Traitement des traumatismes rachidiens chez le chien et le chat - La Semaine Vétérinaire n° 1538 du 03/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1538 du 03/05/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : LAURENT CAUZINILLE*, JEAN-LOUIS TROUILLET**, Gwenaël Outters***

Fonctions :
*diplomate ENVN, praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne).
**diplomate ECVS, praticien à Castres (Tarn). Article tiré des conférences présentées lors du congrès de l’Afvac à Lyon.

POINTS FORTS

– L’instabilité médicale est une priorité.

– Les manipulations de l’animal ne doivent pas aggraver l’instabilité mécanique.

– L’examen nerveux est répété plusieurs fois : la lésion secondaire intervient dans les heures qui suivent le traumatisme et modifie l’examen et le pronostic.

– La lésion secondaire aggrave rapidement le pronostic : elle est la cible du traitement médical (remplissage vasculaire et oxygénation).

– Le protocole à la méthylprednisolone ne fait plus consensus.

– La réduction chirurgicale permet une décompression médullaire dans la plupart des cas.

– La décompression est nécessaire lors d’effet de masse.

– Les techniques chirurgicales par plaques et vis sont à privilégier.

La présentation clinique, les risques de complication et la prise en charge des traumatismes rachidiens diffèrent selon la région vertébrale atteinte (la dynamique vertébrale change entre chaque segment) et le type de lésion (qui va d’une contusion à l’écrasement, voire à la destruction du parenchyme médullaire). La rapidité de la mise en place thérapeutique influe sur la récupération.

PROTECTION DES FONCTIONS VITALES ET NEURONALES

En cas de traumatisme rachidien, il convient dans un premier temps de stabiliser les fonctions vitales (recherche et traitement d’un pneumothorax ou hémothorax, d’un hémoabdomen, d’une rupture vésicale, etc.). Plusieurs mesures concourent à prévenir l’apparition des lésions neuronales secondaires (retardées).

La perfusion et le remplissage vasculaire maintiennent l’hématose, un état circulatoire correct et, par conséquent, apportent l’adénosine-triphosphate (ATP) et l’oxygène aux cellules nerveuses et permettent l’élimination des produits toxiques générés. Pour cela, la tension artérielle est maintenue au-dessus de 90 mmHg (utilisation de colloïdes et de sympathomimétiques vasopresseurs). Parallèlement, le drainage veineux médullaire est favorisé par le retrait des garrots ou des sangles, la vidange de la vessie, le traitement des hémothorax ou hémoabdomens. En outre, l’apport d’oxygène (masque ou sonde nasale) est obligatoire pour maintenir une PaCO2 à 35 mmHg et une SaO2inférieure à 95 %. L’animal doit par ailleurs ventiler correctement. L’hyperthermie et l’hyperglycémie sont combattues en raison de leur neurotoxicité.

BILAN NERVEUX

Le premier examen nerveux permet d’identifier les déficits, de localiser les lésions et d’annoncer un pronostic. Il recherche les signes d’atteinte crânienne, puis les signes de type motoneurone périphérique (paralysie de type flasque). Les lésions siègent alors au niveau de l’intumescence ou des racines des nerfs périphériques. Les signes de type motoneurone central sont ceux d’une paralysie spastique/tonique. Enfin, l’examen de la nociception (sur les quatre membres et la queue) est fondamental : après avoir fléchi le membre pour ne pas être influencé pas les mouvements réflexes, le praticien pince l’espace interdigité et le chien doit se retourner pour tenter de le mordre. Si la nociception est absente, le pronostic est réservé.

Cet examen est suivi d’une radiographie, complétée par une myélographie (recherche d’un œdème de la moelle épinière, d’une myélomalacie ou d’une rupture méningée). La tomodensitométrie est intéressante pour les instabilités atlanto-axiales, les subluxations ou les fractures facettaires. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de visualiser des hémorragies axiales, des avulsions brachiales, des dégâts médullaires des luxations vertébrales, les œdèmes intramédullaires et/ou les hernies discales de type III.

TRAITEMENT MÉDICAL

« Peu efficace, le traitement médical, multimodal, vise à permettre une chirurgie de décompression, de réduction et de stabilisation », indique Laurent Cauzinille.

À visée neuronale

Le protocole à la méthylprednisolone à forte dose (bolus de 30 mg/kg au cours des 8 heures qui suivent le traumatisme, suivi d’une perfusion à 5,4 mg/kg/h pendant 24 à 48 heures), en vogue il y a une quinzaine d’années, ne fait plus consensus. Son but est d’éviter la destruction neuronale par les radicaux libres et de diminuer la cascade de la lésion secondaire. Cependant, cette action n’est pas prouvée et les effets secondaires sont importants chez des animaux qui seront opérés ensuite (risque de surinfection, d’hémorragie, etc.).

