Les particularités des cardiopathies du chat - La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1546 du 28/06/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : ISABELLE BUBLOT*, LAËTITIA LUCARELLI**, ÉRIC BOMASSI***

Fonctions :
*unité de pathologie médicale (cardiologie), VetAgro Sup (Lyon). Article rédigé d’après une conférence présentée en avril 2012 à Ferrières-en-Brie (Seine-et-Marne).

POINTS FORTS

– La présence d’un souffle à l’auscultation cardiaque chez le chat n’indique pas forcément l’existence d’une cardiomyopathie, mais incite à réaliser un examen échocardiographique.

– L’absence de souffle à l’auscultation chez le chat ne permet pas d’exclure une cardiomyopathie.

– Les signes d’appel les plus fiables d’une cardiomyopathie à l’auscultation cardiaque sont l’existence d’un bruit de galop et/ou d’une arythmie.

FORMES CLINIQUES

Quatre principales cardiomyopathies primitives sont rencontrées chez le chat.

Cardiomyopathie hypertrophique

La cardiomyopathie hypertrophique est caractérisée par une (hypertrophie) concentrique et une rigidité du myocarde, en particulier du ventricule gauche. L’hypertrophie peut être focale ou diffuse, symétrique ou non. Les caractéristiques histologiques sont une désorganisation du réseau de myofibrilles et une installation de la fibrose pouvant aller jusqu’à l’artériosclérose. L’hypertrophie concentrique peut entraîner un mouvement systolique antérieur du feuillet septal mitral, ce qui crée une obstruction dynamique de la chambre de chasse du ventricule gauche en fin de systole. L’augmentation de la rigidité du myocarde ventriculaire aboutit à un dysfonctionnement diastolique, à l’origine d’une insuffisance cardiaque congestive.

Plusieurs facteurs favorisent alors la triade de Virchow :

→ les plaquettes, dans l’espèce féline, sont particulièrement réactives et entraînent une augmentation de la coagulabilité ;

→ la dilatation majeure de l’atrium gauche génère une stase sanguine ;

→ les jets de régurgitations entraînent des lésions endothéliales de l’endocarde.

Toutes les conditions sont ainsi réunies pour la formation de thrombi et de thrombo-embolies artérielles.

Cardiomyopathie restrictive

Elle existe sous deux formes :

→ la forme myocardique (la plus fréquente), caractérisée par une dilatation atriale majeure avec un épaississement de la paroi du ventricule gauche minime, voire nul ;

→ la forme endomyocardique (rare) qui correspond à une fibrose de l’endomyocarde et se traduit par un pont fibreux au sein de la cavité ventriculaire gauche. Il existe un cloisonnement de la cavité ventriculaire.

Son diagnostic repose sur l’exclusion des autres formes.

Cardiomyopathie dilatée

Rare chez le chat, elle est primitive ou secondaire à une carence en taurine (réversible).

Cardiomyopathie arythmogène ventriculaire droite

Sa pathogénie n’est pas entièrement comprise. C’est une maladie bien décrite en médecine humaine qui se traduit par un remplacement progressif des cellules myocardiques par du tissu fibreux et graisseux. Ses caractéristiques sont les mêmes dans l’espèce féline. Elle doit être suspectée lors de cardiopathie droite acquise associée à des troubles du rythme.

AUSCULTATION

La prévalence des souffles physiologiques chez le chat est estimée entre 11 et 63 %. La présence d’un souffle ne permet donc pas d’affirmer l’existence d’une cardiomyopathie, cependant elle incite à réaliser une échocardiographie. Le pourcentage de chats atteints de cardiomyopathies et qui ne présentent pas de souffle varie entre 2 et 13 %. Par conséquent, l’absence de souffle à l’auscultation chez le chat ne permet pas d’exclure une cardiomyopathie. Le taux de chats atteints de cardiomyopathies et qui présentent un souffle à l’auscultation est compris entre 18 et 62 %. Les souffles sont particulièrement audibles en région parasternale chez le chat. Les signes d’appel les plus fiables d’une cardiomyopathie à l’auscultation cardiaque sont l’existence d’un bruit de galop et/ou d’une arythmie (tachycardie supraventriculaire, tachycardie ventriculaire, bloc atrio-ventriculaire). La tachycardie n’est pas un bon indicateur : beaucoup de chats insuffisants cardiaques sont bradycardes.

