Aspects cliniques de la photosensibilisation chez les ruminants - La Semaine Vétérinaire n° 1491 du 13/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1491 du 13/04/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/RUMINANTS

Auteur(s) : ESTELLE GUNLDENFELS*, KARIM ADJOU**

La photosensibilisation est une affection connue chez de nombreuses espèces : bovine, ovine, caprine, équine, porcine, canine, féline, mais également chez les poissons, les volailles, et l’homme, et ce dans le monde entier.

3 facteurs essentiels sont nécessaires : la présence d’un agent photosensibilisant au niveau cutané, son exposition à une longueur d’onde spécifique et l’absorption de cette dernière par la peau.

Il existe 3 grands types de photosensibilisation :

→ la photosensibilisation congénitale, liée à la synthèse aberrante de pigments endogènes (porphyrine) ;

→ la photosensibilisation dite primaire, causée par l’ingestion d’agents photodynamiques contenus dans des plantes (millepertuis, sarrasin, raygrass anglais, sauge, trèfle, vesce, carotte) ou de phototoxiques chimiques, qui atteignent le derme via la circulation sanguine ;

→ la photosensibilisation d’origine hépatique (ou hépatogène), qui n’existe que chez les herbivores. Dans ce cas, un élément perturbe l’élimination hépatique de la phylloérythrine, produite par la dégradation de la chlorophylle par les micro-organismes. Ce pigment se retrouve alors dans la circulation sanguine et s’accumule dans la peau. Ce phénomène intervient après l’ingestion de certaines plantes (séneçon, choux, colza, avoine, des plantes d’ornement telles que le millet d’Amérique ou le lantana), d’algues (Microscystis), de champignons (Pithomyces chartarum) ou lors de certaines maladies infectieuses (leptospirose, fièvre de la vallée du Rift), de toute affection hépatique ou qui a des conséquences hépatiques (cétose, lithiases biliaires, douve, indigestions, etc.).

IMPORTANCE MÉDICALE ET ÉCONOMIQUE

La photosensibilisation est une affection sporadique, tant au niveau géographique qu’au sein d’un cheptel, en raison de son étiologie le plus souvent alimentaire.

D’un point de vue médical, cette affection est bénigne dans la majorité des cas, même si des mortalités sont observées lors d’atteinte grave. La baisse d’appétit entraîne un amaigrissement des animaux, et une diminution de leur production. Des lésions sur les trayons des vaches peuvent également être à l’origine de la mort du veau par dépérissement. D’autre part, certaines substances laissent des séquelles sur le foie.

D’un point de vue économique, l’importance de cette affection est difficile à évaluer. Elle génère des pertes insidieuses (liées à la chute de la production laitière et à l’amaigrissement) et directes (lorsque l’animal meurt). Les lésions hépatiques chroniques peuvent être à l’origine d’une saisie d’abattoir, surtout en cas de subictère où celle-ci est totale. Des données chiffrées précises n’existent pas dans la littérature.

SIGNES GÉNÉRAUX

Les animaux qui souffrent de photosensibilisation présentent des signes cliniques généraux peu spécifiques. En début d’évolution, ils se révèlent généralement inquiets et agités, avec une baisse d’appétit. Une hyperthermie, liée soit aux infections bactériennes secondaires aux lésions cutanées, soit à un autre phénomène infectieux (lors de photosensibilisation d’origine hépatique), est possible. Chez tous les ruminants, un larmoiement mucopurulent est noté. Dans les cas de photosensibilisation aux furocoumarines (ou psoralènes, présents notamment dans des plantes de la famille des Rutacées – agrumes – et celle des Apiacées, comme le persil ou le céleri), une opacification de la cornée caractéristique est également observée.

Cependant, certains signes cliniques sont susceptibles d’être directement reliés à un type précis de photosensibilisation. C’est le cas lors de porphyrie érythropoïétique congénitale bovine, ou de photosensibilisation d’origine hépatique.

SIGNES CUTANÉS

Les symptômes cutanés débutent 2 à 3 jours après les signes généraux. Ils sont identiques, quel que soit l’agent en cause. Leur gravité varie selon la quantité d’agent photosensibilisant présente dans la peau et la quantité de rayons lumineux lors de l’exposition.