En revanche, les antalgiques sont employés. Ils réduisent l’hypersensibilisation périphérique et centrale. Les α2-agonistes sont utilisés pour leur effet sédatif et analgésique dose dépendant (surveiller l’effet dépresseur et hyperglycémique). Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) agissent sur le site au niveau périphérique en inhibant le glutamate. Les anesthésiques dissociatifs assurent une bonne analgésie. Les anesthésiques locaux s’utilisent pour les blocs. Les GABAergiques (gabapentine, 5 à 25 mg/kg) sont d’excellents analgésiques (blocage de la sensibilité au niveau médullaire). Enfin, les opioïdes participent à l’arrêt de la cascade de la lésion secondaire.

Réalimentation

La réalimentation précoce, dans les 24 à 48 heures, couvre les besoins énergétiques indispensables pour lutter contre l’infection et favoriser la cicatrisation. Il peut être nécessaire de poser une sonde naso-œsophagienne ou de gastrostomie. Les arrêts de transit sont combattus.

À visée urinaire

Une lésion en aval de L3-L4 provoque une fermeture du sphincter interne de la vessie et une vessie atone si la lésion comprend le segment médullaire S1-S3 ou ses racines. Dans ce cas, pour relâcher le sphincter, l’alfuzosine est utilisée (0,05 mg/kg, per os, toutes les 8 heures). Le betanéchol, cholinergique (2,5 à 15 mg, toutes les 8 à 12 heures) est prescrit pour favoriser la contraction du détrusor. En l’absence de réponse, la vidange vésicale est réalisée de façon manuelle si besoin ou via un sondage stérile raccordé à une poche de collecte.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

La décision chirurgicale est prise selon l’instabilité osseuse et la compression médullaire.

Bilan préopératoire

Apprécier l’instabilité

L’examen clinique est le premier outil d’évaluation de l’instabilité (douleur, déformation, alignement, craquement). La radiographie, sous deux incidences, permet d’analyser toute la zone intéressée par le trouble neurologique : il est rare de rencontrer un signe neurologique sans lésion osseuse (sinon, il est conseillé d’affiner l’examen osseux). L’unité vertébrale est constituée de deux vertèbres successives, des éléments osseux, du ligament longitudinal ventral, de l’anneau fibreux, du ligament longitudinal dorsal et du ligament jaune. Le compartiment supérieur ou dorsal contient les apophyses épineuses, le compartiment intermédiaire renferme les apophyses articulaires et le compartiment ventral accueille les corps vertébraux. La « théorie des trois compartiments » considère que si deux sont atteints, l’instabilité est avérée.

D’autres techniques d’imagerie affinent l’appréciation de l’instabilité : le scanner isole plus précisément les lésions osseuses en réalisant des coupes, l’IRM est plus adaptée pour les lésions ligamentaires.

Apprécier la compression

La compression est provoquée par la mobilité des éléments osseux, mais aussi par les hématomes, les phénomènes congestifs et œdémateux et le déplacement du disque intervertébral. Elle est appréciée par la myélographie, le scanner ou l’IRM. Si elle intéresse plus de 30 % du canal rachidien, une décompression est nécessaire.

Réduire pour décomprimer ?

La réduction de la lésion osseuse suffit le plus souvent à assurer la décompression médullaire : le déplacement osseux est généralement essentiel dans la compression et sa réduction assure également la dispersion du sang et du disque.

La décompression n’est pas assurée par la réduction osseuse lorsque le déplacement est minime, voire absent, et quand les éléments hémorragiques et discaux font un effet de masse. Dans ces cas, la chirurgie doit être minimale (pour ne pas être trop déstabilisatrice), mais suffisante pour garantir la décompression, l’évacuation du sang et du disque, tout en assurant un rinçage important afin de supprimer tous les éléments inflammatoires autour de la moelle.

Stabiliser

De nombreuses techniques de stabilisation sont décrites, mais peu d’études prospectives permettent de faire un choix. Les techniques par broches, vis et ciment sont aisées à mettre en œuvre, mais elles ne peuvent s’appliquer que sur les vertèbres lombaires ou cervicales. En effet, le ciment constitue un corps étranger et le matériel constitue une masse intermusculaire ou sous-cutanée peu confortable pour l’animal.

Jean-Louis Trouillet préfère les techniques de réduction par vis et plaques, adaptables sur tous les segments vertébraux grâce à la variété du matériel. La tolérance et le confort de ces techniques sont meilleurs. Au niveau cervical, des plaques minces assurent modelage et élasticité. Au niveau thoracique, l’association de plaques posées sur la face ventrale par voie thoracique (abord intercostal ou en enlevant une côte) et de broches antagonise les forces de rotation et assure un montage stable dans le temps. Les fractures lombaires sont réduites par des plaques fixées dorso-latéralement et des vis dans les apophyses articulaires.

L’axis est une zone anatomique originale : le massif osseux cranial est latéral et le massif osseux caudal est plutôt médial : les vis vont vers l’extérieur cranialement et vers l’intérieur caudalement. En partie centrale, il convient de doubler les implants. Lors de fracture, la partie caudale de L7 passe sous la partie craniale du sacrum : le vissage articulaire de L7 et du sacrum est protégé par des broches transiliaques.

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