L’âme de l’instant

En amont de la rétrospective qui lui sera consacrée cet été aux Rencontres d’Arles¹, les éditions Delpire publient un livre subtil et mystérieux de Michel Vanden Eeckhoudt, magnifiquement traversé d’animaux, comme l’est toute l’œuvre du photographe belge.

Contrairement aux précédentes monographies qui leur étaient dédiées (Duo chez Nathan/Delpire en 2000, Chiens chez Marval en 1997 et Zoologies chez Delpire en 1982), Doux-amer combine aux photographies d’animaux celles de lieux vides et de détails insolites. Cette diversité des images frappe pourtant par sa cohérence et la capacité à toujours saisir dans le flux du présent « l’étrangeté d’un suspens », comme le dit justement Jean-Christophe Bailly dans le texte qui accompagne les clichés. Se donner le temps d’accueillir de tels instants traduit une disposition pleine d’égards envers le réel. Elle fait du photographe un poète.

Certes, le monde que celui-ci nous révèle n’est pas vraiment gai. Les animaux, domestiques ou captifs, y apparaissent souvent dans les conditions désolantes auxquelles l’homme les soumet. Mais les images ne sont jamais accusatrices. Les animaux, souligne Bailly, sont ici moins des motifs que « les signes d’une inscription dans le sensible qui est un trouble, une émotion ». Quelque chose de difficile à saisir – qui échappe souvent à la photographie documentaire – et où une intensité singulière se manifeste. Entre sourire et inquiétude.

Doux-amer, 48 photographies noir et blanc de Michel Vanden Eeckhoudt, texte de Jean-Christophe Bailly, Delpire éditeur, 112 pages, 20 x 28 cm, 34 €.

• 1 www.rencontres-arles.com