DE LA JONTE JUSQU’AU TARN, LES VAUTOURS USINENT À GORGES DÉPLOYÉES - La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012

REPORTAGE

Auteur(s) : FRÉDÉRIC DECANTE

Rarement une espèce animale a été autant liée à l’activité d’élevage, car la ressource alimentaire des vautours dépend de la disponibilité en animaux morts dans les exploitations agricoles. Et celle-ci ne manque pas, à ceci près que déposer un cadavre n’importe où n’est pas autorisé. 2 solutions s’offrent alors aux éleveurs : disposer officiellement d’une placette d’alimentation ou faire appel au service d’équarrissage dispensé par une association, l’antenne Grands Causses de la LPO1. Aujourd’hui, la priorité est donnée au développement des placettes d’alimentation dans le cadre d’une contractualisation entre l’élevage, la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, le Parc national des Cévennes et la LPO Grands Causses. Le but reste de limiter, voire d’arrêter le dépôt sauvage de cadavres. En effet, la vitalité de cette population de vautours, leur biologie et leur comportement de prospecteur amènent ces oiseaux à consommer des animaux morts au champ, se rendant ainsi suspects de prédation aux yeux de certains éleveurs, lesquels voient en eux non des charognards, mais des prédateurs. En favorisant la maîtrise de la source de nourriture – c’est-à-dire en supprimant les dépôts sauvages –, l’idée de l’administration est de laisser supposer l’existence d’un volant d’action sur la dynamique de la population. Rien n’est moins sûr, affirment les biologistes, tant cette dynamique est complexe : l’étude de cette dernière semble montrer que diminuer la ressource pour minorer les performances de reproduction aurait, comme première conséquence, une augmentation du taux de survie des jeunes s’envolant la première année.

Pour autant, la collecte des cadavres par la LPO présente de nombreux avantages, comme en témoigne Thierry David en charge de ce dispositif : « Notre charnier est historique. De là sont partis les premiers vautours réintroduits. Aujourd’hui, le site a 2 rôles majeurs. Il représente, tout d’abord, un outil indispensable à la recherche. C’est ainsi qu’un programme du CNRS2 a permis d’équiper des oiseaux d’une balise GPS, balise qui vient se décharger via une antenne disposée à proximité de ce charnier. Ainsi, nous disposons maintenant de cartographies précises des parcours effectués journellement par les vautours, circuits de prospection impressionnants. Ensuite, ce charnier constitue un instrument de communication en direction des professionnels, et éventuellement du grand public. Un petit groupe d’invités peut être présent sur la plate-forme d’observation pendant la curée et, de cette façon, découvrir le comportement naturel étonnant de ces volatiles. »

28 tonnes assainies par an

En 2011, la LPO a ainsi collecté 27 à 28 t de cadavres via une tournée d’équarrissage dans 25 cheptels des Causses, cette masse morte étant traitée par les vautours. « Sur ce volet collecte, nous sommes autonomes financièrement. Celle-ci est même intégrée dans une véritable démarche économique avec une contractualisation de 2 équarrisseurs – Atemax Sud-Ouest pour l’Aveyron et Saria pour la Lozère –, à qui nous facturons la collecte. Pour ces industriels, cela limite leur déploiement sur ce territoire vaste et difficile d’accès », explique Thierry David. La liste des éleveurs est relativement stable dans la mesure où elle est limitative. « L’accueil des éleveurs est excellent. Ils témoignent d’un grand intérêt pour le système vautours, avec cette idée majeure que le mort retourne vers le vivant alors que, par l’équarrissage classique, ils ignorent ce que deviennent les cadavres de leurs animaux, dans ce qui constitue pour eux une nébuleuse industrielle », ajoute le responsable de la collecte. Le principe est simple : l’éleveur compose le numéro de téléphone de la LPO Grands Causses et laisse un message sur le répondeur en dehors des heures ouvrables. La LPO Grands Causses organise des tournées à l’aide d’un pick-up 4x4 et amène les cadavres sur le charnier moyennant la délivrance d’un bon d’équarrissage. Le poids de la charogne peut être un facteur limitant, réservant la collecte aux seuls petits ruminants et aux veaux, d’autant que la réglementation restreint à 300 kg la masse totale de cadavres déposée en une seule placette. Au-delà, l’éleveur appelle l’équarrissage industriel.

Bien évidemment, la question principale demeure le risque sanitaire en matière de dissémination des maladies animales. Mais le vautour présente une acidité gastrique exemplaire, avec un pH avoisinant 1,5, laquelle est fatale aux différents agents pathogènes et germes putréfiants, comme ont pu le démontrer les expériences soumettant les fientes des volatiles à une analyse bactériologique. Au final, que reste-t-il de tout cela ? Un tas d’os, car les curées sont d’une efficacité redoutable. Sur placettes ou sur charnier, une fois bien séchés, ces os sont brûlés dans des braseros artisanaux. Voilà pourquoi la LPO Grands Causses projette de réintroduire cette année, dans le cadre d’un projet financé par une enveloppe Feder3, le quatrième grand vautour après les vautours fauve, moine et percnoptère : le gypaète barbu…, le mangeur d’os !

  • 1 Ligue pour la protection des oiseaux.

  • 2 Centre national de la recherche scientifique.

  • 3 Fonds européen de développement régional.

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