Un cas de syndrome vestibulaire chez un lapin nain - La Semaine Vétérinaire n° 1547 du 05/07/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1547 du 05/07/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : JULIEN GOIN*, MARION FUSELLIER**, SOPHIE LABRUT***

Fonctions :
*assistant hospitalier, service “animaux d’espèces inhabituelles”
**service d’imagerie
***laboratoire d’histopathologie animale d’Oniris (Nantes)

CAS CLINIQUE

Un lapin nain femelle âgé de six mois est présenté en consultation pour des troubles neurologiques. L’examen clinique révèle un port de tête fortement penché à droite. L’animal demeure immobilisé en décubitus latéral droit, toute tentative de déplacement entraînant des crises de roulade de ce côté (voir photos 1 et 2). L’appétit et la prise de boisson sont conservés, mais l’animal est incapable de se nourrir seul. Un syndrome vestibulaire droit est diagnostiqué. Des examens complémentaires sont mis en œuvre, afin de préciser l’origine centrale ou périphérique de ce syndrome, et d’obtenir un diagnostic étiologique.

Examens complémentaires

L’animal est anesthésié par l’injection sous-cutanée d’un mélange de médétomidine (100 µg/kg) et de kétamine (5 mg/kg). L’examen radiographique des bulles tympaniques ne montre aucune anomalie (voir photo 3). L’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’encéphale et des bulles tympaniques, réalisée sans injection de produit de contraste préalable, est également normale. Une ponction de liquide céphalo-rachidien (LCR) est pratiquée en région cervicale haute. La technique est identique à celle utilisée chez les carnivores domestiques. Le lapin est placé en décubitus latéral, la tête maintenue en flexion maximale vers l’avant. Le triangle délimité par la pointe occipitale et les deux ailes de l’atlas est repéré (voir photo 4). Une aiguille spinale de diamètre 22 G est alors introduite au centre du triangle, dans le plan médian. Le retrait du mandrin entraîne ensuite la montée du LCR dans l’aiguille (voir photo 5). L’aspect du LCR est normal : transparent et sans turbidité, de type “eau de roche”. Une quantité de 0,2 ml est récupérée. Un examen bactériologique du LCR est demandé. L’animal est réveillé par une injection intramusculaire d’un volume d’atipamézole équivalant à la moitié du volume de médétomidine administré.

Traitement

Dans l’attente des résultats de cet examen, et en l’absence de tout autre élément diagnostique, l’animal est hospitalisé et un traitement à large spectre est prescrit, qui inclut une antibiothérapie (enrofloxacine, 10 mg/kg par voie sous-cutanée, matin et soir), une corticothérapie (dexaméthasone, 1 mg/kg/j par voie sous-cutanée pendant trois jours) et un antiparasitaire (fenbendazole, 20 mg/kg/j per os). Une alimentation assistée par gavage est mise en place (Oxbow Critical Care®, 10 ml/kg trois ou quatre fois par jour). Le box d’hospitalisation est matelassé à l’aide de nombreuses serviettes-éponges pour caler l’animal et limiter les crises de roulade, et afin de prévenir tout traumatisme associé. L’œil droit est protégé par l’application régulière d’un gel lacrymal, destiné à réduire le risque de lésion cornéenne secondaire au port de tête penché.

Résultats de l’histologie

Après une semaine de traitement, aucune amélioration clinique n’est constatée. L’examen bactériologique se révèle négatif. L’euthanasie est demandée par les propriétaires. Une autopsie est réalisée et l’encéphale est prélevé pour l’examen histologique. Des infiltrats lymphocytaires légers à modérés en zone périvasculaire au sein du parenchyme cérébral et des méninges, associés à de petits foyers de gliose, sont observés (voir photo 6). Une des lames montre la présence de deux cellules, probablement de type macrophagique, présentant un cytoplasme surchargé en hémosidérine, probablement en raison d’une possible microhémorragie (voir photo 7). Aucun élément figuré, bactérien, parasitaire ou mycosique n’est mis en évidence après les colorations spéciales. Le diagnostic histopathologique est une méningo-encéphalite lymphocytaire modérée, d’aspect peu spécifique, possiblement d’origine virale.

DISCUSSION

Symptômes

Le syndrome vestibulaire, parfois dénommé par abus de langage “torticolis”, est une affection régulièrement rencontrée en consultation chez le lapin de compagnie. Son apparition est généralement brutale, sans autre signe clinique préalable. Un port de tête incliné est le signe clinique principal. Une ataxie, caractérisée par une perte d’équilibre et des chutes suivies de roulades du côté atteint, est fréquente. D’autres signes neurologiques peuvent apparaître tels qu’une paralysie du nerf facial, un déficit proprioceptif, etc. Ce syndrome, généralement pas douloureux, est handicapant en raison des troubles d’équilibre engendrés.

L’origine peut être centrale ou périphérique. Lors de syndrome vestibulaire central, la cause est variable : méningo-encéphalite bactérienne (Pasteurella spp., Bordetella spp., Staphylococcus spp., etc.), virale (virus humain Herpes simplex HSV-1, rare mais relaté dans la littérature), parasitaire (protozoaire Encephalitozoon cuniculi), traumatisme, tumeur du système nerveux central, accident vasculaire cérébral, etc. Lors de syndrome vestibulaire périphérique, une atteinte de l’oreille moyenne et/ou interne est souvent en cause (tumeur, rupture tympanique par un corps étranger, infection bactérienne, etc.). Une origine idiopathique est également possible.

Diagnostic

En pratique, le diagnostic étiologique du syndrome vestibulaire est complexe, pour des raisons de disponibilité et de coût des examens complémentaires nécessaires. En effet, l’examen de choix est l’imagerie médicale par scanner ou IRM, qui permet l’évaluation simultanée de l’encéphale et des bulles tympaniques. La ponction du LCR et son analyse (cytologie, bactériologie, dosage des protéines) sont indiquées lorsque l’imagerie montre une atteinte centrale de type inflammatoire et/ou infectieuse. Lors d’atteinte centrale d’origine parasitaire, la présence d’Encephalitozoon cuniculi est difficile à établir : une sérologie (simple avec dosage des IgG ou double avec dosage des IgG et IgM) peut orienter le praticien, mais le diagnostic de certitude repose sur l’examen histopathologique de l’encéphale. Ainsi, le diagnostic étiologique est peu souvent réalisé par les vétérinaires en exercice courant.

Traitement

En conséquence, le traitement prescrit est souvent un compromis incluant une antibiothérapie, une courte corticothérapie (idéalement 48 à 72 heures), un traitement antiparasitaire (fenbendazole, 20 mg/kg/j pendant 28 jours lors d’encéphalitozoonose), un curetage chirurgical de la bulle tympanique (en cas d’atteinte avérée de l’oreille moyenne), etc. L’hospitalisation est souvent indispensable et joue un rôle important dans le pronostic ultérieur de l’affection : l’animal est placé au calme, dans un box matelassé, alimenté et hydraté à la seringue s’il est incapable de se nourrir seul. Le pronostic est variable : le plus souvent, l’animal finit par s’adapter à son infirmité tout en conservant un port de tête incliné, parfois fortement. Une guérison complète a parfois lieu. Dans les cas sévères et qui ne répondent ni au temps ni au traitement (lapins restant en permanence en décubitus, voire sur le dos), une euthanasie est conseillée, en raison du sévère handicap généré.

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