SYMPTÔMES

Dans la majorité des cas, les chats sont asymptomatiques et la maladie cardiaque est détectée au cours d’un examen de routine ou d’une autopsie. La présentation clinique la plus commune des animaux en décompensation cardiaque est l’apparition d’un œdème pulmonaire aigu et/ou d’un épanchement pleural. Chez le chat, une insuffisance cardiaque congestive gauche peut être à l’origine d’un œdème pulmonaire, mais aussi d’un épanchement pleural, comme chez l’homme. Face à une parésie/paralysie aiguë d’un ou de plusieurs membres chez le chat, associée à une douleur vive, une pâleur des coussinets, une froideur des extrémités et une absence de pouls, les deux hypothèses diagnostiques principales sont une thrombo-embolie secondaire à une cardiomyopathie ou à une tumeur pulmonaire. Les thrombo-embolies artérielles s’expriment de façon brutale par une monoparésie ou une paraparésie postérieure, plus rarement par une mono­parésie antérieure (gauche préférentiellement). Ces troubles locomoteurs s’accompagnent souvent d’un état de choc avec un syndrome algique et une dyspnée. L’hypothermie est un facteur pronostic péjoratif.

Chez le chat qui a accès à l’extérieur, il est difficile d’obtenir une anamnèse précise, donc d’exclure l’hypothèse d’une affection ostéo-articulaire consécutive à un traumatisme.

TRAITEMENT

En phase préclinique

Il n’y a pas d’intérêt démontré à utiliser des médicaments chez les animaux asymptomatiques.

En phase clinique

→ En phase aiguë, les diurétiques (comme le furosémide) sont utilisés à des doses comprises entre 1 et 2 mg/kg par voie intraveineuse toutes les 1 à 2 heures, jusqu’à maîtriser les phénomènes de congestion. Par la suite, les injections sont espacées toutes les 8 à 12 heures, par voie intramusculaire ou sous-cutanée. Le relais peut être également pris par une administration intraveineuse continue au rythme de 0,66 mg/kg/h.

→ En phase chronique, la prise en charge est adaptée au cas. La posologie du furosémide est diminuée jusqu’à atteindre la dose minimale efficace (entre 6,25 et 12,5 mg/animal toutes les 12 à 24 heures). Certains chats reçoivent ensuite un traitement quotidien, entre 1 et 2 mg/kg per os. Pour d’autres, les diurétiques ne sont utilisés que deux fois par semaine, voire interrompus.

Une fréquence respiratoire inférieure à 40 mpm est un bon indice de suivi thérapeutique chez le chat cardiopathe. Le Multicenter Feline Chronic Heart Failure Study Group a mené une étude prospective en double aveugle sur le traitement de chats insuffisants cardiaques chroniques ayant présenté un premier épisode d’insuffisance cardiaque. Ils sont randomisés en quatre groupes (selon qu’ils reçoivent un placebo, de l’aténolol, du diltiazem longue action ou de l’énalapril). Pour tous les chats, le traitement contient du furosémide en plus. L’étude ne permet pas d’affirmer qu’un des trois médicaments offre plus de bénéfices que le furosémide seul.

Traitement des thrombo-embolies artérielles

Les traitements utilisés actuellement sont préventifs : ils empêchent l’augmentation de taille du thrombus existant et la formation d’un nouveau thrombus. En revanche, ils ne permettent pas de les lyser. La plupart des recommandations vétérinaires actuelles sont issues d’un nombre limité d’essais expérimentaux et cliniques. Ce sont donc surtout des extrapolations des publications en médecine humaine. L’aspirine est recommandée dans la prise en charge thérapeutique des thrombo-embolies artérielles félines à la dose de 5 mg/chat, toutes les 72 heures. Le clopidogrel, un antiagrégant plaquettaire, peut être utilisé comme alternative ou en association avec l’aspirine, bien qu’aucune étude n’évalue son utilisation chez les animaux en phase clinique. Les effets antiplaquettaires significatifs sans effets négatifs associés ont été observés pour des doses allant de 18,75 mg/j à 75 mg/j.

De l’héparine non fractionnée peut être administrée par voie sous-cutanée dans la prise en charge initiale des thrombo-embolies artérielles à la dose de 250 à 300 U/kg toutes les 8heures. L’héparine de bas poids moléculaire peut également être utilisée à raison de 100 U/kg, une à deux fois par jour par voie sous-cutanée. Les doses recommandées de warfarine varient entre 0,6 à 0,9 mg/kg/j, bien qu’il n’existe pas suffisamment d’études démontrant ses avantages par rapport aux autres traitements anticoagulants.

Les thérapies thrombolytiques et les thrombectomies restent controversées en médecine vétérinaire. Il n’est pas recommandé de les utiliser dans la gestion des thrombo-embolies artérielles. Le recombinant tissue plasminogen activator (rt-PA) et la streptokinase permettent de lyser les thrombi, mais les études révèlent que ces traitements sont associés à un fort taux de mortalité (lésions de reperfusion, déséquilibres acido-basiques sévères et graves hémorragies en raison de leur utilisation intraveineuse et non in situ).

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