Parturition, dystocie et survie néonatale du poulain - La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLAM

POINTS FORTS

– Les études récentes estiment le taux de dystocies entre 1 et 4 % chez la majorité des races. Pour les pur-sang, le taux, nettement plus élevé, se situe entre 4 et 11 %.

– Les causes de dystocie d’origine maternelle incluent des anomalies placentaires (séparation prématurée, hydropisie), des défauts de forces expulsives (inertie et torsion utérines, hernie abdominale, rupture du ligament prépubien) et des anomalies des voies de naissance (cal osseux, déformation de la filière pelvienne, défaut de dilatation du col).

– Plus fréquemment, le fœtus est à l’origine de la dystocie, soit par un défaut de présentation (antérieure, postérieure ou transverse), de position (dorsal, latéral ou ventral) ou de posture (tête, encolure, membres).

La période néonatale représente un stade critique dans la vie d’un poulain. Les décisions prises durant la parturition peuvent influencer sa santé et sa survie à court et long termes. Une excellente connaissance des étapes du poulinage, ainsi qu’une reconnaissance des situations anormales, est donc essentielle.

GESTATION

La durée moyenne de gestation chez la jument est de 340 jours. Plusieurs facteurs ont une influence sur la durée de cette période, notamment l’âge de la jument, la parité, le sexe du fœtus (mâle > femelle), la génétique et la photopériode (quand elle est courte, cela induit une prolongation de la gestation). Les poulains nés à moins de 320 jours présentent souvent des signes de prématurité et nécessitent fréquemment des soins intensifs. À l’inverse, les poulains issus de gestations prolongées (plus de 360 jours) ne sont pas plus à risque durant la période néonatale.

PARTURITION

La parturition a souvent lieu la nuit, au calme. Elle se divise en 3 phases à progression rapide, chacune devant se dérouler dans un délai préétabli.

→ Durant la phase 1, ou phase de préparation, les contractions utérines augmentent la pression contre le col de l’utérus déjà assoupli et le dilatent progressivement. Le fœtus va alors effectuer une rotation d’une position dorso-pubienne à dorso-sacrée. Pendant cette période, qui dure de 30 minutes à 4 heures, la jument peut montrer de discrets signes d’inconfort, similaires à ceux notés lors de colique.

La phase I se termine par la rupture de la membrane chorio-allantoïque et l’évacuation du liquide allantoïque. En cas de défaut de rupture de cette membrane, une séparation précoce des attaches microcotylédonaires entre l’utérus et les membranes fœtales a lieu, compromettant l’oxygénation du fœtus. Il souffrira rapidement d’hypoxie et risque de s’asphyxier. Une reconnaissance de la séparation placentaire prématurée est indispensable à sa survie. La membrane devra être rompue manuellement et le fœtus extrait le plus rapidement possible en s’assurant d’une dilatation suffisante du col.

→ Durant la phase II, ou phase d’expulsion, le fœtus progresse dans la filière pelvienne, toujours entouré de sa membrane amniotique. Les pieds antérieurs, suivis rapidement par le museau, seront les premières structures à apparaître lors d’un poulinage normal. Cette phase est caractérisée par de fortes contractions utérines qui peuvent engendrer des signes de douleur violents chez la jument. Durant une parturition normale, le poulain est expulsé dans les 20 à 30 minutes qui suivent la rupture de la membrane chorio-allantoïque.

→ Finalement, la phase III représente la délivrance du placenta et l’initiation de l’involution utérine.

DYSTOCIE

La dystocie est définie par une prolongation de la phase I, une durée de la phase II supérieure à 30 minutes ou un arrêt de la progression du fœtus dans la filière pelvienne, malgré les efforts excessifs de la jument. Il s’agit d’une véritable urgence, qui met en jeu la survie du fœtus et de la jument. La reconnaissance précoce d’une dystocie est primordiale et peut faire la différence entre un poulain vivant ou mort-né. Les études récentes estiment le taux de dystocies entre 1 et 4 % chez la majorité des races. Pour les pur-sang, le taux est nettement plus élevé et se situe entre 4 et 11 %.

La dystocie peut être d’origine maternelle ou fœtale. Chez les équidés, les situations de disproportion fœto-pelvienne sont relativement rares, mais peuvent être la cause d’un blocage du fœtus au niveau des épaules ou des hanches. Pour résumer, les causes de dystocie d’origine maternelle incluent des anomalies placentaires (séparation prématurée, hydropisie), des défauts de forces expulsives (inertie utérine, torsion utérine, hernie abdominale, rupture du ligament prépubien) et des anomalies des voies de naissance (cal osseux, déformation de la filière pelvienne, défaut de dilatation du col). Les lacérations rectales ou vaginales créées par le fœtus peuvent prédisposer à une éviscération du petit intestin, du côlon ascendant ou du côlon descendant dans la filière pelvienne, faisant obstruction à son passage.

