La kératite herpétique féline - La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1489 du 30/03/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : FRANK FAMOSE

Fonctions : praticien à Blagnac (Haute-Garonne)

POINTS FORTS

– La kératite herpétique féline comprend 2 formes : une infection primaire, souvent chez les chatons non vaccinés, et une autre secondaire, liée au fait que 80 % des chats atteints sont porteurs latents et que le virus peut se réactiver chez 50 % d’entre eux lors d’un stress.

– Son diagnostic de certitude, délicat, est associé aux éléments cliniques et à la recherche du virus par polymerase chain reaction.

– Les options de traitement sont nombreuses selon le stade de l’affection.

PATHOGÉNIE

La kératite herpétique féline est liée au développement et à la multiplication dans la cornée de l’herpèsvirus félin de type 1 (FHV-1), agent de la rhinotrachéite féline. Cette infection représente 50 % environ des affections respiratoires supérieures chez le chat.

L’infection primaire, après la pénétration initiale du virus par voie nasale, orale ou conjonctivale, se caractérise par une nécrose épithéliale. Cette dernière débute 48 heures après le contact initial et atteint son maximum en 8 jours environ. La régénération épithéliale débute à ce moment, mais l’excrétion virale dans les écoulements oculaire ou nasal est susceptible de persister jusqu’à 20 jours.

80 % des chats atteints restent porteurs latents et le virus persiste à l’état quiescent dans divers tissus oculaires (cornée, uvée antérieure) et dans les tissus nerveux associés à l’œil (ganglion du nerf trijumeau). Cette phase de latence ne s’accompagne d’aucun symptôme ni d’excrétion virale, mais le virus peut se réactiver chez 50 % des sujets. Cette infection secondaire est favorisée par le stress, les maladies intercurrentes ou une corticothérapie prolongée.

SYMPTÔMES

Infection primaire

Elle apparaît le plus souvent chez le chaton ou le jeune chat non vacciné. Elle associe des symptômes de la rhinite aiguë et de l’inflammation conjonctivale ou cornéenne bilatérale.

→ La conjonctivite aiguë isolée bilatérale est la forme la plus fréquente. Elle se caractérise par un écoulement séreux puis mucopurulent. La conjonctive est extrêmement enflammée, parfois ulcérée. Le chémosis est rare. Ces symptômes disparaissent en 2 à 3 semaines.

→ Une infection cornéenne, isolée ou associée à l’infection conjonctivale, peut survenir. Elle débute par la formation d’ulcères épithéliaux caractéristiques dits “en branche d’arbre”, qui confluent pour en former d’autres “en carte de géographie”. Elle évolue favorablement en 2 à 3 semaines. Les complications infectieuses sont fréquentes et l’ulcère est susceptible de s’étendre au stroma cornéen (voir photo 1).

Infection secondaire

Elle survient via la réactivation virale d’une infection latente et se manifeste chez le chat adulte, même s’il est vacciné. Elle peut être inapparente, se traduire par une simple excrétion virale dans les larmes ou par un tableau clinique oculaire le plus souvent unilatéral, sans signe de rhinite. Elle se manifeste par :

→ une conjonctivite chronique : caractérisée par une hyperhémie conjonctivale et un écoulement marron-rouge susceptible de persister plusieurs mois ;

→ une kératite ulcéreuse épithéliale : un ulcère superficiel dont l’évolution est prolongée ou récidivante (voir photo 2). Celui-ci peut se compliquer d’une nécrose cornéenne ou d’une kératite stromale ;

→ une kératite stromale : le plus souvent unilatérale et isolée, cette affection est susceptible de se développer sans ulcère épithélial préalable. Elle correspond à une réaction immunitaire consécutive à la pré­sence du FHV-1 dans le stroma cornéen, mais dont le mécanisme est, actuellement, mal connu. L’infiltration cellulaire et la fibrose du stroma cornéen se traduisent par une opalescence et une néovascularisation superficielle et profonde (voir photo 3). La kératite stromale évolue soit vers la guérison, soit vers la récidive, soit vers l’apparition d’un séquestre cornéen ou la persistance des vaisseaux et de la fibrose du stroma. Sans traitement, elle conduit à la cécité de l’œil atteint.

