La relaxe des éleveurs prononcée par les juges de Niort est contestée - La Semaine Vétérinaire n° 1540 du 17/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1540 du 17/05/2013

Importations espagnoles illégales

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Auteur(s) : Éric Vandaële

La cour d’appel de Poitiers examinera, le 20 juin, l’affaire des importations illégales de médicaments espagnols par quatre éleveurs, à la suite de leur relaxe, le 21 mars, par le tribunal de Niort.

Quatre éleveurs des Deux-Sèvres avaient pris l’habitude de s’approvisionner illégalement en médicaments vétérinaires en Espagne. Ils ont été pris par les douanes, le 18 janvier 2008. Or, à la surprise générale, le tribunal correctionnel de Niort a ordonné leur relaxe, le 21 mars dernier. À la demande du ministère de l’Agriculture, le parquet a fait appel. Les faits seront donc réexaminés par la cour de Poitiers, le 20 juin prochain.

31 voyages à la Venta Peio pour 225 ordonnances

Depuis le 19 août 2005 et jusqu’en 2009, Thierry et Murielle Gaillard, éleveurs, ont ainsi effectué 18 voyages en Espagne, « donnant lieu à 177 ordonnances pour un montant facturé par la Venta Peio de Dancharia, à la frontière basque, de 28 810,37 € ». Les deux autres éleveurs, Pascal et Éric Nourrigeon, ont fait 13 voyages entre le 6 novembre 2005 et le 30 août 2008, « donnant lieu à 48 ordonnances pour un montant facturé de 6 364,25 € ».

Lorsqu’ils sont arrêtés par les douanes, le 18 janvier 2008 sur l’autoroute A63, leur coffre contient plusieurs « cartons remplis de médicaments vétérinaires ». Certains de leur bon droit, ils déclarent « avoir l’habitude d’effecteur ce genre d’achats à la Venta Peio compte tenu du gain de 45 % par rapport à leur prix en France ». Ils présentent des ordonnances signées par un vétérinaire espagnol, José Léon Ascoiti de Andres, établi à Irurtzun en Espagne, soit à environ 500 km et cinq heures de route de leurs élevages de Poitou-Charentes. Les services vétérinaires, qui auraient inspecté ces élevages, ne leur auraient pas signalé d’infractions à propos de cette pratique, qu’ils ne semblent pas avoir dissimulée. Pire, après le contrôle des douanes début 2008, ils continueront encore plusieurs mois, jusqu’en 2009 pour les époux Gaillard, à importer illégalement des médicaments de la Venta Peio.

Des infractions évidentes au droit national

Illégalement ? Oui. Le tribunal de Niort reconnaît que ces approvisionnements sont en infraction avec le Code de la santé publique. Car ce type d’importation parallèle n’est pas permis sans l’autorisation de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV).

Illégalement ? Non. Car selon ce même tribunal, le Code de la santé publique n’est pas opposable aux quatre éleveurs. Le décret du 29 mai 2005, dit décret “importations”, n’aurait pas été notifié à la Commission européenne sous sa version finale.

Un vice de procédure européenne

Entre le projet de décret notifié à la Commission et la version en vigueur, il a été ajouté que la pharmacovigilance des médicaments importés devait être prise en charge par le titulaire de l’autorisation d’importation, et non par celui de l’AMM espagnole…

Le tribunal de Niort appuie donc sa décision de relaxe sur un vice de procédure : « La supériorité des normes juridiques européennes sur le droit interne s’impose au juge national. » Implicitement, le tribunal estime que le droit national, qui restreint ces importations compétitives de produits espagnols identiques à des médicaments français, ne paraît pas conforme au traité européen. Son article 28 interdit, au nom de la libre circulation, ce type de restriction. Pire, le tribunal a même rendu aux prévenus les médicaments vétérinaires saisis durant l’instruction en 2008 et 2009, alors qu’ils sont sans doute périmés.

Des importations Audac… ieuses

En fait, l’explication de cette relaxe est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. On la doit surtout à l’habilité juridique de Daniel Roques, le président d’Audace, l’Association des utilisateurs et distributeurs de l’agrochimie européenne. Défenseur des petits usagers, agriculteurs ou éleveurs, contre les grosses multinationales, il les encourage à profiter de la libre concurrence et de la diminution des prix via des importations parallèles de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires. Et il va jusqu’à les défendre devant les tribunaux, lorsque l’occasion se présente.

Le non-lieu de Lorient dans l’affaire Albaïtaritza

Fin connaisseur des failles du droit européen, Daniel Roques avait déjà obtenu, en 2003, un non-lieu du tribunal de Lorient et de la cour d’appel de Rennes dans l’affaire Albaïtaritza impliquant 105 éleveurs. Ces derniers, des Bretons pour la plupart, démarchés par la société espagnole Albaïtaritza, recevaient leurs médicaments par transporteur avec une ordonnance trilingue signée par un vétérinaire ibérique. À l’époque, sur les conseils du président d’Audace, le juge d’instruction de Lorient avait conclu à « un manquement de la France au droit européen » en raison de l’absence de procédure d’importation parallèle pour les médicaments vétérinaires.

Deux ans plus tard, le décret “importations” a institué la procédure manquante d’importation parallèle, sur un modèle similaire à celui qui existe pour les médicaments humains. Il est ainsi devenu possible d’importer des médicaments espagnols moins chers, identiques aux mêmes médicaments avec AMM en France. Mais seuls des établissements pharmaceutiques, des industriels, des importateurs ou des distributeurs en gros peuvent effectuer ce type d’importation. Les médicaments doivent alors être réétiquetés en français par un fabricant.

Des importations interdites aux éleveurs

Trop compliqué ? Dès la parution du décret, Audace en a contesté la légalité en référé devant le Conseil d’état, avec les mêmes arguments aujourd’hui soutenus par les juges de Niort : absence de notification du décret à Bruxelles, non-conformité du droit national au traité européen instituant la libre circulation, procédure d’importation non accessible aux éleveurs, etc.

Contrairement aux juges de Niort, le Conseil d’état n’avait pas été sensible à ses arguments et avait rejeté sa demande d’annulation du décret le 30 août 2005. À l’inverse, il avait estimé que ce texte faisait progresser le droit national en instaurant une procédure d’autorisation simplifiée pour les importations parallèles.

L’affaire est maintenant devant la cour d’appel de Poitiers. L’audience est prévue le 20 juin.

Entre libre circulation et protection de la santé

L’équilibre est difficile entre les articles 28 et 30 du traité de Rome.

→ L’article 28 instaure le principe du marché unique et de la libre circulation des marchandises en Europe. Il interdit aux états de restreindre les échanges intracommunautaires ou de prendre des mesures de restriction à l’effet équivalent.

→ L’article 30 permet à chaque état de fixer son propre niveau de protection de la santé, indépendamment des règles européennes. En revanche, cet article ne peut pas être mis en avant pour défendre une profession, fût-elle de santé, ou a fortiori les ventes d’un circuit national de distribution en gros ou au détail. Il n’est pas possible d’interdire les importations sur la base de l’article 30 en arguant d’une menace ou d’une concurrence déloyale contre les ayants droit, mais plutôt du risque pour la santé publique du fait d’utilisations excessives ou non contrôlées.

La jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sur les médicaments humains a toujours placé la prescription comme frontière entre les articles 28 et 30. Pour ceux non soumis à une prescription, la libre circulation ne permet pas à un état membre, par exemple, de s’opposer dans son droit national à des ventes à distance sur Internet, y compris en provenance d’un autre pays membre. Alors que, pour les médicaments soumis à une prescription, les états peuvent protéger, davantage que le prévoit le droit européen, la santé de leurs ressortissants. Ils peuvent interdire, s’ils le jugent nécessaire, la vente à distance (via Internet) ou la publicité à destination du grand public.

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