Plus fréquemment, le fœtus est à l’origine de la dystocie, soit par un défaut de présentation (antérieure, postérieure ou transverse), de position (dorsal, latéral ou ventral) ou de posture (tête, encolure, membres).

→ Les défauts de posture, plus particulièrement une rétention de membre(s) antérieur(s) ou de la tête, sont les anomalies les plus fréquemment mises en cause lors de dystocie. Ils peuvent être le résultat d’aberrations anatomiques, notamment une contraction des membres antérieurs.

→ Le défaut de position le plus fréquemment rencontré est la position dorso-pelvienne, le fœtus n’ayant pas réussi sa rotation vers une position dorso-sacrée durant la phase préparatoire de la parturition. Cette anomalie est fréquente chez les fœtus morts ou sévèrement compromis.

→ Les défauts de présentation sont très rares. Une présentation caudale est observée dans environ 1 % des parturitions, alors qu’une présentation transverse n’a lieu que dans 1 poulinage sur 1 000. Enfin, les poulinages de jumeaux sont fréquemment associés à une dystocie.

La détection précoce de toutes difficultés à la parturition est une étape primordiale dans la gestion de la dystocie. Il est bien démontré qu’une prolongation de la phase II au-delà de 30 minutes induit une hausse du taux de mort-nés, mais aussi de la mortalité à court terme. Plus précisément, Norton et coll. ont montré en 2007 que pour chaque prolongation de 10 minutes de la phase II au-delà des 30 minutes, le taux de mort-nés augmente de 10 % et le risque de mortalité à court terme pour les poulains nés vivants de 16 %.

GESTION D’UNE DYSTOCIE

Idéalement, toute parturition doit être observée par une personne apte à reconnaître des situations anormales et à corriger les dystocies. Dans les cas graves, non gérables à la ferme, les juments sont à référer le plus tôt et le plus près possible. Pour résumer, l’équipe dédiée doit être prête. Tout le matériel nécessaire pour les manipulations obstétricales, l’anesthésie de la jument, la césarienne et surtout la réanimation du poulain doit être à disposition. Chaque membre de l’équipe d’urgence doit connaître son rôle.

Dès l’arrivée de la jument, et à chaque minute, la personne responsable du temps doit annoncer le temps écoulé. 2 minutes sont allouées à l’évaluation de la position du fœtus. Parallèlement, les électrodes sont placées pour estimer l’activité cardiaque du fœtus, un cathéter intraveineux est posé à la jument, de l’oxygène lui est administré à un débit de 15 l par minute et une première tonte de l’abdomen est effectuée en prévision d’une éventuelle césarienne. Lorsque le nez du fœtus est accessible, les 2 minutes qui suivent sont consacrées à l’intubation naso-trachéale en vue d’une ventilation assistée. 10 minutes sont alors nécessaires pour la délivrance vaginale assistée, sur une jument debout. En cas d’échec, l’anesthésie générale est induite et 15 minutes supplémentaires sont permises pour des tentatives de délivrance vaginale contrôlée, avec la jument en décubitus dorsal. L’équipe chirurgicale profitera de cette période pour préparer l’abdomen pour une césarienne. En théorie, si le fœtus n’est pas délivré dans les 30 minutes qui suivent son arrivée au centre, une décision de fœtotomie, de césarienne ou d’euthanasie est à prendre. Le clinicien en chef sera chargé de gérer la situation et pourra, le cas échéant, décider de prolonger certaines périodes, voire d’en éliminer d’autres. Lors de césarienne, il est souhaitable d’extraire le poulain dans les 30 minutes qui suivent la décision chirurgicale. L’équipe de néonatalogie doit rester prête à réanimer le poulain dès qu’il sera séparé de la jument, car le chirurgien, l’obstétricien et l’anesthésiste seront tous accaparés par la césarienne.

PÉRIODE NÉONATALE

Lorsque le poulinage se passe bien, le taux de mort-nés et de mortalité à court terme sont d’environ 2 % et 4 % respectivement. Chez les poulains nés après une phase II d’une durée de plus de 50 minutes, ces taux sont plutôt de l’ordre de 22 % et 28 %. Les poulains qui survivent à une dystocie sont souvent faibles et nécessitent des soins intensifs. Après la résolution d’une dystocie, le vrai travail commence pour l’équipe de néonatalogie. 

Sources :

• McCue PM et Ferris RA. (2012) Parturition, dystocia and foal survival : a retrospective study of 1 047 births. Equine Vet. Journal, (44) suppl. 41, p.22-25.

• Norton JL et coll. (2007) Retrospective study of dystocia in mares at a referral hospital. Equine Vet. Journal, (39) 1, p. 37-41.

• Robinson NE. (2003) Current Therapy in Equine Medicine 5. p.319-322.

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