QUOI DE NEUF EN CHIRURGIE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017

DOSSIER

Quel nouveau matériel de suture est disponible en chirurgie viscérale ? Comment les dernières techniques de coagulation chirurgicale améliorent le confort peropératoire ? Que penser de l’engouement pour les concentrés plaquettaires ? Quelles sont les indications de l’endoscopie chez les NAC ? Aperçu des nouvelles tendances en chirurgie applicables en pratique quotidienne dès demain.

La chirurgie attire ou rebute, mais elle laisse rarement indifférent. Autrefois élémentaire, réalisée “avec les moyens du bord”, elle a sans cesse innové et il est désormais possible d’exercer une chirurgie de pointe grâce à des techniques très élaborées, des moyens toujours plus adaptés aux animaux et beaucoup plus facilement disponibles.

Focus – non exhaustif – sur les dernières avancées tant en chirurgie des tissus mous qu’en chirurgie orthopédique des carnivores domestiques et des nouveaux animaux de compagnie (NAC).

Traitement des plaies cutanées : la thérapie par pression négative désormais disponible

Développé initialement en médecine humaine, un dispositif d’aspiration de petite taille est aujourd’hui utilisable en chirurgie vétérinaire pour traiter les plaies cutanées, aiguës ou chroniques, par pression négative. La pompe (Pico®, Smith & Nephew), à usage unique, ne pèse qu’une centaine de grammes et peut être placée sur le dos de l’animal. « Le pansement doit être mis en place sur une surface plane et tondue, afin que ses bords puissent adhérer et permettre l’étanchéité, indispensable au maintien de la pression négative, indique Pierre Barreau, diplômé de l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS). De plus, l’animal doit rester au calme, l’idéal étant une hospitalisation durant laquelle est effectué, plusieurs fois par jour, un contrôle de la pression négative (- 80 mmHg) à la surface de la plaie. » Le principe est d’aspirer les exsudats (infectés ou non), en quantité faible à moyenne, qui sont absorbés et en partie évaporés à travers le film externe du pansement. Il est donc important de ne pas recouvrir ce dernier d’un film adhésif pour le fixer. Lorsqu’il n’est plus adhérent ou qu’il est saturé, il doit être remplacé par un nouveau pansement stérile (en moyenne au bout de trois à sept jours). « Lors de plaie cavitaire, il est conseillé de placer des compresses stériles pour réduire la cavité, recommande Pierre Barreau. Il faut également choisir un pansement d’une taille adaptée à celle de la plaie, car sa découpe entraîne un risque de perte d’étanchéité et donc d’efficacité. » L’aspiration négative permet de traiter un grand nombre de plaies, aiguës ou chroniques, infectées ou non, chirurgicales, ou lors de greffe cutanée. Cela crée un milieu favorable à chaque étape de la cicatrisation cutanée. Toutefois, cette technique est contre-indiquée en cas de plaie hémorragique, nécrotique sèche ou d’origine néoplasique.

Orthopédie : un engouement croissant pour les concentrés plaquettaires

L’injection de produits sanguins autologues est l’une des nouvelles méthodes de traitement des affections musculo-tendineuses et articulaires en orthopédie vétérinaire, à la fois présentée comme alternative à la chirurgie ou comme adjuvant chirurgical. Parmi elles, les concentrés plaquettaires, dont le plasma enrichi en plaquettes (PRP), s’obtiennent à partir de sang prélevé sur l’animal lui-même, qui est ensuite centrifugé, séparé et concentré. Le dispositif ACP® (Autologous conditioned plasma, Arthrex) permet de préparer stérilement le concentré plaquettaire en une vingtaine de minutes grâce à une double seringue et à une centrifugeuse. Le prélèvement sanguin, la préparation du concentré plaquettaire et l’injection peuvent donc être faits lors d’une même consultation.

La préparation injectée contient des facteurs de croissance présents dans le plasma, mais aussi libérés par les plaquettes lors de leur activation. Ces facteurs de croissance favorisent notamment l’angiogenèse, la production de collagène et de protéoglycanes. Ils semblent donc contribuer à accélérer la cicatrisation et à diminuer l’inflammation. Cela a été démontré en médecine humaine il y a plusieurs années et de nombreuses études sont en cours pour les animaux de compagnie.

