Les différentes voies de recouvrement d’une créance - La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017

FINANCES

ÉCO GESTION

Auteur(s) : SERGE TROUILLET  

L’impayé, qui est l’une des principales causes de défaillance des entreprises, n’est pas une fatalité. Le point avec Jean-Louis Aupois, avocat au barreau de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), sur les moyens “légaux et rapides” pour obtenir le paiement d’une créance.

Les démarches et voies d’action choisies pour recouvrer une créance doivent correspondre à la spécificité de chaque situation. Les critères à prendre en compte à cet égard concernent tout à la fois le statut du débiteur, son patrimoine et le montant de la créance. La finalité de l’action en recouvrement est d’aboutir, dans l’idéal, à un paiement dans les meilleurs délais au moindre coût. Son succès dépendra de la capacité du créancier, outre son avocat, à analyser la situation à laquelle il est confronté et à utiliser les moyens d’action les plus adéquats.

1. Le recouvrement amiable

Le but de cette démarche est d’obtenir un paiement volontaire du débiteur : il s’agit donc de rappeler au débiteur ses obligations et d’obtenir de lui qu’il rembourse sa dette de son plein gré. Le créancier envoie donc, en général, des lettres de rappel de paiement, passe des appels téléphoniques. Le recouvrement amiable correspond à une phase de règlement précontentieux d’un litige portant sur une somme d’argent. C’est seulement si les tentatives sont vaines et si le débiteur se montre trop réticent à payer que d’autres mesures de recouvrement seront envisagées, telles que la mesure conservatoire, l’action en justice et le recouvrement forcé, pour lesquelles le concours d’un avocat est recommandé. Il convient de noter que le créancier a tout intérêt à mettre en demeure son débiteur au plus vite, par lettre recommandée avec accusé de réception et la mention « Mise en demeure », car certains droits ne sont acquis au créancier qu’à compter de la mise en demeure (intérêts moratoires notamment) : « Je vous mets en demeure de payer telle somme dans tel délai… »

2. La mesure conservatoire

Si le créancier pense que le recouvrement de sa créance dont il ne peut obtenir le recouvrement amiable est menacé, il peut demander en justice l’autorisation de prendre à titre conservatoire une sûreté mobilière ou immobilière, ou de procéder à une saisie conservatoire sur un bien appartenant au débiteur (hypothèque judiciaire). Cette mesure conservatoire fera de lui un créancier privilégié ; il pourra ensuite être payé en priorité. Il sera d’abord nécessaire de faire une action judiciaire pour obtenir cette garantie. Cette mesure empêche en outre que le débiteur organise son insolvabilité.

3. L’action en justice

Dans l’hypothèse où les tentatives de recouvrement amiable se sont révélées infructueuses ou en cas de mise en œuvre d’une mesure conservatoire, le créancier devra porter les litiges devant le tribunal compétent, auprès duquel il devra prouver sa créance. L’objectif d’une action en justice peut être double. Elle peut d’abord constituer un moyen de pression supplémentaire à l’égard du débiteur, de nature à l’inciter à payer sa dette. Ensuite, cette action va conférer au créancier un titre exécutoire qui lui permettra de saisir un bien de son débiteur pour se payer, ou transformer une mesure conservatoire en mesure définitive, afin d’obtenir le règlement de sa créance. Les principales actions en justice ouvertes au créancier sont l’injonction de payer, le référé-provision et l’assignation en paiement.

- L’injonction de payer. Elle concerne en général les petites créances. C’est une procédure sommaire et peu coûteuse qui permet d’obtenir une décision judiciaire sans avoir dû préalablement appeler le débiteur, et sans qu’aucune des parties n’ait eu à comparaître. Les conditions : la créance doit être contractuelle, et d’un montant déterminé ; l’injonction doit être demandée devant le tribunal du domicile du débiteur (en général, le tribunal d’instance) ; le débiteur a un mois pour faire opposition à l’ordonnance de l’injonction de payer : « Je m’oppose à cette injonction de payer ; cette dette n’est pas due, je la conteste. » Dans ce cas, on revient devant le tribunal dans un débat contradictoire, où chacun exprime sa défense. Si le débiteur ne fait pas opposition dans le délai d’un mois, l’ordonnance d’injonction de payer devient exécutoire.

- Le référé-provision. Par cette procédure, le juge des référés a la possibilité d’accorder une provision au créancier, pouvant aller jusqu’à 100 % de la créance. Pour que le juge des référés soit compétent, l’obligation ne doit pas être sérieusement contestable. Dès lors que l’obligation contractuelle qui lui est soumise apparaît ambiguë, incomplète ou susceptible d’interprétation, elle devient sérieusement contestable et le juge des référés devient incompétent. La procédure du référé-provision permet d’obtenir une décision rapide bénéficiant de l’exécution provisoire de plein droit. On peut faire exécuter immédiatement une ordonnance de référé même si le débiteur fait appel.

- L’assignation en paiement.C’est un acte délivré par voie d’huissier, permettant au demandeur de citer son adversaire à comparaître devant le juge. La procédure est ici contradictoire, moins rapide que l’injonction de payer. Elle doit être utilisée par les créanciers lorsque leurs créances sont susceptibles d’être contestées par le débiteur, ou en raison du montant important de la créance à recouvrer.

4. Le recouvrement forcé

Il se réalise par l’intermédiaire d’un huissier de justice qui va saisir un ou plusieurs biens du débiteur. La procédure impose des règles très strictes et nécessite la détention d’un titre exécutoire (jugement définitif).

Celui-ci peut être obtenu grâce à une action en justice. La procédure du recouvrement forcé peut aussi être engagée sans action en justice préalable si le créancier détient, par exemple, un certificat de non-paiement de chèques, ou un acte notarié tel qu’une reconnaissance de dettes passée devant notaire. Le créancier obtiendra paiement de sa créance par la vente des biens saisis, ou par l’attribution des créances saisies. Soulignons que le débiteur a toujours la possibilité de payer au cours de la procédure de saisie. Depuis juin 2016, il est possible de demander directement à un huissier de recouvrir une créance dont le montant en principal et intérêts ne dépasse pas 4 000 € sans passer au préalable par un jugement. L’accord du débiteur est toutefois requis.

Les conditions pour qu’une créance soit recouvrable

- La créance doit être certaine ; cette exigence signifie que la créance doit avoir une existence actuelle et incontestable. Si la créance n’est pas sérieusement contestable, le créancier peut engager une procédure simplifiée d’action en paiement (injonction de payer ou référé-provision). Si la créance est susceptible d’être contestée, le créancier devra prouver la réalité de sa créance en engageant une procédure avec assignation en paiement.

- Elle doit être liquide, ce qui signifie que son montant doit pouvoir être évalué.

- Elle doit être exigible, c’est-à-dire qu’elle doit être échue. Il n’est pas permis au créancier de procéder au recouvrement d’une créance à terme, ou dont l’exécution est soumise à condition suspensive.

- Délai de prescription : naturellement, la créance ne doit pas être prescrite ou éteinte pour quelque raison que ce soit.

- Coût du recouvrement : le débiteur est tenu de payer le principal de la créance ; les intérêts moratoires qui courent à compter de la mise en demeure, d’où l’intérêt de faire une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception ; le montant des dommages et intérêts prévus contractuellement dans la clause pénale quand il y en a une (cela peut être des dommages et intérêts pour résistance abusive, à condition que cela soit prononcé par le juge), les accessoires tels que les frais de paiement.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr