La Saône-et-Loire, un vaste département rural au fort potentiel - La Semaine Vétérinaire n° 1547 du 05/07/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1547 du 05/07/2013

Dossier

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Le vétérinaire rural ou mixte a toute sa place en Saône-et-Loire où, quelle que soit la zone géographique, l’économie est liée à l’agriculture. L’élevage allaitant est prépondérant, mais une clientèle laitière et avicole existe également dans l’est du département. La tendance est à la création de grandes structures mixtes, dans lesquelles des praticiens encore exclusivement ruraux assurent le maillage du territoire, et où le potentiel de développement d’un exercice canin est important.

En Saône-et-Loire, un département essentiellement rural, les grandes structures vétérinaires mixtes prédominent. Les cliniques dédiées à l’activité rurale n’existent quasiment plus, mais certains praticiens exercent encore exclusivement en rurale, tout en étant associés à des confrères mixtes ou canins. « Cela maintient un bon maillage du territoire et c’est l’essentiel en zone rurale », constate Liliane Rehby, membre du bureau du Groupement technique vétérinaire (GTV) de Bourgogne qu’elle a présidé pendant onze ans. Le département détient en effet le plus important troupeau allaitant de France, qui représente plus de 5 % du cheptel national, avec un effectif d’environ 650 000 bovins répartis dans quelque 4 500 exploitations (dont 20 000 vaches montbéliardes et prim’holstein, dans 400 élevages). En activité bovine, allaitante ou laitière, le nombre d’exploitations diminue, mais leur taille augmente, et les éleveurs sont de plus en plus performants.

À L’OUEST, UNE FORTE CONCENTRATION D’ÉLEVAGES DE BOVINS ALLAITANTS

À l’ouest de la Saône, l’élevage extensif de bovins allaitants est largement prédominant et valorise les prairies naturelles une grande partie de l’année. La race charolaise, dont la Saône-et-Loire est le berceau1, compose environ 90 % du cheptel. La ferme classique est tenue par un seul éleveur, qui réalise 70 à 80 vêlages par an. La tendance est au regroupement de deux à trois élevages en Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), en exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) ou en entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl). Près des deux tiers des bovins mâles sont exportés, notamment en Italie. Les naisseurs sont ainsi les plus nombreux, mais certaines zones sont plus particulièrement dédiées à l’engraissement, comme le Brionnais. En raison des difficultés rencontrées lors des mises bas, certains croisent depuis quelques années leurs charolaises avec des aubracs, des salers ou des limousines, mais cette tendance reste limitée.

Dans le Charolais-Brionnais, par exemple, le volume de travail est important. « La clientèle est nombreuse et groupée autour de la clinique. Par conséquent, nous avons peu de kilomètres à parcourir. La concentration en vétérinaires est également élevée dans cette région, mais sans forte concurrence entre les structures », témoigne Jean-Pierre Daman, praticien rural à Paray-le-Monial et membre du conseil régional ordinal (CRO) et du GTV de Bourgogne.

Le travail est physique et saisonnier, comme l’explique notre confrère : « La période des vêlages (souvent des césariennes) est intensive, avec des horaires à rallonge et l’embauche de salariés. À partir de la fin mai, c’est la saison creuse. Les effectifs peuvent être diminués de moitié et les praticiens se répartissent dix à douze semaines de vacances. »

L’activité est principalement liée aux actes d’obstétrique, aux soins et à la chirurgie ombilicale des veaux, aux bilans sanitaires et aux protocoles de soins. En raison des nombreuses interventions pour césariennes, notamment en haute saison, le vétérinaire de terrain entretient une relation privilégiée avec son client. En plus d’une bonne communication, c’est l’occasion de proposer du conseil. De nombreux confrères développent leur offre en équipant leur clinique de boxes d’hospitalisation pour les veaux souffrant de diarrhées ou encore de blocs opératoires dédiés aux ruminants. Les éleveurs acceptent sans problème d’amener leurs animaux malades ou qui nécessitent une intervention, car le suivi est meilleur, a lieu dans de bonnes conditions et améliore les chances de réussite. Cela fait également gagner du temps aux praticiens.

À L’EST, DAVANTAGE DE BOVINS LAITIERS ET LES VOLAILLES DE BRESSE

À l’est de la Saône, de nombreux ateliers de broutards sont installés, mais la zone, davantage liée à la polyculture, est également orientée vers l’élevage de vaches laitières et de volailles. « L’activité des vétérinaires ruraux de notre structure se répartit en 70 % de bovine, 20 % d’équine et 10 % d’avicole, sur un rayon de 25 km autour de la clinique. L’activité bovine, divisée en deux entre l’élevage allaitant et laitier, est ainsi plus régulière toute l’année, sans pic en hiver ni creux en été », précise Alexandre Dimberton, praticien rural à Varennes-Saint-Sauveur (Bresse louhannaise) et secrétaire du GTV de Bourgogne. Les motifs d’appel sont les mêmes qu’à l’ouest en élevage allaitant, mais en exploitation laitière, le travail s’oriente davantage vers des services comme les suivis de fécondité, les visites de traite, les consultations sur les bâtiments, le conseil, etc.

L’activité avicole consiste en beaucoup de conseil, notamment téléphonique, et plusieurs autopsies par semaine. Les élevages sont concentrés vers Charolles, mais surtout à l’est, dans la Bresse, où se situe la production de volailles en plein air avec les appellations d’origine contrôlée et protégée (AOC et AOP2). « Les maladies rencontrées sont essentiellement liées à un déséquilibre alimentaire, car le cahier des charges impose, à partir de l’âge de cinq semaines, une alimentation à base de céréales (surtout du maïs) et de poudre de lait, qui est déficitaire en protéines », explique Alexandre Dimberton.

Enfin, l’élevage de porcs en Saône-et-Loire représente 70 % de l’effectif porcin de Bourgogne, et comptait 50 000 bêtes en 2010, un chiffre en régression. Il se concentre dans de grands ateliers, situés essentiellement en Bresse, même si quelques petites exploitations sont réparties dans l’ouest du département.

UN GTV DYNAMIQUE, UN GDS SUR LE TERRAIN ET DE NOMBREUX PROJETS

Les confrères de Saône-et-Loire, le département le plus rural de Bourgogne, représentent la moitié des effectifs du GTV, avec 119 adhérents sur 240 en 2012. Dynamique, le groupement, dont le siège est hébergé par le lycée agricole de Fontaines, assure ainsi, toute l’année, des formations ou des études sur le terrain en collaboration avec des laboratoires.

De même, les services techniques du Groupement de défense sanitaire de Saône-et-Loire (GDS 71) sont étoffés, car le potentiel de dossiers (plan avortements, plan maladie des muqueuses, etc.) est important. Selon notre consœur Françoise Roulleau et Cécile Chuzeville (GDS 71), la volonté est de développer des projets entre le GTV, le GDS (qui tente de promouvoir le conseil vétérinaire), les éleveurs et le Laboratoire départemental d’analyses (LDA 71). Depuis 2012, la Saône-et-Loire est un département pilote concernant la surveillance de la fièvre Q, en coopération avec le LDA, notamment3.

Alexandre Dimberton précise qu’une collaboration existe également sur le terrain entre les trois organismes, et quelquefois avec le contrôle laitier et les inséminateurs, pour des interventions dans les élevages laitiers, des visites de traite par exemple. « Nous mettons en commun nos compétences pour apporter chacun notre regard et donner notre avis. C’est plus percutant pour l’éleveur, car il a le même son de cloche, qui provient de plusieurs conseillers, et en même temps. »4

La collaboration s’est notamment resserrée avec la mise en place de formations pour les éleveurs organisées par clientèles. Elles traitent de plusieurs sujets techniques (santé des veaux, préparation des vaches au vêlage, maîtrise des affections respiratoires, etc.) et sont adaptées aux différents types d’élevage (laitier ou allaitant), toujours avec une approche globale de l’exploitation. « Cela a donné une dynamique à ces relations. Devant le nombre de thèmes à aborder, la coopération devrait encore se renforcer, et nous avons une réelle volonté de travailler en réseau », ajoute Françoise Roulleau. Une collaboration entre le GTV, la chambre d’agriculture et la coopérative laitière a également permis de mettre en place des formations “plan mammites” pour les éleveurs. Les vétérinaires y sont impliqués, ce qui constitue aussi un moyen de les impliquer dans le suivi de l’élevage et de toucher davantage d’exploitants.

Ainsi, si les relations entre vétérinaires et éleveurs s’étaient dégradées en 2007, en raison de la vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine5, elles progressent désormais dans le bon sens et de nouveaux projets voient le jour. « Tout le monde a fait des efforts pour resserrer les liens, qui se sont renforcés », constate Liliane Rehby.

ASSURER LE MAILLAGE DÉPARTEMENTAL EN VÉTÉRINAIRES RURAUX

Pour le GTV, l’important est de maintenir un bon maillage rural dans le département, ce qui est actuellement le cas grâce à une implantation homogène des praticiens, qu’ils soient libéraux ou salariés. Chaque éleveur dispose d’un vétérinaire dans un rayon de 30 km au maximum. Toutefois, quelques confrères commencent à ne pas trouver de repreneurs et le maillage se relâche dans la vallée de la Saône, peut-être parce que le travail physique en élevage allaitant, ainsi que le côté “rural” du département, sont peu attractifs pour les jeunes. Pourtant, comme l’affirme Jean-Pierre Daman, « un vétérinaire qui veut exercer en rurale trouvera toujours du travail chez nous, où la vie est agréable, de surcroît ». Le conseil général aide le GTV de Bourgogne à maintenir des vétérinaires en Saône-et-Loire, grâce à des actions menées en direction des jeunes, avec le campus de Lyon, pour voir comment les structures fonctionnent.