Le PRP est indiqué pour traiter des lésions musculo-tendineuses ou ligamentaires aiguës ou chroniques, lors desquelles une dégénérescence des fibres de collagène est observée. L’injection est effectuée sous contrôle échographique et permet d’apporter des facteurs de croissance en quantité abondante, directement sur le site de la lésion musculaire ou tendineuse. Injecté dans les articulations arthrosiques, le PRP stimule directement l’anabolisme du cartilage, en plus d’avoir une action anti-inflammatoire. Une étude effectuée sur 20 chiens, publiée en 20131, a mis en évidence qu’une injection articulaire unique de PRP permettait de diminuer significativement la douleur chez le chien arthrosique au bout de 12 semaines.

Cette solution est attrayante, notamment par le fait que les études fondamentales in vitro sont encourageantes. Cependant, les études cliniques ont des résultats controversés et sont difficiles à comparer entre elles. Aucun consensus n’a été trouvé quant à un protocole adapté à l’animal selon le type de lésion. De plus, comme l’indique Alexandre Thibault, interne à Oniris, qui a réalisé sa thèse sur l’arthrose du coude chez le chien et l’utilisation du PRP, « il existe une multitude de PRP différents, avec ou sans leucocytes, avec des concentrations plaquettaires variables, avec ou sans activation plaquettaire, et dont la composition varie même selon le manipulateur qui prélève la phase d’intérêt à injecter ». « Une analyse préalable du produit injecté lors de chaque étude permettrait de les comparer plus efficacement et de définir des protocoles plus objectifs », ajoute-t-il. Enfin, le PRP paraît simple d’utilisation, mais il convient de ne pas négliger les règles de base d’asepsie chirurgicale, à savoir une tonte et une désinfection chirurgicale de la zone à injecter, afin de limiter le risque de complications, telles qu’un abcès ou une arthrite. Cela nécessite également d’avoir une parfaite connaissance de l’anatomie de la zone à injecter.

Des alternatives à l’électrochirurgie traditionnelle

L’électrochirurgie est utilisée depuis longtemps. Le type monopolaire est le plus courant en raison de sa polyvalence et de son efficacité. L’électrode active se trouve sur l’instrument monopolaire, le courant traverse l’animal jusqu’à la plaque, électrode de retour. Si un autre objet plus conducteur que la plaque est en contact avec l’animal et le sol, le courant se concentrera à ce point de contact et produira une brûlure sur la zone de fuite (par exemple, l’emplacement des électrodes de l’électrocardiographe). Pour limiter ce risque, la zone de contact avec la plaque doit donc être large et de faible résistance.

Dans le type bipolaire, l’électrode active et l’électrode de retour se trouvent sur l’instrument. Le courant traverse donc uniquement le tissu contenu entre les extrémités de la pince. Le risque de brûlures est donc absent. De plus, l’électrochirurgie bipolaire est plus précise, préserve les tissus à proximité et est réalisable en milieu humide. Elle est plus sûre, mais ne permet pas d’inciser.

