UN ZOO COMBINE TOURISME ET INSERTION DE TRAVAILLEURS HANDICAPÉS - La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012

REPORTAGE

Auteur(s) : SANDRA MIGNOT

Râteau et pelle en main, Muriel et Isabelle pénètrent dans l’enclos des visons. Elles viennent le nettoyer, l’une de leurs tâches quotidiennes. Ces 2 jeunes femmes travaillent au parc animalier du domaine de Pescheray, un parc zoologique spécialisé dans la faune européenne. Créé en 1974, il est installé sur un site historique classé, à l’ombre d’un château médiéval transformé en Esat. Il permet à des personnes qui souffrent d’une déficience intellectuelle ou d’une maladie psychique d’exercer une activité professionnelle, malgré une capacité de travail réduite. Ici, ces personnes prennent quotidiennement soin des quelque 55 espèces présentées au public.

Chaque matin, 18 travailleurs handicapés embauchent à 8 h 30. Ils enfilent leur tenue de travail dans le vestiaire du domaine, puis se rendent au parc zoologique. Là, 3 soigneurs animaliers jouent le rôle de moniteurs et supervisent leurs activités. Leur première mission consiste à préparer les rations alimentaires. Sortent du réfrigérateur des poussins congelés pour les coatis, des cœurs de bœuf pour les ours, des fruits et des légumes pour le cabiai, les makis et les ouistitis, etc. Des feuillages sont également descendus d’un grenier pour l’élan et les bœufs musqués. Il y a foule dans la petite cuisine où s’activent les travailleurs handicapés, armés de balances et d’écuelles.

Un cahier pour le suivi des différentes tâches

Une fiche “nourriture”, conçue à base de pictogrammes, résume la préparation du menu de chaque animal. D’autres outils ont été développés pour simplifier la communication et l’organisation du travail. « Nous avons, par exemple, découpé le zoo en 8 secteurs géographiques caractérisés par une couleur », explique Thomas Guérin, soigneur animalier et moniteur d’atelier. « Pour chaque zone, les travailleurs handicapés disposent d’un cahier plastifié à remplir après avoir nourri les animaux et nettoyé les enclos. Ils y consignent des observations simples sur l’état de santé de l’animal, une éventuelle naissance, une clôture à réparer, etc. ». À la fin de la matinée, réunis autour de Thomas, ils partagent leurs observations, afin que les moniteurs définissent si une intervention auprès des animaux est nécessaire.

4 moniteurs encadrent les activités

Les 3 moniteurs éducateurs ne sont pas issus du secteur social. Thomas Guérin exerçait dans un Groupement de défense sanitaire auprès d’éleveurs. Armelle Lagarde a quitté un parc animalier dans le Cantal. Élodie Antoine travaille auprès d’oiseaux en saison au parc du Puy du Fou. Une 4e personne encadre 8 travailleurs lors de missions de maintenance et de réparation des équipements techniques.

« Au quotidien, je suis peu en contact avec les travailleurs handicapés, reconnaît Jean-Marc Charpentier, vétérinaire et responsable du parc. Nous nous réunissons une fois par semaine avec les 3 moniteurs pour évoquer les interventions techniques à effectuer, l’évolution de la santé des animaux, l’arrivée de nouvelles espèces… » Cet emploi à l’Esat est son 2e poste de direction. « Je suis venu ici parce que le projet du parc m’intéressait et que je m’ennuyais dans mon poste précédent, résume-t-il. Ici, je suis libre de travailler sur le renouvellement de la collection et l’aménagement du lieu. J’ai découvert l’aspect social au fur et à mesure. » Même si leur handicap n’est pas visible au premier abord, les spécificités de ces travailleurs sont à prendre en compte. « Je me demandais pourquoi certaines personnes que je voyais travailler ici étaient dans un Esat. Au fil du temps, j’ai compris qu’elles pouvaient rencontrer des difficultés à faire face à l’imprévu, qu’elles ne savaient pas gérer le stress, adapter des rations selon ce qui a été laissé la veille, etc. » Des difficultés compensées par le travail en binôme et le contact permanent avec les moniteurs via un talkie-walkie. Et pour toute intervention sur un animal, les moniteurs soigneurs entrent en action.

Davantage de visiteurs chaque année

Jean-Marc Charpentier tient également compte de la spécificité de l’équipe dans le développement de la diversité des espèces dans son zoo. « Dans un parc ordinaire, j’aurais probablement plus d’animaux et moins de personnel, résume-t-il. Ici, je dois y aller doucement. L’arrivée d’une nouvelle espèce représente un surcroît de travail que le personnel ne pourrait pas assumer tous les mois. » Depuis son arrivée en 2008, il a resserré l’éventail des espèces présentes, même s’il n’oublie pas que pour maintenir l’intérêt du public, de nouveaux animaux sont à acquérir régulièrement. Un objectif atteint, puisque le parc accueille chaque année davantage de visiteurs : en 2011, 59 500 entrées ont été enregistrées (versus 47 000 en 2008). Même si Jean-Marc Charpentier a finalement renoncé à acquérir un phoque. « Un bassin assez profond est nécessaire et compte tenu des risques de chute, je ne me suis pas lancé, même si cet animal plaît habituellement beaucoup aux visiteurs. » Les prochains pensionnaires annoncés sont des loutres et un tapir terrestre. De quoi passionner encore les travailleurs handicapés du zoo. « Ils sont tous très fiers de leur métier, observe Jean-Marc Charpentier. Ils ne le lâcheraient pour rien au monde. »

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