L’étiquetage, l’arlésienne dans le débat sur l’abattage - La Semaine Vétérinaire n° 1486 du 09/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1486 du 09/03/2012

Abattoirs et médias

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Auteur(s) : MARINE NEVEUX

L’étiquetage de la viande s’inscrit dans le débat du principe de l’information du consommateur.

La polémique fait rage depuis quelques semaines et les propos du président sortant, Nicolas Sarkozy, l’ont majorée. Lors d’un meeting à Bordeaux le 3 mars dernier, le chef de l’État s’est en effet déclaré favorable à l’étiquetage de la viande selon la méthode d’abattage, allant d’ailleurs à l’encontre des propos tenus par son ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire. Cette position a, bien entendu, entraîné une cascade de réactions de la part de nos personnalités politiques en campagne et des représentants des communautés religieuses. « Ceux de nos concitoyens que leurs convictions religieuses conduisent à ne consommer que de la viande abattue selon un rituel particulier ont le droit de pouvoir le faire, a estimé le président de la République. Mais ceux qui n’ont pas les mêmes convictions ont le droit aussi qu’on les respecte (…). Reconnaissons à chacun le droit de savoir ce qu’il mange, halal ou non. Je souhaite donc l’étiquetage des viandes en fonction de la méthode d’abattage. Quant aux cantines scolaires, elles sont aussi tenues au principe de la laïcité. Je m’opposerai à toute évolution qui irait dans le sens contraire. »

« Cette annonce suscite dans la communauté une totale incompréhension », rétorque notre confrère et rabbin Bruno Fiszon, conseiller du grand rabbin de France, sur le site lemonde.fr. Le risque de stigmatisation de communauté est pointé. Le journal Le Monde s’est d’ailleurs emparé de ce sujet dans son édition du 29 février dernier1, en prenant une distance par rapport au débat culturel et religieux.

Le quotidien conclut que « les viandes rituelles, comme tous les aliments qui font l’objet d’un processus significativement distinct de fabrication, devraient être tracées et identifiables de la même manière que les produits bio. La traçabilité ne sépare pas, elle éclaire les choix que nous sommes obligés de faire sur la base du travail réalisé sur les produits et non sur de chimériques différences identitaires ».

« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient »

Le débat sur la bien-traitance animale et les questions sanitaires progressent-ils pour autant ? « Cela pourrait être une victoire des défenseurs des animaux, des consommateurs et de la laïcité s’il était possible d’accorder un réel crédit à cette déclaration formulée par un candidat 2 mois avant l’élection présidentielle, alors que des promesses faites avant celle de 2007 n’ont pas été tenues », explique notre confrère Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA2. Est-ce une réponse démagogique du président de la République ? « Cette nouvelle attitude du candidat Sarkozy est consécutive à une forte pression médiatique et à la menace de l’OABA de diffuser la liste des abattoirs qui pratiquent l’abattage sans étourdissement, analyse Jean-Pierre Kieffer. Une menace prise au sérieux par le ministère de l’Agriculture, avec l’intervention auprès du président de l’OABA du nouveau directeur général de l’alimentation… »

En outre, l’histoire bégaie. Le 22 décembre 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, écrivait : « Je veux, maintenant, que les abattoirs halal s’engagent concrètement et rapidement, dans la voie d’une généralisation de l’étourdissement préalable. » Les paroles s’envolent-elles

Est-il également nécessaire de rappeler que le gouvernement français avait poussé dans le sens contraire à celui de l’Europe, qui estimait qu’un tel étiquetage devait être rendu obligatoire par le règlement européen n° 1169/2011 relatif à l’information des consommateurs ?

Les propositions de loi se suivent et se ressemblent

« Malgré cette annonce, il est possible de douter d’une réelle volonté d’un débat démocratique, après le retrait forcé de 3 propositions de loi présentées par des parlementaires UMP pour l’étiquetage selon le mode d’abattage : Nicolas Dhuicq, Nicolas About et, plus récemment, Françoise Hostalier, regrette Jean-Pierre Kieffer. Cette dernière a été contrainte par le ministre de l’Agriculture de retirer la proposition de loi qu’elle avait cosignée avec 38 députés de la majorité… »

« Un équilibre entre un esprit de tolérance vis-à-vis des pratiques religieuses, la nécessaire information du consommateur et la protection légitime de l’animal. » Voilà l’esprit de la proposition de loi déposée au Sénat par Nicolas About, sénateur des Yvelines, il y a 2 ans. Le texte comportait un certain nombre de mesures destinées à limiter la production de viande d’animaux abattus sans étourdissement aux strictes nécessités de la consommation religieuse. Ses propositions allaient dans le même sens que celles déposées il y a quelques semaines par Françoise Hostalier : « Le fait, en dehors des cas prévus aux articles L.654-3 et R.214-70, de ne pas étourdir les animaux avant leur abattage ou leur mise à mort est constitutif d’un acte de cruauté envers les animaux au sens de l’article 521-1 du Code pénal et est puni des mêmes peines. » Nicolas About réclamait, en outre, les mentions « viande provenant d’animaux abattus après étourdissement », et « viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement ».

L’OABA martèle que « la mise à mort avec étourdissement est un principe de protection animale destiné à éviter la souffrance des animaux. L’étiquetage pour identifier la viande provenant de bêtes abattues sans étourdissement est un principe d’information du consommateur et de respect de la liberté de conscience ». La suite avant l’élection ?

  • 1 Voir aussi en page 7 de ce numéro.

  • 2 Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir.

En bref

→ Selon les rapports officiels, 60% des ovins et des caprins et plus de 20 % des bovins sont abattus sans étourdissement, alors que les communautés juive et musulmane représentent 7 à 8 % de la population en France.

→ Une motion sur l’abattage des animaux selon des rites religieux a été adoptée à l’unanimité au cours de l’assemblée des délégués lors du congrès annuel du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral à Bordeaux, le 15 octobre 2010. Cette motion exprime notamment le souhait d’« un étiquetage informatif clair pour les consommateurs afin d’identifier la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement ».

→ Le décret du 28 décembre 2011 impose une autorisation préalable à la réalisation d’un abattage sans étourdissement. L’exploitant de l’abattoir devra déposer une demande auprès du préfet (Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations). En outre, le décret impose de disposer « d’un système d’enregistrements permettant de vérifier que l’usage de la dérogation correspond à des commandes commerciales qui le nécessitent ».

• Le 6 septembre 2010, le ministre de l’Intérieur, en charge des cultes, déclarait à la synagogue de la Victoire à Paris : « Aujourd’hui, alors qu’un vote au Parlement européen pourrait imposer un étiquetage discriminant pour l’abattage rituel, nous restons particulièrement vigilants. Vous pouvez compter sur ma mobilisation et celle des députés français au Parlement européen pour que le projet n’aboutisse pas. »

• Le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, confirme la position gouvernementale qui s’oppose à un étiquetage des viandes précisant le mode d’abattage de l’animal (avec ou sans étourdissement) dans sa réponse au Journal officiel du 24 mai 2011. « Le gouvernement français n’est pas favorable à [la mention obligatoire de l’abattage sans étourdissement pour la viande issue d’animaux tués selon les rites], répond le ministre de l’Agriculture. Elle serait susceptible de stigmatiser, aux yeux du consommateur, des pratiques d’abattage ayant des fondements relatifs à la liberté religieuse. Enfin, un tel étiquetage différentiel serait de nature à déstabiliser les marchés de la viande de manière durable. »

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