Complications

Différentes lésions peuvent être imputées au FHV-1 :

→ le symblépharon : observé le plus souvent après l’infection primaire, il se manifeste par la présence d’adhérences conjonctivales sur la cornée, la membrane nictitante ou les paupières ;

→ l’occlusion des points lacrymaux ;

→ des fantômes de vaisseaux cornéens ;

→ une insuffisance lacrymale : le FHV-1 est la première cause de kérato-conjonctivite sèche chez le chat (dacryoadénite) ;

→ une fibrose cornéenne avec une opacité irréversible (voir photo 4) ;

→ un séquestre cornéen et une kératite éosinophile.

DIAGNOSTIC

Diagnostic différentiel

L’infection primaire par le FHV-1 est à distinguer des autres causes du syndrome “coryza”. Lors de calicivirose, il n’y a pas d’atteinte oculaire et lors de mycoplasmose et de chlamydiose, pas d’atteinte cornéenne (cette dernière est le plus souvent unilatérale, avec un chémosis).

Examens complémentaires

Sur un plan cytologique, un infiltrat inflammatoire exclusivement composé de lymphocytes est évocateur de la kératite herpétique féline. L’identification virale par immunofluorescence sur les cellules conjonctivales est aujourd’hui remplacée par la polymerase chain reaction (PCR). Cette dernière s’effectue à partir des cellules épithéliales conjonctivales ou cornéennes prélevées à la cytobrosse ou sur le tissu de kératectomie. Les résultats sont à manipuler avec précaution : les faux positifs et les faux négatifs sont fréquents. En pratique, toute kératite ulcéreuse féline est considérée comme liée à la présence du FHV-1 jusqu’à preuve du contraire.

TRAITEMENT

→ Le traitement de la conjonctivite aiguë se limite à une antibiothérapie locale à large spectre (chloramphénicol, Ophtalon®, par exemple) pendant 3 semaines.

→ Concernant la conjonctivite chronique, l’antibiothérapie et la corticothérapie locales sont discutables en l’absence de lésion cornéenne. Le traitement antiviral peut être administré par voie orale (L-Lysine 250 mg/j) ou localement (trifluridine : Virophta®1 ; ganciclovir : Virgan®1). Son efficacité est discutée.

→ Lors de kératoconjonctivite aiguë ou chronique, l’antibiothérapie locale accompagne le traitement antiviral. Le FHV-1 est sensible in vitro à de nombreux antiherpétiques développés en médecine humaine pour une utilisation par voie générale. Néanmoins, leur efficacité et, surtout, leur sécurité d’emploi chez le chat n’est pas toujours connue. La kératite peut être traitée pendant 1 semaine à raison de 5 applications par jour de trifluridine (voir tableau). En cas d’échec ou d’intolérance au traitement, il est possible de prescrire de la L-Lysine (250 mg/j per os) et d’administrer localement de l’interféron α. L’efficacité des interférons (ω félin et α humain) est connue in vitro. Malheureusement, aucune étude clinique ne prouve leur intérêt, que ce soit par voie locale ou orale. Récemment, l’action du famciclovir (Oravir®1) a été évaluée chez le chat, à la fois sur les formes respiratoires et oculaires strictes avec des résultats très prometteurs2. Cependant, la dose utilisée (90 mg/kg) paraît fort élevée par rapport à celle appliquée chez l’homme (7 à 15 mg/kg) et l’efficacité serait observée à des quantités beaucoup plus faibles (10 à 30 mg/kg). Les antiviraux ont une action virostatique. Par conséquent, la durée du traitement est de 2 semaines au minimum et son administration est à poursuivre 1 semaine après la guérison clinique. Les corticoïdes et la ciclosporine sont contre-indiqués.

→ La nature immunitaire de la kératite stromale conduit à utiliser des immuno-modulateurs seuls (cyclosporine, corticoïdes). L’effet immunosuppresseur de ces molécules laisse craindre une réactivation virale. L’intérêt d’un traitement antiviral local ou général associé est aujourd’hui inconnu chez le chat.

PRÉVENTION

La prévention de l’herpès­virose repose sur 2 aspects. La vaccination des animaux sains non encore exposés permet de limiter l’apparition d’une infection primaire. Chez le sujet atteint, la prévention de l’infection secondaire repose sur la mise en place de conditions de vie confortables limitant les facteurs de stress et sur l’utilisation d’une corticothérapie en cas de nécessité.

  • 1 Pharmacopée humaine.

  • 2 S. Thomasy et coll., Am. J. Vet. Res. 2011 : 72 : 85-95.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr