La mission “mesure 29” interdit les remises sur les antibiotiques - La Semaine Vétérinaire n° 1548 du 12/07/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1548 du 12/07/2013

Pas de découplage dans l’immédiat

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Auteur(s) : Éric Vandaële

Le découplage est une mesure trop coûteuse, trop risquée et au bénéfice incertain, conclut la mission interministérielle. Mieux vaut interdire les remises et les contrats incitatifs sur les antibiotiques, voire encadrer les marges des ayants droit.

Le découplage de la prescription et de la délivrance n’est pas une voie pertinente. » Dans son rapport1 diffusé par le ministère de l’Agriculture, la mission “mesure 29” écarte, « dans l’immédiat », cette idée simpliste de la dissociation telle qu’elle existe en médecine humaine. Son impact serait désastreux sur le maillage vétérinaire en zone rurale, voire sur l’économie agricole en cas de crise sanitaire. Son bénéfice n’est pas établi, ni en Europe dans les pays qui l’ont mis en œuvre, ni a fortiori en France. Le risque de compérage entre pharmaciens et vétérinaires serait accru. Cela ne diminuerait pas alors les quantités d’antibiotiques délivrées. Pour lutter contre une telle connivence, « les Belges ont d’ailleurs dû revenir en arrière sur le découplage », précise la mission.

Un sursis de cinq ans

Toutefois, « la question du découplage pourra être réexaminée au bout de cinq ans », si l’objectif de 25 % de réduction de l’usage des antibiotiques inscrite dans le plan ÉcoAntibio 2017 n’est pas atteint, ou si le prescripteur ne réussit pas à s’exonérer des éventuels conflits d’intérêts qui lui sont aujourd’hui si fréquemment reprochés. La mission recommande donc de réfléchir « dès à présent aux mesures compensatoires » qu’il serait nécessaire de prévoir en cas de découplage pour sauvegarder « un maillage suffisant de vétérinaires ».

Ne pas inciter le prescripteur à vendre plus

Pour la mission, d’autres mesures sont plus efficaces et moins risquées que le découplage. « Le niveau de marge des vétérinaires n’est pas contesté, ni même stricto sensu les remises arrière. » Mais, dans un objectif de réduction d’usage des antibiotiques, « le mécanisme des remises sur volume est critiquable par son caractère incitatif et contraire à la liberté de prescription ». Car les marges arrière sont d’autant plus élevées que les volumes achetés augmentent. Cela constitue une incitation à vendre, et surtout à vendre plus. Par ailleurs, ce mécanisme de « rétrocommissions » n’est pas transparent, ce qui l’expose à davantage de critiques de la part de l’opinion publique et des clients que les marges avant.

Le risque de contournement contourné

Toutefois, la mission souhaite restreindre aux seuls antibiotiques cette interdiction des remises. Pour prévenir le risque de contournement de la mesure, elle veut interdire ces dernières sur les ventes liées, les contrats sur des gammes ou des chiffres d’affaires globaux qui incluent des antibiotiques. Mais elle estime aussi qu’une prohibition étendue aux autres classes serait « non proportionnée » à l’objectif poursuivi par le plan ÉcoAntibio, et devrait s’étendre au pet food, tant la gamme des produits vendus par certains laboratoires est large. Pour la mission, il est d’ailleurs « pertinent » de « promouvoir », y compris par le biais de remises arrière, la substitution des antibiotiques par des vaccins, voire des autovaccins.

Des amendes plafonnées à… deux millions d’euros

Le dispositif serait inscrit dans le Code de commerce, via de nouveaux articles spécifiques aux antibiotiques vétérinaires. Son contrôle serait assuré par les agents des Fraudes. Les sanctions ne seraient pas pénales, mais financières, sous forme d’amendes civiles. Plafonnées à 2 millions d’euros, elles devraient être dissuasives, car elles représentent jusqu’à trois fois les montant des remises litigieuses, avec de surcroît la possibilité de condamner solidairement le fournisseur et l’ayant droit.

Une marge critique inférieure à 10 %

Pour les antibiotiques critiques (céphalosporines de dernière génération et fluoroquinolones), le dispositif serait complété par une marge maximale de 10 % entre le prix du laboratoire et celui de revente par l’ayant droit, quel que le soit le tarif pratiqué par les grossistes. Le vétérinaire ne pourrait plus être suspecté d’être intéressé par la vente de ces molécules. Ces antibiotiques critiques pourraient également être frappés d’une surtaxe dissuasive, de l’ordre de 30 à 50 % de leur coût.

Un projet de loi début 2014

Pour la plupart, ces mesures devraient être débattues dans le projet de loi d’avenir de l’agriculture dont le dépôt a été reporté au début de l’année prochaine. Elles ne sont donc pas applicables avant un an. Si elles se révélaient insuffisantes, la mission suggère d’en ajouter d’autres. Elle propose de fixer un prix minimal de revente élevé (de manière à rendre plus compétitive les solutions alternatives). La marge des ayants droit pourrait être dégressive, c’est-à-dire d’autant plus réduite que les volumes vendus sont élevés.