Les confrères belges sont assez nombreux dans le département, et quelques vétérinaires des pays de l’Est sont inscrits à l’Ordre. Leur installation est encore anecdotique, mais le phénomène est nouveau.

La tendance chez les femmes est de s’investir de plus en plus dans l’exercice rural. « Les cliniques reçoivent beaucoup de stagiaires, parmi lesquels les filles sont de plus en plus nombreuses, motivées, intéressées et compétentes », constate Jean-Pierre Daman. Toutes activités confondues, elles représentent dé­sormais le tiers des 238 vétérinaires inscrits à l’Ordre en Saône-et-Loire.

Le maillage est notamment indispensable pour assurer le suivi sanitaire des troupeaux. La tuberculose, présente dans la Côte-d’Or voisine, ne pose pas de problème actuellement. Le réseau Sylvatub a mis en place des systèmes de capture des blaireaux par des piégeurs agréés, et de surveillance de la faune sauvage par les chasseurs formés à l’examen initial du gibier. Un réseau d’alerte, via le GTV, permet également d’informer les praticiens lors de l’apparition d’une affection, afin d’entamer une réflexion sur les moyens de la maîtriser. C’est le cas actuellement de la gale, qui touche le centre du département. « Cela a concerné également une maladie d’introduction, la besnoitiose, et nous devons rester vigilants face à ces risques », souligne Liliane Rehby.

Toutefois, la principale inquiétude est liée à l’éventuelle perte de la délivrance des médicaments. « Le maillage ne perdurera que si le vétérinaire reste à la fois prescripteur et “délivreur” du médicament », précise Jean-Louis Laurent, vétérinaire-expert à Épinac et président du GTV 71. Plusieurs actions sont menées en Saône-et-Loire car, « s’il apparaît que les vétérinaires de terrain appliquent correctement la loi sur la prescription-délivrance, quelques marchands de médicaments, qui n’assurent pas les soins réguliers aux animaux, l’outrepassent gravement sans aucun scrupule », constate Jean-Pierre Daman. L’impression des confrères est celle d’un manque de contrôle de l’application de la loi dans les fermes. Pourtant, les praticiens suivent de plus en plus la démarche des bonnes pratiques d’utilisation des médicaments vétérinaires, et forment leurs clients dans ce sens.

  • 1 Des concours de charolais ont lieu dans l’ouest du département (Charolles, Gueugnon et Autun notamment), ainsi que dans la Nièvre, l’autre berceau de la race, généralement en novembre. L’appellation d’origine contrôlée (AOC) bœuf de Charolles a été obtenue en 2010. La Maison du charolais, à Charolles, cherche à faire découvrir la race.

  • 2 La Bresse détient les AOC volaille de Bresse (poulets, chapons et poulardes), qui a également une AOP depuis 1996, dinde de Bresse depuis 1957, et crème et beurre de Bresse depuis 2012.

  • 3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1524 du 25/1/2013 en pages 32 à 34.

  • 4 Voir le cas clinique de G. Le Sobre et L. Commun : « Audit d’élevage laitier en Saône-et-Loire, exemple d’une collaboration réussie », Point Vet. 2013;337.

  • 5 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1332 du 24/10/2008 en page 34.

RÉPARTITION DES ACTIVITÉS EN SAÔNE-ET-LOIRE

La Saône-et-Loire est le septième plus vaste département français, mais le deuxième pour sa surface agricole utile (SAU), qui constitue près de deux tiers de sa surface (environ 554 700 ha). Sa densité de population est en dessous de la moyenne nationale, avec 64 habitants par kilomètre carré, dont un tiers en milieu rural.

Le département est divisé en cinq arrondissements, autour de la préfecture (Mâcon), des trois sous-préfectures (Autun, Chalon-sur-Saône et Charolles) et de Louhans (voir carte).

Deux activités dominent : l’élevage de bovins à viande et la viticulture. Le vignoble se répartit le long de la Saône : la route des vins de Bourgogne traverse la côte chalonnaise, le Mâconnais et le Beaujolais, et sépare le département en deux régions de productions différentes :

→ à l’ouest, le Morvan, l’Autunois, la Sologne bourbonnaise, le Charolais, le Brionnais, le Clunysois sont des régions dédiées essentiellement à l’élevage de bovins allaitants, en majorité de race charolaise ;

→ à l’est, la Bresse et le Chalonnais sont des zones de grandes cultures, de production maraîchère, d’élevages de bovins allaitants et laitiers, de porcs et de volailles de Bresse.

Les troupeaux de caprins sont disséminés sur l’ensemble du département, tandis que les ovins sont surtout présents en Sologne bourbonnaise et dans le Charolais avec la race du même nom.

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