Prendre en compte le point de vue des animaux pour une meilleure protection - La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017

DÉBAT

ACTU

Auteur(s) : LORENZA RICHARD 

Les livres Le Droit de l’animal et Biographies animales ont servi de fil conducteur à la conférence-débat sur l’évolution de la protection animale qui a eu lieu à Lyon (Rhône), fin juin.

L’équipe ACSPAVE1 de l’École nationale des services vétérinaires (ENSV), école interne de VetAgro Sup, est à l’initiative de la conférence-débat2 qui s’est tenue le 22 juin à l’université Jean-Moulin de Lyon (Rhône). Le débat sur l’évolution de la protection animale, sujet d’actualité en rapport avec la prise de conscience de l’individualité des animaux, s’est appuyé sur la présentation de deux ouvrages récemment publiés, en présence de leurs auteurs.

Une réglementation en évolution

Le Droit de l’animal (LGDJ, 2017)3 est coécrit par Anne-Claire Lomellini-Dereclenne (L 03) et la juriste Katherine Mercier. Cet ouvrage a inspiré la création du diplôme d’établissement de VetAgro Sup “Protection animale, de la science au droit”, codirigé par notre consœur, et François Darribehaude, directeur adjoint de l’ENSV et coordonnateur de l’équipe ACSPAVE (dont la première session, qui aurait dû s’ouvrir en mai 2017, est repoussée à 2018).

Rédigé à l’initiative de la Fondation droit animal, éthique et science (LFDA), le livre établit un état des lieux objectif, positif et exhaustif de la réglementation actuelle, en insérant des exemples de terrain. Il montre notamment qu’il existe une distinction entre l’animal approprié (animal de compagnie, de rente, de laboratoire ou de divertissement), où la protection individuelle est en jeu, et l’animal sauvage, où la protection de l’espèce prédomine, bien que la reconnaissance d’une certaine individualité se développe.

« Les animaux ont des capacités et des personnalités différentes, et il existe non pas une, mais des intelligences. Nous découvrons actuellement l’aspect individuel des animaux et cela pose la question de l’évolution du droit animal », précise Georges Chapouthier, neurobiologiste, philosophe et directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il rappelle que les animaux sont considérés comme des êtres sensibles, car ils disposent d’une sensibilité nerveuse aux éléments qui peuvent nuire à leur organisme, c’est-à-dire une nociception. Cette dernière évolue par palier chez les êtres de plus en plus complexes. Ainsi, chez les animaux céphalisés, apparaissent également une nociception liée aux émotions, la douleur, et une autre liée à la conscience, la souffrance. La souffrance suppose ainsi une conscience, et il est actuellement acquis que les vertébrés et les céphalopodes ressentent la douleur et la souffrance (des études récentes posent cette question également chez les abeilles et les bernard-l’ermite).

Le point de vue de l’animal

Biographies animales (Seuil, 2017)4, d’Éric Baratay, professeur d’histoire de l’université Jean-Moulin Lyon 3 et spécialiste des relations hommes-animaux, propose une réflexion contemporaine sur l’histoire de ces derniers. L’auteur souhaite, non pas retracer l’histoire des animaux à travers un regard humain (la façon dont on les pense ou les utilise), mais de leur point de vue, en restituant des biographies et des expériences d’animaux célèbres. « Cet ouvrage décentre le lecteur de son univers humain pour lui montrer une vie qui fonctionne différemment, sans tomber dans l’anthropomorphisme, en croisant des travaux de scientifiques et des documents et photographies d’époque », précise Éric Baratay. Le livre montre que, comme pour l’homme, il existe des époques et des générations animales : c’est le cas, par exemple, du chien errant vivant à côté des hommes au début du siècle dernier, qui a évolué au fil des générations en chien de compagnie vivant étroitement avec les hommes. De même, il existe des cultures animales imposées par les cultures humaines ou déduites d’un environnement imposé par l’homme : le chien occidental est différent de celui qui vit en Afrique ou en Asie. « Afin de comprendre l’individualité des animaux, il convient de sortir de nos concepts humains habituels pour intégrer le monde propre dans lequel vit chaque animal », conclut l’historien.

1 Action collective en santé publique : animal, végétal, environnement. Droit et science politique.

2 La conférence sera prochainement disponible en rediffusion via le site internet de l’ENSV (Ensv.fr) et sa chaîne YouTube École nationale des services vétérinaires.

3 Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1713 du 31/3/2017, page 16.

4 Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1724 du 16/6/2017, page 48.

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