La thermofusion est une technique d’électrochirurgie bipolaire avancée. Le système LigaSure® (Covidien), par exemple, nécessite un générateur spécifique qui permet une hémostase de vaisseaux de diamètre jusqu’à 7 mm par thermofusion. Par rapport aux pinces bipolaires classiques, la diffusion thermique aux tissus adjacents est limitée entre 2 et 3 mm. Il n’y a pas de carbonisation, ni de thrombus. Avec la pince LigaSure®, la préhension et la fusion s’effectuent en quelques secondes, la section étant possible avec certaines pinces, ce qui réduit encore le temps opératoire. « J’utilise la thermofusion, le Caiman ® (B. Braun VetCare), depuis maintenant deux ans avec grande satisfaction. La pince permet à la fois la thermofusion sûre des tissus et la découpe de ces derniers en fin de processus, le tout par un geste très simple, rapporte Frédéric Sanspoux, diplômé du certificat d’études supérieures d’orthopédie, praticien à la clinique vétérinaire Capvéto à Bellac (Haute-Vienne). Le champ d’application est assez large : ovariectomie ou hystérectomie sur plusieurs espèces animales, castration, splénectomie, exérèse de tumeurs… Il m’est également arrivé de réaliser une gastrectomie partielle sur torsion d’estomac de manière très efficace et rapide sans aucune contamination péritonéale, en suturant le site de thermofusion d’un surjet pour plus de sécurité. Le gain de temps est très appréciable. Il n’est pas rare de finir une ovariectomie de chienne en moins de 10 mi nutes peau à peau. Mais l’avantage premier est la qualité de l’hémostase et la possibilité de sectionner de gros vaisseaux sans réaliser de sutures. » Cependant, le coût du générateur et des pinces est élevé, ces dernières étant indiquées à usage unique en cœlioscopie (en pratique, certains utilisateurs les stérilisent toutefois pour en faire usage plusieurs fois), ce qui limite son développement en chirurgie vétérinaire.

D’autres techniques sont proposées aujourd’hui à la place de l’électrochirurgie. Le laser est une intensification de la lumière, dont le faisceau permet de couper et de coaguler. Le laser CO2 est le plus employé en clinique. Des lunettes de protection doivent être portées durant son utilisation, afin de limiter le risque de lésion cornéenne ou rétinienne. Tout comme l’électrochirurgie, le laser chauffe le fluide cellulaire jusqu’à faire exploser la membrane cellulaire (section) ou la déshydrater (coagulation). Il a la réputation d’être plus facile à cibler et plus prévisible, mais cela dépend en réalité de l’habitude du chirurgien. Cette technique a de nombreuses indications, en premier lieu les chirurgies orales (palatoplastie, amygdalectomie, exérèse de masses buccales, laryngées, linguales), périnéales et rectales. L’avantage est que l’inflammation est limitée, ce qui est recherché lors des chirurgies concernant les voies respiratoires supérieures.

Une autre alternative à l’électrochirurgie est l’ultracision, qui utilise l’énergie produite par les vibrations ultrasonores. Le scalpel harmonique permet de coaguler et de couper des tissus simultanément et à faible température. Les protéines sont dénaturées par les vibrations des ultrasons à haute fréquence (25-55 kHz). Cela offre donc de nombreux avantages, notamment un risque limité de carbonisation et donc une meilleure cicatrisation, l’absence de courant électrique traversant l’animal, une plus grande précision à proximité des structures vitales, et une meilleure vision en laparoscopie, car les fumées sont plus faibles. Son coût en limite cependant l’utilisation.

NAC : utilisation variée de l’endoscopie en chirurgie

L’endoscopie est de plus en plus souvent utilisée en chirurgie des NAC, avec des indications nombreuses et variées, comme le rapportent Morgane Prieto et Héloïse Cousin, praticiennes exclusives en NAC au cabinet vétérinaire Exotica (Pessac, Gironde). « L’endoscopie des sacs aériens et de la trachée est l’examen de choix – un examen précieux ! dans le diagnostic et le traitement de l’aspergillose chez l’oiseau, souligne Morgane Prieto. En effet, il permet de faire un examen complet des cavités, de pratiquer un prélèvement pour une analyse ou même, dans certains cas, d’accélérer la guérison en réalisant un grattage ou une exérèse des granulomes les plus importants. Un contrôle endoscopique régulier est nécessaire pour ne pas arrêter le traitement de manière trop précoce (une persistance de granulomes étant possible, même en l’absence de signes cliniques) et limite donc les récidives très fréquentes lors d’un simple traitement médical (itraconazole ou voriconazole). »

Chez les oiseaux, un examen laparoscopique peut être réalisé par un abord bien spécifique. « Un accès à la cavité cœlomique, en perforant délicatement la paroi du sac aérien abdominal, permet de réaliser une laparoscopie exploratrice, explique Morgane Prieto. L’examen s’effectue avec un endoscope rigide de diamètre 27 mm, en perforant le sac aérien thoracique caudal entre les deux dernières côtes. Ensuite, l’endoscope peut être déplacé directement dans les sacs aériens thoracique cranial et abdominal. »

La cœlioscopie est également utilisée chez les tortues et se réalise via la fosse fémorale. « Après avoir incisé la peau et ponctionné les muscles oblique abdominal et abdominis transverse et la membrane cœlomique, l’endoscope est inséré pour avoir une vue de l’ensemble de la cavité cœlomique, détaille Héloïse Cousin. Cette technique est notamment intéressante dans la gestion des rétentions d’œufs chez les chéloniens de taille moyenne à grande, pour visualiser les ligatures des grappes ovariennes et gérer l’hémostase, tout en conservant la carapace intacte. »

Chirurgie viscérale : des sutures automatiques grâce à des pinces

Des pinces spécifiques pour les sutures viscérales automatiques ont été développées depuis une quinzaine d’années en chirurgie humaine et sont désormais disponibles en centrale d’achat vétérinaire. Les chirurgies de l’intestin (entérotomie, entérectomie) sont fréquentes en chirurgie vétérinaire, avec de nombreuses indications, notamment les corps étrangers obstructifs ou perforants, les intussusceptions et les tumeurs digestives. Il est actuellement recommandé en suture manuelle de réaliser une suture apposante en un plan, à l’aide d’un surjet ou de points simples. Le fil choisi est un monofilament résorbable (de type polydioxanone ou polyglyconate) monté sur une aiguille à section ronde.

En suture automatique, deux types de pinces sont désormais facilement disponibles : les pinces thoraco-abdominales (TA), qui placent deux à trois rangées d’agrafes, mais ne permettent pas de section ; celles d’anastomose gastro-intestinales (GIA), qui insèrent quatre rangées d’agrafes et permettent une section entre la deuxième et la troisième rangée. Ces instruments sont disponibles en plusieurs longueurs (30, 55 et 90 mm pour les pinces TA ; 50 et 90 mm pour les GIA) et avec plusieurs tailles d’agrafes (2,5, 3,5 et 4,8 pour les TA ; 3,8 et 4,8 pour les GIA).

« En associant l’utilisation de ces deux pinces, on peut, par exemple, réaliser aisément une anastomose termino- terminale fonctionnelle à la suite d’une entérectomie en apposant les bords antimésentériques des deux segments du tube digestif, indique Quentin Cabon, diplômé ECVS, praticien à la clinique vétérinaire Olliolis (Ollioules, Var). La pince GIA est insérée dans la lumière des deux portions digestives, ce qui permet de les relier entre elles. La fermeture de la lumière digestive est réalisée avec la pince TA. Un point simple manuel peut être placé à chaque extrémité des lignes d’agrafes pour limiter le risque de fuite. »

Ces instruments présentent de nombreux avantages, « comme réduire le risque de fuite, d’hémorragie, de nécrose tissulaire en préservant la vascularisation et en réalisant moins de manipulations tissulaires, ce qui limite l’inflammation, poursuit Quentin Cabon. Les sutures automatiques ont une meilleure résistance à la tension que les sutures manuelles, réduisent le risque de sténose et surtout permettent une diminution importante du temps opératoire, et ce quelle que soit l’expérience du chirurgien. » Le surcoût engendré par l’emploi de ce matériel (compter plus de 200 € pour l’achat d’une pince – qui peut être réutilisée plusieurs fois après stérilisation à froid – et une centaine d’euros pour la recharge d’agrafes) peut être raisonnable au vu du bénéfice qu’ils peuvent apporter pour la chirurgie d’un animal critique, par exemple en péritonite septique. Les risques hémorragiques et de fuite étant diminués mais toujours présents, le chirurgien doit avoir tout de même de l’expérience en chirurgie digestive. De plus, ces pinces automatiques ont une taille qui limite leur usage chez les chats et les petits chiens.

1 bit.ly/2jpLiWq - Fahie M.A. et coll. A randomized controlled trial of the efficacy of autologous platelet therapy for the treatment of osteoarthritis in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2013;243(9):1291-1297.

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