Épidémiologie et pathogénie de la paratuberculose caprine - La Semaine Vétérinaire n° 1486 du 09/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1486 du 09/03/2012

Formation

CAPRINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, ÉMILIE BRIOT**

POINTS FORTS

– Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (MAP) est l’agent de la paratuberculose chez les chèvres.

– Cette maladie, cosmopolite, concerne toutes les espèces de ruminants.

– Elle partage des antigènes communs avec d’autres bactéries (Mycobacterium, Nocardia, Corynebacterium).

D’un point de vue économique, la paratuberculose est une importante maladie infectieuse. Elle affecte les ruminants sauvages et domestiques. L’infection se traduit par une dégradation de l’état de l’animal qui va jusqu’à la mort, via un dérèglement du fonctionnement digestif qui n’est pas complètement élucidé.

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE ET IMPORTANCE

La paratuberculose, également connue sous le nom de maladie de Johne, est une affection cosmopolite. Cependant, la répartition spécifique de la paratuberculose caprine est difficile à décrire, car les données statistiques relatives aux chèvres sont souvent récupérées à partir d’informations qui concernent les ovins. Des cas de paratuberculose caprine sont décrits dans de nombreux pays (Soudan, Inde, Turquie, Israël, Chypre, France, Grèce, Norvège, Espagne, Suisse, Canada, États-Unis, Mexique, Australie, Nouvelle-Zélande). En France, la paratuberculose caprine entre dans le diagnostic différentiel du syndrome de la chèvre maigre et représente 10 à 20 % des motifs d’autopsie des animaux adultes. Elle engendre des pertes économiques liées à une baisse de la production laitière, à la dégradation de l’état des animaux, ainsi qu’aux frais de dépistage, de prévention et de renouvellement du cheptel.

AGENT PATHOGÈNE

La maladie est provoquée par la bactérie Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis (MAP). C’est une mycobactérie de petite taille (0,1 x 1 µ) par rapport aux autres mycobactéries pathogènes.

Elle réagit de façon spécifique à la coloration de Ziehl Neelsen, qui marque son côté acido-alcoolo-résistant (AAR). Dans les tissus, elle tend à se retrouver au niveau des macrophages. Cette bactérie est extrêmement résistante dans le milieu extérieur, et peut survivre pendant plus de 1 an dans les pâtures ou les bâtiments.

Culture

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis est une bactérie lente et difficile à cultiver in vitro. Les cultures positives, rarement identifiées avant 6 semaines, peuvent attendre une confirmation jusqu’à 12 semaines. La culture requiert une supplémentation du milieu en mycobactine, une substance chélatrice retrouvée chez les autres espèces de mycobactéries. La dépendance en mycobactine a été longtemps considérée comme une caractéristique de la culture spécifique de la bactérie de la paratuberculose. Cependant, certaines souches de Mycobacterium avium possèdent également ce caractère.

Particularités antigéniques

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis possède des antigènes communs avec d’autres Mycobacterium spp., Nocardia spp. et Corynebacterium spp. Les infections dues à des corynébactéries sont susceptibles de produire des réactions croisées dans les tests sérologiques utilisés pour diagnostiquer celles générées par Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis. L’espèce caprine est particulièrement concernée, car la lymphadénite caséeuse provoquée par Corynebacterium pseudotuberculosis est commune dans cette espèce. Les futurs tests de diagnostic, fondés sur l’utilisation d’anticorps monospécifiques ou d’antigènes purifiés, devraient éliminer ce problème de réaction croisée.

PRÉALENCE

La prévalence de la paratuberculose caprine, mal connue, varie certainement selon les pays, les modes d’élevage, le pouvoir infectieux de la bactérie et d’autres facteurs. Par exemple, en Norvège, où les chèvres sont élevées de manière intensive pour la production laitière et où une souche spécifiquement caprine est connue, la prévalence nationale atteignait 53 % avant la mise en place d’une campagne de vaccination.

En Inde, où les troupeaux sont de petite taille et élevés de manière plus extensive, une étude nécropsique menée sur 13 ans indique un taux de prévalence d’environ 5 % seulement. Cependant, de nos jours, la maladie est devenue endémique. La prévalence y est importante chez les jeunes (environ 50 % chez les chevreaux âgés de 6 mois). La bactérie peut être mise en évidence chez des animaux très jeunes, âgés de moins de 15 jours.

FACTEURS DE RÉCEPTIVITÉ ET DE SENSIBILITÉ

La paratuberculose clinique affecte surtout les animaux adultes. Néanmoins, des cas de paratuberculose juvénile sont décrits chez des bêtes de 2 mois d’âge. Il convient de tester le prétroupeau afin de contrôler le développement de cette maladie et d’être en mesure de l’éradiquer.

