Lésions cutanées inhabituelles chez les chats

La médecine féline est parfois déconcertante et nécessite une démarche diagnostique adaptée. Notre confrère belge Jan Declercq nous présente son approche sémiologique lors de cas inhabituels rencontrés chez le chat.

GONFLEMENT DU NEZ

Lors de pododermatite plasmocytaire, les coussinets sont gonflés. Le nez peut l’être également, mais sans ulcération; une conjonctivite est alors parfois associée. La sérologie FIV est souvent positive. Une hyperglobulinémie est observée à l’examen biochimique. Une calicivirose peut être responsable de certains cas de pododermatite plasmocytaire associée à une dermatite plasmocytaire nasale. Le lien entre le virus de l’immuno-déficience féline et la calicivirose dans cette présentation est intéressant.

En cas de dermatite plasmocytaire nasale, le chanfrein est gonflé, non douloureux ni ulcéré. Une hypergammaglobulinémie estremarquée à l’analyse biochimique. Dans 3 cas diagnostiqués, les chats présentaient une calicivirose classique. La disparition des troubles respiratoires s’accompagne d’une régression spontanée de la lésion nasale.

Une hypersensibilité aux piqûres de moustique peut entraîner un gonflement du nez avec des ulcérations. Un infiltrat périvasculaire éosinophile (parfois plasmocytaire) est observé à l’examen histologique. Des lésions sont parfois présentes au niveau des coussinets.

Une phaeohyphomycose est une infection fongique provoquée par plusieurs champignons saprophytes, consécutive à une inoculation traumatique (une épine, par exemple). Le traitement est chirurgical (débridement et curetage) et antifongique (itraconazole, posaconazole¹).

Une cryptococcose des cavités nasales provoque un gonflement du nez associé à un jetage souvent hémorragique. Le traitement repose sur l’itraconazole utilisé sur une longue durée.

D’autres infections sont possibles, comme une protothécose (maladie rare, due à l’algue verte Prototheca) ou un simple abcès.

Une néoplasie nasale invasive (lymphome ou adénocarcinome nasal) peut entraîner un aspect gonflé, mais celui-ci est généralement dû, dans ce cas, à une déformation nasale.

GONFLEMENT ISOLÉ D’UN MEMBRE

Tout praticien peut être déconcerté devant le gonflement isolé d’un membre. Quelques hypothèses diagnostiques sont à envisager.

Un Œdème douloureux extensif d’un membre avec boiterie doit faire penser en premier lieu à des morsures par d’autres chats, mais aussi à la calicivirose et à la poxvirose. La lésion évolue alors souvent vers une nécrose, parfois importante. Chez un chaton, notre confrère a observé un cas de calicivirose avec un œdème douloureux localisé sur le membre postérieur ayant entraîné une atteinte osseuse due à des troubles vasculaires (épiphysiolyse multifocale du fémur).

Une angiomatose cutanée se traduit par des nodules ou des papules violacés, qui saignent spontanément, associés à un gonflement important du membre. Il s’agit d’une prolifération vasculaire d’origine congénitale ou acquise. Le traitement à l’aide de propanolol¹ est prometteur.

COUSSINETS VÉSICULOBULLEUX

La découverte de coussinets vésiculobulleux chez le chat est aussi déconcertante. Une infection bactérienne, provoquant une bulle volumineuse et douloureuse, est rare. La calicivirose fait partie du diagnostic différentiel : les vésicules, associées à des ecchymoses, évoluent vers une nécrose. Lors de poxvirose ou de brûlure, les vésicules se nécrosent également (seuls les coussinets sont atteints lors de brûlure, car ce sont les zones de contact avec l’objet brûlant). Des vésicules sont aussi observées lors de pemphigus foliacé : elles se transforment en pustules, avec des cellules inflammatoires et des kératinocytes acantholytiques, puis sèchent en formant des croûtes.

• 1 Molécule de la pharmacopée humaine.