienne, pyélonéphrite, etc.

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