Une résistance à l’infection développée avec l’âge est reconnue chez les bovins. Elle existe probablement chez les caprins. Les nouveau-nés sont considérés comme les plus sensibles aux nouvelles infections, surtout lorsque leur mère est excrétrice et en contact avec le chevreau. Toutefois, la résistance liée à l’âge n’est pas absolue et il est probable que les animaux adultes puissent contracter l’infection s’ils sont élevés dans un environnement contaminé.

TRANSMISSION

Le mode principal de la transmission de la paratuberculose est horizontal et s’effectue par voie oro-fécale : via leurs fèces, les animaux adultes excrètent les bactéries, qui sont ingérées par les jeunes. La contamination est favorisée dans les troupeaux dont les conditions d’hygiène sont défavorables, ou si l’effectif est trop important par rapport à la capacité d’accueil des bâtiments.

L’infection du fœtus in utero est considérée comme un mode de transmission moins commun. Des cas sont décrits chez les bovins et les ovins. Chez les caprins, l’importance de ce mode de transmission est inconnue.

La possibilité pour Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis d’infecter plusieurs espèces a été démontrée en 1913, lorsqu’une paratuberculose a été induite chez une chèvre avec un inoculum issu d’une souche bovine. Sur le plan sérologique, des points communs aux souches bovine et caprine sont démontrés. En général, lorsque différentes espèces de ruminants sont élevées ensemble dans une seule et même ferme, le risque d’infection croisée interespèces augmente.

PATHOGÉNIE

Les caprins sont le plus souvent infectés via l’ingestion de la bactérie dans leur jeune âge, comme les ovins et les bovins. Les bactéries gagnent la lamina propria de l’intestin et les nœuds lymphatiques mésentériques. Elles peuvent pénétrer dans la muqueuse intestinale du jéjunum à des sites pourvus ou non de plaques de Peyer. Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis n’entre donc pas seulement par l’intermédiaire des cellules M, mais aussi par celui des entérocytes.

Mycobacterium avium subsp. paratuberculosis se met alors en état de latence, pour une période variable. À un moment donné, confrontés à un stress ou à une autre infection, les animaux contaminés excrètent la bactérie via leurs fèces. Simultanément ou peu après, ils commencent à manifester des signes cliniques (un amaigrissement progressif essentiellement).

La diarrhée, un signe caractéristique chez les bovins, se retrouve rarement chez les petits ruminants. Il est possible que les dérèglements relatifs à la réabsorption aqueuse au niveau du côlon soient suffisants pour provoquer une diarrhée chez les bovins, mais pas assez importants pour en déclencher une chez les ovins et les caprins, des espèces qui produisent des fèces plus sèches que les bovins.

Expérimentalement, il est mis en évidence que les chèvres atteintes de la paratuberculose clinique possèdent une bactériémie. La bactérie est isolée dans des cultures sanguines et dans de nombreux tissus, dont la mamelle et l’utérus, lors de l’autopsie. Cela suggère que les chevreaux nés de mères malades présentent un grand risque d’infection pendant la parturition puis la tétée, s’ils n’ont pas déjà été contaminés in utero.

Bibliographie

  • C. Chartier et coll. : « Prévention néonatale des infections des caprins », Le Point Vétérinaire, 2010, n° 302, p. 41-48.
  • P. Mercier et coll. : « Séroprévalence de l’infection par Mycobacterium avium paratuberculosis chez les caprins en France : résultats préliminaires », Épidémiol. Santé Anim. 2008 ; 53 : 1-7.
  • P. Casamitjana : « Diagnostic d’un foyer de paratuberculose au sein d’un élevage caprin », Bull. GTV, Hors série 2002, p. 85-87.
  • EG. Russell, AR. Milner : « Serological similarity between caprine and bovine strains of Mycobacterium paratuberculosis », Aust. Vet. J. 1978, vol. 54, p. 484-485.
  • P. Kumar et coll.: « Juvenile Capri-paratuberculosis in India: incidence and characterization by six diagnostics tests », Sm. Rum. Res. 2007, vol. 73, p. 45-53.
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DANS UN TROUPEAU INFECTÉ

À cause de l’importance de la latence de l’infection, de la résistance de la bactérie dans l’environnement et du caractère endémique de l’infection, toutes les chèvres issues d’un troupeau infecté sont suspectes. Ces animaux peuvent être classés en différentes catégories :

→ individus résistants ou non infectés, non excréteurs (bactérioscopie et sérologie négatives) ;

→ infectés, non excréteurs, non cliniquement atteints (bactérioscopie négative et sérologie positive) ;

→ infectés subcliniques, excréteurs (bactérioscopie positive et sérologie négative) ;

→ infectés, cliniquement malades, reconnus excréteurs (bactérioscopie positive et sérologie positive ou négative).

Seuls les individus du dernier groupe peuvent être identifiés à l’examen clinique. Le taux d’infectés subcliniques dans un troupeau atteint par la paratuberculose est supérieur à celui de cas cliniques.

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