Munitions de chasse et batteries usagées sont les principales causes d’intoxication par le plomb - La Semaine Vétérinaire n° 1513 du 26/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1513 du 26/10/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/OVINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU

La pollution par le plomb des aliments ou de l’environnement a de nombreuses origines. Actuellement, des mesures préventives ont réduit les risques induits par la présence de peintures au plomb (minium ou céruse) susceptibles de s’écailler, ainsi que ceux dus aux émanations des fonderies et des moteurs à explosion (suppression de l’essence plombée).

En revanche, le risque d’ingestion de plomb contenu dans les batteries usagées ou dans les munitions de chasse reste entier. Bien que les ovins soient moins sensibles que les bovins, ils restent exposés à cette intoxication (saturnisme), car certaines formes de plomb sont plus facilement assimilables (acétates > chlorures > sulfates > oxydes > ensilage contaminé par des rejets atmosphériques de fonderie > minerais/galène > scories de minerais). En outre, certaines conditions facilitent son absorption : c’est le cas du passage de plombs de chasse ou de restes de batterie dans un ensilage acide qui solubilise le cation Pb2+ et le concentre par percolation dans le fond du silo[1].

PATHOGÉNIE

L’effet du plomb sur l’organisme n’est pas totalement élucidé. On sait que seule la forme ionisée (Pb2+) est absorbée par l’intestin et agit sur le métabolisme. Pb2+ est un acide qui se fixe sur les acides nucléiques, les protéines et les phospholipides membranaires, provoquant leur désorganisation (en particulier au niveau des cellules nerveuses, digestives, rénales et sanguines). Le plomb bloque aussi l’activité enzymatique qui permet la synthèse de l’hème, ce qui aboutit à une accumulation de protoporphyrine dans les érythrocytes jeunes (puis de protoporphyrine-zinc [PPZ] après complexation). Enfin, l’ion Pb2+ interférerait avec les échanges transmembranaires de l’ion Ca2+, ce qui serait à l’origine des troubles neuromoteurs[1]. Il provoquerait aussi une dégénérescence microvasculaire et neuronale à l’origine des désordres cérébraux[2].

À cela, il convient d’ajouter que le métabolisme du plomb présente une cinétique complexe qui joue sur l’apparition des symptômes et l’interprétation des dosages. Après une difficile absorption intestinale (10 à 20 % du plomb ingéré), le plomb est transporté par le sang (à 95 % dans les hématies) pour se stocker dans certains tissus mous : le cerveau, le foie et surtout les reins (où il peut provoquer des lésions glomérulaires). Puis il est redistribué, pour se fixer de façon stable dans la trame osseuse d’où il ne sera remobilisé que par un remaniement osseux (en particulier en cas de lactation)[1].

Dès lors, l’expression clinique se développe soit après l’ingestion unique d’une forte dose (300 mg à 1 g par kilo de poids vif selon les formes), soit via le dépassement du seuil toxique après des ingestions répétées de plus faibles doses (lors de pollution environnementale par des rejets aériens industriels, par exemple). Toutefois, les ovins apparaissent très résistants, puisqu’ils ne déclarent pas de troubles malgré l’administration de 33 mg/kg PV/j pendant 84 jours (dose équivalente à 1000 ppm/MS/j d’acétate de Pb)[1].

TABLEAU CLINIQUE

Suivant la dose et le rythme d’absorption, la maladie prend des aspects fort différents :

– une forme suraiguë mortelle en quelques heures (voir photo) ;

– une forme aiguë qui conduit à la mort en quelques jours ou à une rémission ;

– une forme chronique subclinique.

Dans les formes suraiguë et aiguë, les symptômes nerveux et, dans une moindre mesure, digestifs, dominent. Les animaux présentent une amaurose, des fasciculations musculaires, des clignements des paupières, une hyperesthésie, une ataxie. Parfois, ils bondissent ou courent en avant sans raison, poussent au mur ou tournent en rond. La prostration peut laisser place à des crises convulsives. Ces formes sont à différencier des autres maladies nerveuses du mouton (voir tableau).

Sur le plan digestif, les animaux présentent soit une diarrhée noirâtre (sulfures de Pb), soit une constipation avec atonie ruminale, météorisme, coliques, bruxisme (grincement de dents) et ptyalisme.

Pour la forme chronique, sont notés une anémie, une baisse de croissance, une insuffisance rénale et des troubles nerveux de type tétanie d’herbage, mais qui ne rétrocèdent pas aux traitements habituels.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic est difficile à établir, car la plombémie est difficilement interprétable et les lésions nécropsiques ne sont pas caractéristiques. Il sera donc fondé sur les signes cliniques et l’enquête de contamination, avec la confirmation du laboratoire.

Ante mortem

Du sang total sur héparine ou oxalate de calcium est prélevé pour doser à la fois la plombémie et la protoporphyrinémie (complexe PPZ). Lors d’exposition unique, la plombémie est à mesurer de manière dynamique. En cas d’exposition prolongée, la PPZ augmente 2 semaines après le début de l’exposition. Les poils de la queue peuvent aussi afficher une teneur en plomb augmentée (elle est normalement de 1 mg/kg). Enfin, chez les brebis, le taux de plomb peut aussi être dosé dans le lait (il est similaire à la plombémie).

Post-mortem

Des lésions de gastro-entérite congestive, une dégénérescence congestive rénale, hépatique et cérébrale, ainsi qu’une coloration brune des muscles sont notées dans la forme chronique. Les analyses sont réalisées sur des prélèvements de foie (au moins 100 g) et de rein (l’organe entier). Cependant, lors d’une exposition unique, il n’existe pas de valeur de référence permettant d’affirmer que le plomb est la cause des troubles observés.

TRAITEMENT

La thérapie repose sur l’administration d’un chélateur spécifique du plomb extracellulaire : l’édétate (acide éthylène–diamino-tétra-acétique) de calcium disodique (ou EDTA calcique). La posologie est de 25 à 50 mg/kg PV/j en plusieurs administrations par voie intraveineuse lente (car ce produit est irritant et s’élimine très rapidement) pendant 5 jours au maximum (en raison de sa néphrotoxicité). Il est toutefois possible de renouveler le traitement 1 semaine plus tard, après la remobilisation des réserves osseuses.

Le carbonate de calcium (craie) est également efficace, incorporé à la ration à hauteur de 1 g/kg PV/j (stop dose de 250 g/jour). Son faible coût permet de traiter un lot suspect en prévention.

Dans les cas d’atteintes neurologiques, les corticoïdes sont utilisés pour diminuer l’œdème cérébral, le diazépam pour lutter contre les convulsions, de même que la thiamine (2 à 5 mg/kg/j) pendant 5 jours.

[1] Pugh DG. Sheep and Goat Medicine. Philadelphia : WB Saunders, 2002, 468 p. [2] George LW, Smith MO. Diseases of the nervous system. In : Smith B.P., ed. Large Animal Internal Medicine. 3rd ed. St Louis : Mosby : 873-1018.
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