L’utilisation des solutions hydro-alcooliques en chirurgie - La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012
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La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012

Entreprise

Auteur(s) : PIERRE CLERFOND*, JEROME AUGER**, JACQUES DUPUIS***, LOUIS HUNEAULT2****

Les solutions hydro-alcooliques sont recommandées en première ligne pour la désinfection préopératoire des mains.

L’asepsie chirurgicale peropératoire est essentielle afin de prévenir les infections postopératoires. Cela implique la stérilité du matériel, la propreté et la désinfection de la salle opératoire, ainsi que le respect des règles d’asepsie par le chirurgien. La désinfection des mains en est l’un des piliers, même si, protégées par des gants stériles, elles ne sont pas en contact direct avec les tissus de l’animal. Néanmoins, cette barrière peut parfois être rompue. Une étude réalisée dans 2 cliniques vétérinaires de référés montre qu’une perforation des gants est notée dans 23,3 % des chirurgies, orthopédiques en particulier, sans que les chirurgiens puissent identifier la brèche. L’utilisation de 2 paires de gants ou leur changement toutes les 60 minutes constituent des pistes pour limiter les risques. Toutefois, celles-ci ne sont pas infaillibles.

BROSSAGE CHIRURGICAL

Pendant longtemps, le brossage chirurgical, à base de povidone iodée ou de gluconate de chlorhexidine essentiellement, était la référence en matière de désinfection préchirurgicale des mains.

Utilisation de la povidone iodée

La povidone iodée a longtemps été le désinfectant de choix en médecine humaine, grâce à son spectre d’action large in vitro (Gram positif, Gram négatif, bacille tuberculeux, spores bactériennes, levures). Cependant, son effet antiseptique a, par la suite, été contesté in vivo. Cela a progressivement conduit à une diminution de son utilisation. De plus, la povidone iodée a une action asséchante et irritante pour la peau. Enfin, elle est inactivée par les matières organiques (sang, sueur, sébum, pus) et comporte peu d’effet résiduel.

Utilisation du gluconate de chlorhexidine

Le gluconate de chlorhexidine utilisé à 4 % présente un spectre d’action large aussi bien sur les Gram positif que les Gram négatif, mais n’a pas d’effet sur les spores bactériennes (Clostridium). L’action de la chlorhexidine est peu influencée par la présence de matières organiques et elle s’accompagne d’un effet résiduel sur la peau. Même si elles sont rares, des résistances à la chlorhexidine sont rapportées. Elle comporte également une action irritante et allergène pour l’épiderme.

Points négatifs

L’utilisation de savon à la chlorhexidine ou à la povidone iodée implique un brossage méthodique des mains et des avant-bras. Le temps de contact recommandé est de 3 à 5 minutes. Cependant, l’action mécanique répétée de la brosse sur la peau a des effets néfastes pour l’intégrité et la flore bactérienne cutanées. Le brossage chirurgical détruit la couche lipidique cutanée, ce qui la rend davantage perméable aux agents toxiques et aux micro-organismes. De plus, la destruction de la couche protectrice de l’épiderme rend la colonisation cutanée plus aisée pour les bactéries nosocomiales, ce qui rend la peau de plus en plus difficile à désinfecter. Paradoxalement, au fil du temps, les mains des chirurgiens sont davantage contaminées, par des bactéries plus résistantes, que celles de la moyenne des gens ! Enfin, un brossage chirurgical implique l’utilisation d’eau pour le rinçage. Une étude en médecine humaine montre que si le jet coule en continu, 20 l d’eau environ sont utilisés lors de chaque brossage, pour une utilisation efficace pour le lavage des mains de “seulement” 5 l d’eau. De plus, le robinet peut être une source de contamination de l’eau, par Pseudomonas aeruginosa en particulier, et le temps de rinçage constitue une période à risque pour la contamination des mains.

SOLUTIONS HYDRO-ALCOOLIQUES

L’OMS1 recommande désormais l’utilisation des solutions hydro-alcooliques plutôt que les méthodes de brossage traditionnelles.

Composition

Ces solutions sont en général composées d’alcool (isopropanol, éthanol, n-propanol) associé à un agent qui possède un effet résiduel. L’action désinfectante de l’alcool réside dans la capacité de celui-ci à dénaturer les protéines. Les 3 types d’alcool présentent un effet qui, selon les études, diffère légèrement. Tous sont reconnus pour leur action bactéricide et peuvent être utilisés. Le spectre d’action de l’alcool est large (Gram positif, Gram négatif, mycobacterium, levures et certains virus). Cependant, utilisé seul, l’alcool ne possède aucun effet résiduel et n’a pas d’activité sporicide. C’est pourquoi, pour une désinfection chirurgicale des mains, il est généralement associé à un autre agent désinfectant, tel que la chlorhexidine. L’ajout de cette dernière à une concentration de 0,5 à 1 % permet, de plus, d’obtenir un effet résiduel. Certaines études ont même révélé une activité résiduelle égale ou supérieure aux brossages chirurgicaux traditionnels à base de chlorhexidine. L’OMS recommande actuellement l’utilisation de solutions hydro-alcooliques avec de l’alcool (concentration de 60 à 80 % pour une efficacité optimale) et de la chlorhexidine (concentration de 0,5 à 1 % pour une efficacité optimale) pour la désinfection préchirurgicale des mains. L’alcool en concentration trop élevée est moins intéressant pour la désinfection des mains : pour dénaturer les protéines, il doit réagir avec de l’eau.

Choix de la solution

Afin de bien choisir le produit, il convient de savoir qu’il existe différentes façons de calculer la concentration en alcool d’une solution hydro-alcoolique. La concentration peut être mesurée en pourcentage de volume (ml/100 ml ou % v/v) ou en pourcentage de masse (g/100 g ou % p/p). La concentration exprimée en v/v dépend de la température à laquelle la solution est préparée, ce qui est susceptible de biaiser la concentration réelle de la solution. Ainsi, les recommandations d’utilisation des solutions hydro-alcooliques estiment que si la concentration en alcool est proche de 60 %, il convient de choisir les produits dont l’unité de mesure est en p/p, tandis que si la concentration est proche de 80 %, il est recommandé de privilégier la solution dont la concentration est exprimée en v/v.

Protocole d’utilisation

La quantité de solution hydro-alcoolique à utiliser n’est pas clairement établie et dépend de la taille des mains de l’utilisateur. Les normes européennes EN 12791 recommandent l’application des gels hydro-alcooliques sur une période de 3 minutes. Une étude récente met en évidence que certains produits peuvent avoir une efficacité similaire avec un temps d’application de 90 secondes. Cependant, d’autres travaux sont encore nécessaires pour valider cette hypothèse.

L’utilisation de gel hydro-alcoolique ne remplace pas l’action mécanique procurée par un lavage des mains afin d’enlever les matières organiques. De plus, aucun agent désinfectant (alcool, chlorhexidine, iode) n’est efficace in vivo contre les spores bactérien­nes telles que celles de Clostridium. Un lavage manuel élimine mécaniquement de telles particules. Ainsi, les solutions hydro-alcooliques sont à utiliser sur des mains propres (non stériles) et sèches. En début de journée, un curettage des ongles et un lavage avec un savon nettoyant non antiseptique sont recom­mandés afin d’avoir des mains “macroscopiquement” propres. La solution hydro-alcoolique est ensuite appliquée (voir photos en pages 38-39). Un brossage chirurgical préalable n’est pas nécessaire. Selon certaines études, il serait déconseillé, car il réduirait l’efficacité de la solution hydro-alcoolique sur le long terme en augmentant le risque de dermatite, rendant ainsi la peau plus difficile à désinfecter.

La solution hydro-alcoolique est à conserver dans un contenant adapté et étanche, au risque de voir la concentration efficace en alcool (volatile), donc son action désinfectante, diminuer.

L’utilisation des solutions hydro-alcooliques est désormais recommandée en première intention pour la désinfection préopératoire des mains. Ce procédé est rapi­de, efficace et possède un spectre d’action similaire, voire plus large, que celui des désinfections et des brossages traditionnels. Elle diminue en outre les risques de contamination par l’eau et est écologique compte tenu de la moindre consommation de liquide. Comme pour les brossages chirurgicaux classiques, il importe de respecter scrupuleusement les protocoles d’utilisation afin d’obtenir une efficacité maximale du produit, au risque d’avoir une désinfection insuffisante.

EXEMPLE DE PROTOCOLE D’UTILISATION D’UNE SOLUTION HYDRO-ALCOOLIQUE3

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