Les lésions apparaissent au niveau de zones non pigmentées et qui sont les plus exposées à la lumière : la tête, le mufle, les oreilles et la ligne du dos. Une congestion primaire est d’abord notée. La peau devient rapidement chaude et œdémateuse. Chez les ovins, l’œdème local peut être sévère : les oreilles sont alors tombantes et les yeux fermés par l’œdème des paupières.

Ensuite, des vésicules, qui progressent rapidement vers des lésions ulcératives croûteuses et de la nécrose, apparaissent. Lors de la phase finale, la peau se détache en lambeaux. Celle de l’appareil génital (scrotum, trayons, vulve) est souvent atteinte. Les infections bactériennes secondaires sont fréquentes et contribuent à la phase de nécrose. La démarcation entre les zones affectées et saines est assez franche.

PARTICULARITÉS DE LA PHOTOSENSIBILISATION HÉPATOGÈNE

L’apparition de signes cutanés lors de photosensibilisation d’origine hépatique est secondaire à une atteinte du système hépato-biliaire. Le tableau clinique, plus exhaustif dans ce cas, correspond à une atteinte hépatique et/ou biliaire.

Les animaux atteints présentent une anorexie associée à une perte de poids généralement rapide. La production des vaches laitières chute. Cela est généralement associé à l’apparition d’un ictère plus ou moins marqué.

Lors de l’autopsie, le foie présente une coloration brune à jaune-orangé, avec parfois la présence de marbrures. Des nodules de régénération peuvent être présents et déformer légèrement les lobes. Dans tous les cas, une hypertrophie des lobes est constatée, le tissu hépatique est friable et la résistance à la coupe est augmentée. La vésicule biliaire est distendue, avec une paroi des canaux biliaires épaissie et œdémateuse (signe de cholestase).

Les différents paramètres biochimiques liés à l’activité hépatique et biliaire sont modifiés. Cependant, tous ne sont pas équivalents et fiables pour le diagnostic.

PHOTOSENSIBILISATION CONGÉNITALE

Porphyrie érythropoïétique congénitale

Les animaux atteints développent les signes cliniques dès leur plus jeune âge, rapidement après la première sortie à l’extérieur. Certains signes cliniques associés aux symptômes cutanés sont plus spécifiques :

→ une coloration rouge à brune de l’urine, liée à la forte excrétion urinaire de l’uroporphyrinogène I. Dans certains cas, l’urine peut sembler de couleur normale macroscopiquement, mais se colore lors d’exposition au soleil ;

→ les dents et les os apparaissent aussi colorés, de rose à brun sous une lumière blanche. Ils sont fluorescents orange à rouge sous une lumière ultraviolette. La coloration est due à la fixation de l’uroporphyrinogène I et du coproporphyrinogène I sur ces tissus ;

→ un retard de croissance est fréquent ;

→ les muqueuses sont généralement pâles, à cause d’une anémie hémolytique.

Les individus atteints souffrent d’un défaut enzymatique au cours de la synthèse de l’hème. L’uroporphyrine I et la coproporphyrine I s’accumulent et sont à l’origine de la photosensibilisation. Leur concentration érythrocytaire influence la durée de vie des érythrocytes. Elles augmentent leur fragilité et altèrent leur maturation au niveau de la moelle osseuse. L’exposition aux rayons lumineux entraîne donc, en plus des signes cutanés, une hémolyse des érythrocytes. L’anémie qui en résulte est normochrome et macrocytaire, et sa sévérité est corrélée à la concentration en uroporphyrine I dans les érythrocytes. De plus, le frottis d’un animal qui présente des signes cliniques est susceptible de mettre en évidence une quantité importante d’érythrocytes immatures dans la circulation. Un animal sans signes cliniques peut être détecté par la mesure des taux urinaires d’uroporphyrine I et de coproporphyrine I. L’urine peut comporter entre 500 et 1 000 µg/dl d’uroporphyrine I, et entre 356 et 1 530 µg/dl de coproporphyrine I. Chez un animal sain, elle ne contient que jusqu’à 1,84 µg/dl de coproporphyrine I et des traces d’uroporphyrine I.

Protoporphyrie bovine

Les animaux atteints de protoporphyrie bovine présentent uniquement des signes cliniques cutanés. La concentration en protoporphyrine est 300 à 400 fois plus importante dans les érythrocytes, et jusqu’à 6 fois plus élevée dans les fèces que chez les bêtes saines.

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