Pour certains antibiotiques, un statut de médicament d’exception est envisagé, avec une prescription encadrée par un formulaire, déclarée et contrôlée par l’Ordre. L’état pourrait fixer, avec les industriels, des objectifs de volumes maximaux de ventes à respecter. Des pénalités sanctionneraient alors les éventuels dépassements… En outre, certaines mesures devraient s’inscrire dans une perspective européenne, comme les obligations de suivi des ventes, etc. Les quatre inspecteurs généraux de la mission ne manquent donc pas d’imagination pour compléter la mesure 29. Mais ils n’ont pas cédé à la fausse bonne solution de facilité qui leur était suggérée avec le découplage.

  • 1 Rapport sur l’encadrement des pratiques commerciales pouvant influencer la prescription des antibiotiques vétérinaires, rédigé par Muriel Dahan (ministère de la Santé, conseillère générale des établissements de santé), Pierre Hanotaux (ministère des Finances, inspecteur général des finances), François Durand et Françoise Leubert (ministère de l’Agriculture, inspecteurs généraux de la santé publique vétérinaire), mai 2013.

  • Voir le rapport complet sur le site WK-Vet.frhttp://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4231

Un observatoire financé par une surtaxe

La mesure 34 du plan écoAntibio 2017 prévoit la création d’un observatoire des usages des antibiotiques, géré par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). La mission recommande de rendre obligatoire la déclaration des quantités d’antibiotiques à trois niveaux :

→ d’abord par les entreprises pharmaceutiques (laboratoires et centrales) ;

→ puis par les ayants droit au moment de la délivrance ;

→ enfin par les éleveurs eux-mêmes, afin de les responsabiliser vis-à-vis de ces enjeux.

Pour financer ce suivi, le rapport propose d’aménager une surtaxe assise sur le chiffre d’affaires des antibiotiques réalisé par les industriels. Cela reviendrait aussi à augmenter leur prix et à les rendre moins attractifs. Pour les molécules critiques, cette taxe pourrait représenter 30 à 50 % du prix de vente…

En Europe, il n’y a pas de lien évident entre le (dé)couplage et les consommations d’antibiotiques, ici pour l’année 2010. Ainsi, en Espagne comme en Italie, ce sont des pharmacies, spécialisées en produits vétérinaires, qui vendent la majorité des médicaments aux éleveurs, de même qu’aux vétérinaires. Mais la consommation d’antibiotiques espagnole, ramenée à la biomasse animale, est l’une des plus élevées d’Europe, atteignant 241 mg/kg. Elle est cinq à dix fois plus élevée que dans les pays scandinaves (30 à 50 mg/kg) où le découplage est aussi pratiqué, avec toutefois des dérogations. Ainsi, les vétérinaires danois peuvent délivrer les antibiotiques qu’ils prescrivent en quantités restreintes et « à prix coûtant » (avec une marge limitée à 5 %).

Dans les États où le couplage est en vigueur, les vétérinaires représentent, comme en France, l’ayant droit le plus important, avec 60 à 95 % du marché, selon l’importance d’un troisième ayant droit : les distributeurs agricoles spécialisés comme les coopératives en France ou les merchants britanniques. La part de marché des pharmaciens y est toujours très réduite. Dans ces pays, la consommation d’antibiotiques varie entre 50 mg/kg en Irlande et 180 mg/kg en Belgique.

Au final, les consommations sont les plus faibles dans les pays où la prescription du vétérinaire est la mieux respectée, comme dans le nord de l’Europe. À l’inverse, là où l’automédication par les éleveurs prolifère, par exemple en Espagne, les ventes d’antibiotiques augmentent. En effet, dans les pays latins, il se trouve toujours un confrère pour régulariser les demandes (ou les besoins ?) des éleveurs, avec ou sans couplage avec la délivrance par le prescripteur.

Affranchir les vétérinaires de l’influence des laboratoires

La mission “mesure 29” a été surprise de constater la forte implication des laboratoires dans la formation continue et initiale, y compris au sein des écoles vétérinaires. Ainsi, certains enseignants sont remunérés en totalité par les industriels, même si, à l’heure de la rigueur budgétaire, les fameux partenariats public-privé (PPP) sont promus dans les établissements publics. La mission propose d’inscrire dans la loi un dispositif anti-cadeaux similaire à celui des médecins. Il prévoirait l’interdiction de recevoir « des avantages en nature ou en espèces sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte » de la part des entreprises pharmaceutiques. Un décret pourrait gérer les cas d’exclusion, notamment pour le financement des actions de formation continue par les laboratoires. Surtout, la mission demande davantage de transparence en instaurant une déclaration publique d’intérêt (DPI) pour les enseignants, les conférenciers, pour toute intervention dans les écoles vétérinaires, les congrès, les commissions. Les financements multiples devaient être privilégiés par rapport au soutien unique. Et les industriels ne pourraient plus sponsoriser des actions sur les antibiotiques à destination des éleveurs ou des techniciens.

Quant à la publicité sur les antibiotiques, son contrôle devait encore être renforcé. Elle sera strictement réservée aux seuls vétérinaires et pharmaciens. à l’inverse, la publicité sur les vaccins et les autovaccins serait assouplie.

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